par Mercier Bruno

Révélations sur les affaires :
- Meurtres de Français en Asie
- Manipulations de journalistes
- Infiltration de Canal +
- Financements occultes
- Blanchiment d’argent par des ONG
- Pédophilie avec meurtres d’enfants
- Services secrets
- Franc-maçonnerie
- Ouvéa, Nouvelle-Calédonie

gviewPROLOGUE
JE n’arrive toujours pas à comprendre comment j’en suis arrivé à me retrouver au milieu de mafieux et, surtout, comment ils ont pu croire un seul instant que j’accepterais d’adhérer à leur idéologie. Est-ce que je représentais la recrue idéale parce-que j’étais un sous-officier parachutiste de la Coloniale qui avait commencé sa carrière à dix-sept ans et participé à différentes opérations en Afrique ainsi qu’en Asie du Sud-est ? J’ai été décoré plusieurs fois pour actes de courage et de dévouement, deux fois grièvement blessé à l’étranger, miné par le paludisme jusqu’à être souvent évacué dans des hôpitaux entre la vie et la mort. Titulaire de la Médaille Militaire pour toutes les fois où je me suis fait tirer dessus, pour toutes les fois où j’ai accompagné des gens à la mort et pour toutes les fois où j’en ai sauvé, jamais je n’ai cédé devant les menaces de qui que ce soit et où que ce soit. J’ai au contraire été au devant des périls sans la moindre hésitation, pensant que c’était mon devoir de le faire.
Tireur d’élite à l’âge de dix-huit ans, j’ai appris par coeur tous les grades des armées du Pacte de Varsovie pour sélectionner dans ma lunette, le moment voulu, leurs officiers. Pendant toute une journée je pouvais rester caché, scrutant une piste ou un découvert. Au Tchad, au cours d’échanges de feux avec des bandits, je me suis fait surprendre. A genoux, face au fleuve le Chari, j’ai attendu d’être exécuté d’une balle dans la tête. Le guerrier qui me tenait en joue et qui était drogué m’avait demandé de lui donner mon fusil d’assaut. J’avais refusé ce déshonneur. Trente après, j’ignore toujours pourquoi il n’a pas appuyé sur la détente. J’avais pourtant, devant mes yeux, le bout du canon de son pistolet

PROLOGUE
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même eu pour formateur un officier parachutiste franco-vietnamien de grande valeur. Il avait lutté contre les Viêt Công1 aux côtés de l’armée sud-vietnamienne et j’ai beaucoup appris de lui dans l’art de la guerre. J’ai pu mettre en oeuvre tout ce que j’avais appris sans aucune pitié et avec une grande efficacité. Bon élément sur qui « on pouvait compter dans les moments les plus difficiles », j’ai gravi les grades en tant que sous-officier, toujours au sein d’un régiment parachutiste d’Infanterie de Marine. En 1988, lors des événements de Nouvelle Calédonie, j’ai vu ce qui semblait être une guerre civile. Un jour, alors que je constatais des actes de violence à l’encontre d’une famille caldoche2, j’avais mis mon Dodge américain3 en travers de la route afin qu’une équipe procède à un contrôle d’identité. Plus tard, un grand Australien, qui « visitait » l’île au volant d’un 4×4, s’est présenté aux parachutistes que je commandais avec les deux arcades éclatées et le visage ensanglanté. On ne fait pas de tourisme dans une île française alors que les tribus kanakes4 et les Caldoches s’entretuent ! Puis, il y a eu l’opération Victor, à Ouvéa5.
Arrivé à douze ans de service, j’ai changé de métier et je suis devenu spécialiste de Défense NBC (Nucléaire Biologique et Chimique). Une spécialité passionnante, où les virus côtoient les atomes et le chlore. Muté deux ans à Djibouti, j’ai vécu la soirée de l’attentat du café de Paris où le petit garçon de l’adjudant-chef Hervé a été tué par des éclats de grenades. Engagé quelques mois après dans l’opération Godoria, qui consistait à stopper une division éthiopienne en déroute qui pénétrait sur le territoire, j’ai été décoré une nouvelle fois pour avoir arrêté un char T556 et fait prisonniers ses occupants. J’avais été engagé dans cette opération pour monter des stations mobiles d’eau potable pour les réfugiés qui se regroupaient sur la frontière. Mais, au détour d’une dune de sable, je me suis retrouvé dans une jeep face à ce char qui aurait pu faire ce qu’il voulait de ma petite personne. J’ai été ensuite employé à rechercher tous les indices d’emploi d’armes chimiques en fouillant une dizaine de chars de ce type. Djibouti était un pays passionnant, plein de contradictions. Avec ma femme, nous avons caché une semaine une Ethiopienne qui voulait se marier avec un caporal-chef de mon régiment. A cette époque, elle aurait pu se faire arrêter par la police qui rançonnait les Afars7, dont certains disparaissaient d’ailleurs.
mitrailleur Mat 49. C’est une question qui restera sans réponse jusqu’à la fin de ma vie. Trois heures après cet épisode, j’étais en patrouille dans N’Ndjamena et m’appliquais à enjamber les cadavres qui jonchaient le sol. A cause de l’odeur qui s’en dégageait, je portais un mouchoir sur le visage pour ne pas être pris de vomissements. Une nuit, postés avec d’autres parachutistes sur le toit de la Banque Centrale Tchadienne, nous avons entendu les gens se faire égorger les uns après les autres à moins de deux cent mètres à vol d’oiseau de notre position. Il y avait près de quatre mille cadavres qui jonchaient les rues de N’Ndjamena. Sous l’action de la chaleur, ils gonflaient et se déchiraient.
Puis, il y a eu le retour en France et, pour être revenu de cette première opération en si mauvaise santé, ma première hospitalisation dans un hôpital militaire. Trois mois plus tard, dans un avion militaire qui venait de décoller de Toulouse, j’apprenais que je partais participer à un coup d’Etat contre l’Empire Centrafricain. Patrouillant à pied et en tenue camouflée dans Bangui à la poursuite des militaires fidèles à l’Empereur Bokassa, je me suis retrouvé au milieu d’émeutiers qui se faisaient tirer dessus par des policiers africains. Les opérations héliportées pour investir les positions « ennemies » se sont succédé ensuite à un rythme soutenu, de jour comme de nuit. Au cours d’une relève de garde au Palais présidentiel, que nous tenions, j’ai trouvé un copain mort au pied d’un mirador. J’avais dix-huit ans, c’était le premier « frère d’armes » que je pleurais du plus profond de mon être.
Ma jeunesse est ainsi partie entre des avions qui me larguaient en parachute et d’autres qui me transportaient en Afrique pour défendre les intérêts français. J’ai appris la valeur de la vie en voyant souffrir des gens à la peau noire. J’ai également appris à être insensible aux tragédies dont j’ai été le témoin et parfois l’acteur, pour me donner une chance de vivre comme tous les jeunes de mon âge. Pour mieux anticiper les réactions de l’ennemi, je me suis ensuite imprégné de ses méthodes de combat au cours de différents stages qui m’ont amené à commander à mon tour de jeunes parachutistes en Afrique. J’ai moi-demandé de leur rapporter des informations, en particulier sur des Français du Cambodge. De retour en France, ces mêmes services de renseignement m’ont menacé et interdit de révéler quoi que ce soit aux services de police. C’était en 2000. J’ai refusé ces ordres.
J’ai quitté l’armée en 2002, simplement et sans remerciement pour mes vingt-quatre années passées à servir le drapeau. Etant toujours en relation avec la mafia qui essayait encore de me compromettre, j’ai tout tenté pour dénoncer les activités criminelles dont j’ai été le témoin. Les services de l’armée n’ont rien fait pour me protéger, bien au contraire. Depuis, j’ai plusieurs fois été agressé, ma famille menacée. Je me suis retrouvé deux fois en garde à vue pour une cabale montée contre moi. J’ai plusieurs fois été dénoncé comme étant un pédophile, un pervers, un voleur. Tous les moyens pour me déstabiliser ont été employés. J’y ai perdu la femme que j’aimais. Des policiers m’ont mis en garde face aux risques de défenestration de même qu’aux risques encourus à emprunter les transports en commun. Un jour, un journaliste envoyé par la DGSE10 m’a fait découvrir l’affaire de l’assassinat du juge Borrel, j’ai dès lors compris pourquoi je subissais continuellement des pressions et des menaces.

INTRODUCTION
MAFIA ? Le mot est lâché. Existe-t-il une mafia en France? Est-elle une émanation des mafias étrangères provenant, par exemple, d’Italie ou est-elle bien une mafia Franco-française ? Enfin, comment s’est-elle développée ? Une mafia est le regroupement clandestin en une seule entité de plusieurs malfaiteurs, une sorte d’association où l’intérêt commun fait le ciment du groupe qui se constitue. Elle constitue un Etat parallèle où la hiérarchie et l’obéissance ne se discute pas. Son fonctionnement particulier lui permet par ailleurs de survivre à ses membres. C’est un système de pouvoir et de domination qui a profité de l’absence de pouvoir à un moment donné. Il serait puéril de penser qu’un pays comme la France, avec son histoire, les soubresauts qu’elle a connus au XXe siècle, n’ait pas vu des hommes avoir le même objectif, le même intérêt à s’entraider pour arriver illégalement à leurs fins. C’est aussi vrai pour défendre une bonne cause que pour transgresser les lois afin d’imposer sa propre loi, celle destinée à se procurer le pouvoir ou l’argent. Il reste à définir ce qu’est une «bonne cause», et qui pourrait être amené à transgresser les lois de la République en toute légitimité. Tout dépend en réalité du camp dans lequel on se trouve et surtout du résultat du travail des malfaiteurs qui se sont regroupés pour constituer la mafia. Le qualificatif de mafia peut même être réfuté à partir du moment où ses membres pensent servir l’intérêt collectif, celui d’une communauté ou plus largement du pays.

Dans ce cas, la mafia se veut honorable et aux nobles desseins. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les résistants français auraient pu être désignés comme des mafieux par les nazis11. Ils étaient dans la clandestinité, menaient des actions de terreur pour imposer leur conception personnelle de la liberté et de leur intérêt, avaient des fonds propres et un parrain du nom de De Gaulle qui, de plus, défiait ouvertement l’autorité reconnue par une grande majorité de Français. Le rapport de force entre cette mafia et l’autorité légitime s’est heureusement terminé par l’issue que l’on connaît. La Ve République a vu aussi son lot de mafias et le meilleur exemple demeure celui du Service d’Action Civique (SAC), association loi 1901 créée en 1960, autrement dit organisation non gouvernementale (ONG). Ses statuts précisent qu’il est une association ayant pour but de défendre et de faire reconnaître la pensée et l’action du général de Gaulle. Il a pour origine le Rassemblement du Peuple Français (RPF), qui s’est parfois engagé dans des actions violentes contre les communistes. Des figures du gaullisme intègreront le SAC dont Jacques Foccart12 – créateur des « réseaux Foccart » -, responsable de la cellule Afrique de l’Elysée sous la présidence du général de Gaulle. Les réseaux « Foccart » s’affaiblissent par la suite au profit des réseaux néogaullistes de Charles Pasqua et des réseaux mitterrandiens.
Le SAC ne disparaîtra, du moins officiellement, qu’en 1982 à la suite de la tuerie d’Auriol. Jacques Massié est alors brigadier de police et responsable local de Marseille. En mai 1981, Pierre Debizet, responsable national, s’inquiète des accusations de détournements de fonds et de proximité avec la gauche portées au sein même de l’organisation marseillaise contre Massié. Peu de temps après, Massié est assassiné ainsi que tous les membres de sa famille qui sont étranglés un par un, sauf un petit garçon de sept ans qui est tué à coups de tisonnier. Les assassins sont arrêtés et l’un d’eux déclarera : « On nous a dit qu’il s’agissait de l’exécution d’un ordre venu d’un niveau supérieur. » Les assassins n’avaient pas le profil de tueurs ou de voyous. Pour la plupart, juste de bons pères de famille. La violence, l’atrocité de ces assassinats sur fond politique, ébranle la France. Cette affaire a mis en lumière l’existence d’organisations paramilitaires extrémistes et de la bienveillance à leur égard des institutions françaises. Le Service d’Action Civique est dissous par François Mitterrand le 3 août 1982 conformément à la loi sur les groupes de combat et les milices privées. Toutefois, une dissolution ne veut pas dire que les membres d’une telle organisation ont arrêté leur combat. Il existe encore, en 2010, dans le sud de la France, des associations qui se prévalent d’être les héritières du SAC. Cependant, malgré les méthodes employées, qualifier cette organisation de Mafia serait mal indiqué dans la mesure où elle a servi une cause juste puisque victorieuse des combats qu’elle a menés. Parmi les milieux d’extrême droite, le SAC, qui a en outre bien servi sa cause politique, reste une référence en qualité d’organisation.
En revanche, l’Organisation Armée Secrète (OAS) pourrait toujours être assimilée à une mafia car elle a perdu son combat alors qu’il se voulait celui de l’honneur. L’organisation regroupait les partisans du maintien de l’Algérie française par la lutte armée. En 1962, six cent trente-cinq membres de l’OAS sont arrêtés, deux cent vingt-quatre sont ensuite jugés, dont cinquante-trois seront condamnés à une peine de prison avec sursis, trente-huit à une peine de prison ferme, trois condamnés à mort et exécutés. Plusieurs centaines d’autres seront tués par des barbouzes dont certains seront membres du Service d’Action Civique. Dans la bouche des vainqueurs, l’OAS pourrait être qualifiée de mafia, dans celles des vaincus, ça restera toujours une insulte. Tout est de toute façon discutable en fonction des convictions défendues. Il y a donc des mafias ou des organisations similaires qui sont légitimées en fonction de la cause qu’elles servent et de l’aboutissement de leur combat. La fin justifiant les moyens, l’histoire donnera toujours raison aux vainqueurs. C’est sur ce principe, celui du combat intérieur, que peut se développer une mafia dite légitime. Il n’y a rien de moral mais cela ne compte pas.
Il n’est pas question ici d’énumérer ou de hiérarchiser les possibles mafias que la France a connue ou connait, mais de remonter à l’origine
de la principale mafia française actuelle, à rechercher son ciment et à faire connaître sa nouvelle orientation qui s’est opérée dès l’éclatement du Pacte de Varsovie. Les groupes industriels, les politiques, ainsi que chaque Français, peuvent être sa cible, même si l’intérêt de la nation peut en souffrir. Ses méthodes employées sont réfléchies, affinées maintes fois et menées par des hommes qui vivent avec elles au quotidien. La principale méthode utilisée est la Manipulation, avec un grand « M », qui permet de camoufler la vérité ou de la déformer. Les chantages, les trafics de drogues, d’armes, les blanchiments d’argent, la prostitution ne sont que des moyens d’actions qui peuvent être utilisés non seulement au nom de la cause mais aussi à des fins personnelles. Une mafia qui se réfugie à l’extérieur de l’hexagone, au sein de notre ex-empire colonial, où elle est fortement ancrée pour mieux servir sa cause. Nous pourrions citer des «pays hébergeurs», en Afrique, dont les dirigeants sont d’ailleurs plutôt victimes que complices, mais c’est en Asie du Sud-est que nous allons retrouver une des branches la plus active de cette mafia.
Un voyage qui débute par la libération de la France en 1945 et qui bascule finalement dans l’horreur au cours des années 2000 avec des meurtres d’enfants cambodgiens, et ce dans l’indifférence de tous. Un voyage ponctué d’assassinats, de trafics, de mensonges, de manipulations de toutes sortes, de victimes en tous genres, dont des Francs-maçons, et qui nous transportera finalement en Afrique. Un voyage où les honnêtes gens sont dans l’obligation d’intégrer la mafia pour survivre, se forçant à trahir leurs propres convictions, leurs amis. Acceptant le fait qu’une mafia française existe bien et qu’elle s’est parfaitement intégrée dans la société pour durer, plusieurs affaires criminelles pourront alors être envisagées sous un autre angle.

LA GENESE
Il est bon de rappeler que la France a eu un Empire colonial13 tout puissant. Dès 1887, le pays a tiré profit de ses années de contrôle sur le Laos, le Cambodge, le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine. Les besoins de l’industrie automobile favorisent alors l’essor du caoutchouc avec pour principal investisseur le groupe Michelin. La mafia française a été créée, pour l’essentiel, par des réseaux liés au colonialisme. Le trafic de drogue mondial, provenant pour partie d’Indochine et se reposant principalement sur des minorités ethniques vietnamiennes et laotiennes, en est le principal exemple. Nombre d’ouvrages décrivent le travail de terrain des soldats de la coloniale ayant pour mission de gérer les minorités chargées d’exploiter les plantations de culture d’opium. L’Etat français, du temps des colonies et de sa grandeur, est donc intimement lié au trafic de drogue. La guerre donnera la seconde impulsion du trafic de drogue en Asie du Sud-est.
La Deuxième Guerre mondiale a donné à ces réseaux un essor particulier grâce à l’expansion du communisme, dans une lutte qui s’est voulue être la priorité des combats politiques du « monde libre » et ce, bien avant la chute du IIIe Reich. Au printemps 1944, Churchill, impressionné par le rythme de l’avancée soviétique et ne nourrissant plus aucune illusion sur Staline, réactive la « section V » antisoviétique jusque là mise en sommeil. Il craint alors l’invasion de la France et une menace communiste demeure insupportable à ses yeux. Début 1944, Churchill avait déjà affirmé que « l’armée rouge a franchi les deux tiers de la distance séparant la frontière russe du Pas-de-Calais. A mes yeux, la menace soviétique a remplacé l’adversaire nazi ». A l’été 1944, la lutte
antisoviétique devient une priorité majeure, bien avant celle de stopper l’élimination des juifs poursuivie par les nazis et limiter ainsi les effets de la solution finale, par ailleurs parfaitement connue des Alliés. C’est le sens du débarquement de novembre 1944, en Grèce.
Parallèlement, Churchill va demander au renseignement extérieur britannique de prendre des dispositions aptes à protéger les intérêts vitaux de son pays sur le continent européen. A sa demande, la France focalise toute l’attention des services outre-manche. Quelques jours après le débarquement de Normandie, l’aide à la résistance s’amplifie. Le MI6 (ou Secret Intelligence Service)14 est sur le pied de guerre, au même rythme que les SAS (Special Air Service) qui combattent les Allemands. Il sera encore plus actif dans les semaines suivantes mais ses missions seront bien étranges et obéiront alors à d’autres objectifs que la lutte contre les nazis. Alors que l’occupant allemand se replie, les parachutages d’armes et de matériels s’intensifient, les opérations d’installation de caches d’armes et de parachutages d’agents, dont une large part de SAS, se multiplient à une cadence de plus en plus prononcée. Partout, des équipes maillent le territoire français, même aux endroits d’où l’armée allemande s’est retirée.
Fin août, les forces aériennes réalisent plus de cinq cents sorties, plus de huit mille containers d’armes sont largués. Des jeeps armées de mitrailleuses, des mortiers, des canons sont méticuleusement camouflés avec des provisions pour mener une action de guérilla. Il s’agit en réalité de pré-positionner des éléments de guerre insurrectionnelle ou contre insurrectionnelle. Jusqu’en novembre 1944, des opérations spéciales sont menées pour constituer des caches d’armes très importantes en Bretagne, dans l’Eure, la Loire, le Loiret et la Vallée du Rhône. Le Pas-de-Calais est particulièrement bien fourni car constituant la dernière zone tampon protégeant les îles britanniques Les Ports du Nord, l’arrière-pays marseillais, les alentours de Paris avec la forêt de Rambouillet et la Seine-et-Marne seront aussi équipés de caches. Au total, une vingtaine de grandes bases, encore davantage avec les
sites auxiliaires, sont constituées dans le seul mois de juillet. Elles sont renforcées par plus de mille hommes en août, installés sur vingt-trois nouvelles bases.
A l’été 1944, c’est officiellement le retour en France du général de Gaulle qu’il s‘agit d’appuyer, si nécessaire par les armes. En réalité, il faut créer des dépôts, former des gens à la guérilla en cas d’insurrection ou coup d’Etat communiste. L’avance alliée est rapide, la Seine est atteinte dix jours avant les prévisions, la frontière allemande cent jours après le débarquement. Suite au piétinement de Caen, trois cents jours étaient alors prévus. Au MI6, le soulagement est donc de mise. L’opération « Market-Garden » à Arnhem (« Un pont trop loin »)15 porte néanmoins un coup sévère à la crédibilité et au moral de l’Etat-major britannique. C’est sans doute l’un des échecs stratégiques les plus graves de la guerre. Seuls 2163 parachutistes sur les 10 000 engagés en sont revenus. La prise d’Arnhem était destinée à lancer les forces sur Hambourg et, de là, sur Berlin. Les Anglais auraient été à trois jours de Berlin par le nord et à une semaine par l’ouest, prenant de vitesse les Soviétiques. Car c’était bien là le but recherché lors de cette opération. C’est à partir de cet échec, dû essentiellement à une mauvaise interprétation des informations reçues, que le renseignement britannique changera de méthodes de travail.
Ces nouvelles orientations seront aussi motivées par les déclarations de Churchill lors de la conférence de Québec, en septembre 44 : « J’estime inévitable que la Russie devienne la plus grande puissance militaire terrestre après cette guerre qui l’aura débarrassée de deux pays dont elle a eu à souffrir de terribles défaites, au cours même de notre existence, l’Allemagne et le Japon. J’espère cependant que l’association fraternelle du Commonwealth et des Etats-Unis, combinée avec la supériorité aérienne et navale, peut nous laisser en bons termes et en état d’équilibre amical avec la Russie. Tout au moins pendant la période de reconstruction. Mes yeux de mortel ne permettent pas de voir au-delà et je ne suis pas encore pleinement renseigné sur les télescopes
célestes. » Dans ce nouveau rapport de force où le communiste devient l’adversaire non avoué, les Britanniques suivront avec angoisse le désarmement laborieux, jusqu’à la fin 1944, des milices patriotiques d’obédience FTP (Francs-tireurs et partisans)16. Avec angoisse car cette force potentiellement hostile et non maîtrisée inquiète Churchill qui cherche à utiliser les Français pour construire l’Europe de l’après-guerre. Il veut écarter un tête à tête avec les Américains et être pris entre ces derniers et les Soviétiques. Il a donc besoin des Français, mais pas de Français communistes armés pouvant se retourner contre l’autorité du général de Gaulle.
Depuis fin 1944, le concept britannique d’opération subit une évolution radicale, un imperceptible glissement de finalité. En avril 1945, la guerre touche à sa fin, le groupe armé Model est encerclé dans la Ruhr, les Soviétiques contrôlent la Prusse orientale et percent l’Oder tandis que le 21 avril, les faubourgs de Berlin-Est sont attaqués. Alors que la nécessité s’en fait moins sentir, les actions stratégiques se multiplient ; déployer une telle énergie et autant de moyens à ce moment précis peut paraître étonnant ! En mars 1945, l’opération « Endkampf » mobilise à elle seule presque toutes les unités SAS17 au nord-ouest de l’Allemagne. En Italie, c’est l’opération « Tombola » où le déploiement est massif, principalement autour des grandes villes industrielles du nord. Il en va de même en Hollande et en Belgique, près des capitales, des ponts et des centres industriels. La Norvège, la Yougoslavie, l’Albanie, la Grèce ne sont pas en reste. Mais c’est en France que le summum est atteint, la lutte contre le IIIe Reich servant de justification, mais certainement pas d’explication. Des implantations préventives autour des foyers communistes et des noeuds de communication sont organisées.
En toute hâte, des réseaux naissants vont être composés d’anciens résistants, mais surtout d’anciens collaborateurs des nazis qui seront blanchis afin de préparer en France la résistance contre l’occupation de l’armée rouge. L’argent et le chantage sur leur passé ont constitué des moyens d’action et d’intrusion au plus haut niveau. C’est ainsi que
des fidèles du gouvernement de Vichy, des collaborateurs et des agents du IIIe Reich ont été sauvés par les Anglais, sous condition de servir la cause anti-communiste. On note ici la notion de « cause » qui va perdurer près d’un demi-siècle et permettre à quelques respectables Français de véhiculer sournoisement leurs convictions d’extrême-droite, pour ne pas dire nazies, sans être inquiétés. Seule condition, rester discret, se fondre dans la masse pour mener un combat de l’ombre et être disponible le moment venu afin de sauver la France du « péril rouge ».
La fin de la guerre a ainsi profondément modifié la teneur de l’activité de contre-espionnage qui s’identifie désormais aux seuls procédés de manipulation. Le champ d’application de l’activité de contre-espionnage est le dispositif d’espionnage adverse, non ses centres vitaux. Il devient d’autant plus urgent pour Churchill de surveiller les communistes et de préparer la résistance qu’il lui apparaît comme de plus en plus évident que de Gaulle ne restera pas longtemps au pouvoir. De plus, pour Churchill, les gaullistes sont infiltrés par les communistes. De toute façon, il ne pouvait être question de faire confiance aux Français, que ce soit pour les Britanniques comme pour les Américains, qui avaient parfaitement conscience que les quarante millions de maréchalistes de juin 1940 étaient aussi les quarante millions de gaullistes de 1945 ! Raisonnement simpliste mais non dénué de sens… Malgré tout, la « versatilité à la française » pouvait servir la lutte anti-communiste, mais certainement au détriment de l’unité de la France. Pour autant, c’était un moindre mal d’accepter une France divisée plutôt qu’une France communiste. Dès l’été 1944, les militaires et civils de Vichy ralliés entre 1943 et 1944, qui seront ici dénommés «attentistes», ont annexé l’organisation française. Les résistants qui ont accompagné de Gaulle, ceux de la première heure, ceux qui ont refusé la défaite et la collaboration avec les nazis, ont pour l’essentiel été traités avec le plus grand mépris par les « professionnels de la chose militaire ». Ceux-là même qui considéraient que saluer respectueusement et obéir sont les composantes de base de l’honneur et que chaque militaire en est le gardien, que respecter les ordres est une règle de base qui ne peut être contournée, enfin que Pétain était le chef qu’ils se devaient
de respecter et le seul à reconnaître. Les patriotes n’acceptant pas le nouvel ordre français furent dans un premier temps considérés comme des terroristes, pour finalement devenir des amateurs dans un second temps. Jamais ils ne seront reconnus par eux comme l’honneur de la France, de Gaulle étant lui-même jugé comme un amateur qui a profité d’une situation. La France libre à Londres, en 1940, compte sept mille ″terroristes″ alors que l’armée de Vichy, à la même époque, compte cent vingt mille collaborateurs et patriotes. En 1943, la France libre passe à cinquante mille amateurs et en 1944 c’est cent vingt mille résistants qui sont avec l’homme du 18 juin. Combien sur la dernière année l’ont été pour sauver leur peau ? En 1945, tout le monde se dit résistant et aspire à être reconnu comme tel. Tout le monde court après les décorations qui seront délivrées après la Libération, quitte à dénoncer des innocents pour se valoriser. Ce sont les mois d’épuration que connaîtra la France avec son lot d’injustices…
En 1946, le mouvement d’annexion par les attentistes touche à sa fin, la discipline est rétablie et quelques derniers «amateurs» sont bien encore présents, mais le rapport de force s’est retourné en leur défaveur. Très vite, chacun se positionne comme ayant le meilleur contact avec la SFIO18, avec le MRP19, d’autres s’annoncent proches de tel parti de droite… le parti en question étant la seule garantie contre le noyautage communiste. Les attentistes n’hésitent pas à affirmer que si le général Giraud20 avait été écouté, il n’y aurait jamais eu ces Guingouin, Ravanel, Fabien, Chaban… qui s’inventaient des grades d’officiers alors qu’ils n’avaient jamais fait d’école militaire et qu’ils étaient juste digne de porter un uniforme de soldat de deuxième classe, au mieux de caporal-chef. Le ménage terminé en excluant les bolchéviques et les aventuriers
(les résistants de la première heure), l’armée française est de retour ! Et elle a l’Empire à reconquérir et à défendre ! Le communisme doit être combattu, le discours est d’ailleurs celui de l’avant guerre. Rien n’est inventé, donc aucun regret n’est formulé sur les erreurs passées. En réalité, il n’y a pas d’erreur, juste un malheureux concours de circonstances imputable à la mauvaise stratégie employée par Hitler. Il faut maintenant juste éviter de s’exprimer sur la question juive. Les
camps livrent officiellement leurs atrocités, qui étaient d’ailleurs connues de longues dates. Les juifs revendiquent un territoire et les Anglais sont en but à leur hostilité21. En France, mieux vaut ne pas s’en mêler et rester discret, l’énergie étant à orienter vers l’anticommunisme. Les initiatives fusent et il faut créer un service de plongeurs de bord. Les candidats qui se présentent font plutôt état de leurs relations personnelles politiques que de leur propre compétence à assurer les missions qui leur seraient dévolues. Tout le monde ayant été résistant, tout le monde connait tout le monde ! C’est la grande famille de la résistance. On se demande pourquoi la guerre ne s’est pas terminée plus tôt, et pourquoi les Allemands ont pu occuper la France autant de temps…
L’organe du renseignement français symbolise à lui seul la division des Français et leur besoin de se faire reconnaître en tant que sauveurs de la nation. Le seul dénominateur commun est l’opposition au communisme et l’ambition colonialiste. On y perçoit des luttes d’influences propices à des coups bas portés au sein même du service dont la première victime sera Dewavrin22, plus connu sous le pseudonyme de « Passy », véritable héros de la résistance. Chef des services secrets de la France libre auprès du général de Gaulle, il prendra la tête de la DGER (ex-DGSS), qui devient le SDECE quelques mois plus tard. Pour lui rendre les honneurs qui lui sont dus et sous prétexte d’avoir détourné des fonds, il fait quatre mois de prison préventive avant que les poursuites judiciaires ne soient abandonnées. En 1946, il démissionne. En fait, un gisement d’anciens vichystes et d’anciens collaborateurs ont annexé le service. Ils en occupent sans partage les rouages. Du fait du contexte politique, des départs de De Gaulle et de Dewavrin, les Anglais sont confortés dans l’image qu’ils se font des Français et décident de ne pas faire confiance à la structure française. Ils s’en remettront à des réseaux parallèles et à des relations plus ou moins personnelles pour s’assurer de l’évolution de la situation sur le sol français et du combat contre le communisme. On parle donc déjà de « réseaux parallèles » à peine sorti de la guerre. Par la suite, les craintes des britanniques seront confirmées, les cas français et italiens demeurant les plus inquiétants. En France, les communistes pèsent
entre 30 % et 40 % de l’électorat avec 400 000 adhérents au PCF ! Ils contrôlent le charbon, l’industrie lourde et les ports. Pour les services britanniques, Staline dispose alors d’une réelle marge de manoeuvre23. Il devient de plus en plus indispensable de mettre en place un système qui puisse fonctionner en réseau dormant et être activé le moment venu. Cela n’a que peu à voir avec les agents dits « Stay Behind » des armées napoléoniennes qui étaient chargés de faire du renseignement basé sur la collecte d’informations. Il s’agit dans le combat anticommuniste d’aller plus loin et de mettre en place une fondation permettant de développer des pénétrations clandestines si l’armée rouge se retrouvait un jour à s’installer sur le Pas de Calais.
En mai 1947, les communistes quittent le gouvernement Ramadier. D’anciens vichystes, d’anciens résistants anti-communistes et des militaires obtiennent le financement d’industriels pour mettre en oeuvre le « plan bleu », un complot visant à prendre le pouvoir en France. Il est découvert par les renseignements généraux et révélé à la population, des arrestations ont lieu à Lamballe et Chamalières. Cela ne va pourtant en rien altérer la détermination des communistes. Le 3 décembre 1947, le train Paris-Tourcoing déraille, causant vingt et une victimes et faisant suite à une longue série de sabotages. Durant cette période, il n’y eut pas moins de cent six condamnations pénales pour sabotage. En 1948, l’atmosphère est quasi-insurrectionnelle, des grèves de dockers et de mineurs tournent à l’affrontement. La France n’arrive pas à sortir de la misère, la ration de pain est réduite à deux cents grammes par jour, trois ans après le débarquement, deux ans après la fin de la guerre. Le ministre de l’intérieur brisera les grèves en faisant intervenir l’armée.
L’armée est aussi engagée dans la guerre d’Indochine depuis deux ans et elle-même victime de sabotages qui font le jeu du Vietminh en accentuant les pertes parmi le corps expéditionnaire. La guerre froide allait par la même occasion donner une impulsion décisive au développement du trafic de drogue. La participation de la Central
Intelligence Agency24 (CIA) des Etats-Unis et des militaires français allait servir l’expansion de la production d’opium en Asie du Sud-est. Menaces communistes et guerre d’Indochine, combinées avec les besoins d’une diaspora chinoise forte consommatrice d’opium, ont permis d’accentuer la production dans le Nord Indochinois. Bangkok et Saigon furent les deux grandes villes de consommation et d’envois d’opium. Pilotés par les services spéciaux français et ensuite par la CIA, les productions du Nord-est de la Birmanie et du nord de l’Indochine française étaient acheminées par des moyens aériens vers ces villes.
A dix mille kilomètres des rizières où se bat le corps expéditionnaire français, les Anglais, qui s’attendent à ce que la France bascule définitivement dans le giron communiste, commencent à faire l’inventaire des caches d’armes et mettent en alerte leur dispositif de résistance. Au tournant des années 1949-1950, la Grande-Bretagne étant financièrement à bout de souffle et en proie à l’éclatement de son Empire, le relais de la lutte anticommuniste est pris par les Américains. En 1951, la CIA reprend la main sur le dispositif français qui est maintenu en place comme prévu et conçu pour être immergé sous occupation ou gouvernement communiste. Avec plus de 25 % de communistes en France, le pays peut toujours et réellement devenir un satellite de l’URSS, ce qui peut paraître paradoxal alors qu’il est en pleine guerre contre le Vietminh25. On se bat à l’extérieur contre un ennemi qui pourrait être celui de l’intérieur. La guerre d’Indochine devient en quelque sorte une guerre de Français communistes contre des Français non communistes, une guerre civile qui n’en a pas le nom. Les Américains sont à nos côtés pour financer cette guerre anti-communiste qui nous vaudra quatre-vingt dix mille morts (dont 36 000 disparus dans les camps de prisonniers dans une totale indifférence de la part de la population française) pour finalement nous lâcher en 1954 ; ce qui engendrera un fort sentiment anti-américain dans les rangs français et une haine du communisme encore plus prononcée.
La chute de Dien Bien Phu traumatisera la France non
communiste. Les Américains ne seraient pas intervenus sous prétexte de ménager les réactions chinoises. Ils en paieront les frais lors de leur propre guerre du Vietnam. Les minorités ethniques fidèles à la France seront abandonnées à leur sort sans plus de détails. La tragédie se répétera en Algérie huit ans plus tard et donnera naissance à l’OAS. Les militaires blessés rentrant d’Indochine seront protégés en France lors de leur transport vers les hôpitaux par des CRS26 afin qu’ils ne se fassent pas matraquer sur leur brancard par des «commandos» communistes. Une nation qui s’automutile sous couvert d’idéologie ! Des Français qui projettent d’achever d’autres Français blessés. La France a de quoi faire peur aux autres pays européens.
Dans le cas de figure de la prise de pouvoir en France par les communistes, il s’agissait de se doter des moyens d’organiser un coup d’Etat. Il s’est ainsi mis en place, dans une certaine mesure, un système de hiérarchie parallèle dans les administrations françaises. L’instabilité politique de la IVe République, dont l’espérance de vie d’un gouvernement ne dépassait pas les six mois en moyenne, a fourni un terreau substantiel à ce système en permettant le renouveau de certaines influences, notamment maçonniques. La Franc-maçonnerie, victime du régime nazi et du gouvernement de Vichy, s’imposait de nouveau dans les institutions. Un juste retour des choses, mais dont l’intervention louable n’a néanmoins fait que ralentir les prises de décisions sans pour autant être déterminante. En tout état de cause, il apparaît que les Franc-maçons, de par les persécutions subies pendant la guerre et leur refus de collaborer avec l’ennemi, se sont certainement donnés plus de légitimité à participer à la gestion du pays que ne l’ont fait les attentistes.
Ce système de hiérarchies a profondément affecté, et de façon durable, les organes de police et de renseignement extérieur français, ces deux organes étant noyautés non par les communistes mais par les attentistes. Il faut dire que durant la guerre, sous l’impulsion de Bousquet, la police française a été fort disciplinée, devenant le supplétif actif de
la Gestapo. Même après le débarquement de Normandie, les ordres étaient appliqués avec zèle. La « volte-face » se fera in-extremis, lors de la libération de Paris, lorsque les policiers français retourneront leurs armes vers l’occupant dont l’objectif, alors, sera davantage d’évacuer la capitale que de la défendre. Des héros en puissance, libérateurs de Paris, qui seront mis à l’honneur pour des décennies. Une conception de l’honneur qui se transmettra aux générations futures. Un combat raté d’avant guerre mené par les attentistes et une opportunité d’après guerre qui a porté bien des carrières au sein de nos institutions.
Au fil des années de guerre froide, le dispositif s’est sans cesse amélioré, le réseau s’est étoffé en même temps que la peur du péril d’une invasion communisme était entretenue. Suivant le même modèle qu’en France métropolitaine, nos colonies se sont dotées de ce système de hiérarchie parallèle destiné à prévenir la menace communiste. A la différence près qu’il est plus facile de tenter d’imposer son autorité sur des populations soumises et fragiles que sur une population métropolitaine déjà acquise en grande partie au parti communiste ou aux partis d’opposition. Après la décolonisation, la France a développé une « politique bienveillante » vis-à-vis de ses anciennes colonies pour mieux les protéger, c’est ce qu’on qualifiera de « Françafrique ». Pour tenir ces pays frères qui servent la cause, un réseau international s’y est naturellement développé à partir du dispositif initialement mis en place. Tout était donc prévu et bien planifié, sauf l’éclatement brutal de l’URSS27. La chute du mur de Berlin a surpris et a en quelque sorte désorienté tout le dispositif humain qui ne vivait que par la menace communiste et a donc remis en question son financement à court terme. Le problème est qu’il a fallu se séparer de machines de guerre et de renseignement qui employaient des « moyens qui justifiaient la fin », ces moyens qui ne sauraient plus être justifiés sans cause.
Certaines «machines» se sont retrouvées seules dans la vie civile, sans accompagnement ni surveillance et dotées d’un «savoir-faire» qui, inévitablement, serait employé à des fins personnelles, voire criminelles.
Il fallait aussi donner une justification à des actions de survie, dont le prétexte ne pouvait plus être que celui de se préserver des effets néfastes de l’Islam sur le monde libre. Heureusement, un enfant des Etats-Unis nommé Ben Laden28 va leur redonner une certaine légitimité et une reconversion bien trouvée. Sans renier cet anticommunisme qui a fait leurs années de gloire, un nouveau combat se profile grâce à la tragique journée du 11 septembre 2001, celui de la prévention et de la lutte contre l’Islam. Ils s’étaient déjà positionnés dans ce combat mais n’avaient que peu d’échos favorables, tant au niveau des services français, qu’étrangers, la CIA pensant maitriser la menace. L’avenir s’avère donc prometteur car ce combat ne fait que commencer et arrange finalement bien les services de renseignement du « monde libre ».
Malgré tout, le réseau d’hier avec ses idéalistes d’aujourd’hui n’est plus investi par la France et est ouvertement devenu une mafia. Mais n’oublions pas que les Américains, lors de la Deuxième Guerre mondiale, s’étaient appuyés sur la mafia italienne. La fin justifiant toujours les moyens en temps de crise majeure, il est toujours envisageable que la mafia française puisse servir les intérêts d’Etats. D’autant plus que les héritiers d’attentistes qui ont repris le flambeau du « travail, famille, patrie », le sens du devoir et de l’honneur, sont toujours présents dans nos institutions, toujours prêts à sauver la France. Leur combat s’est transmis au fil du temps par idéalisme ou opportunisme, la France, par sa grandeur, son histoire, sa culture, devant être mise à l’abri des agressions, mise à l’abri malgré elle s’il le faut. Car le Français n’a pas toujours les capacités à distinguer ce qui bon ou mauvais pour lui. Les juifs ? Ils étaient mauvais pour lui mais il s’est laissé dépouiller sans s’en rendre compte. La solution finale des nazis a bien tenté d’éradiquer cette «vermine» de la surface de la terre mais l’histoire en a voulu autrement. Le communisme ? Il a pris le relais du péril juif sur le pays et le combat a finalement été victorieux. Il faut malgré tout rester vigilant, les attentistes ont pu par la même occasion entamer une deuxième carrière pour que vive leur idéal… Ils ont toujours le même discours plus d’un demi-siècle après avoir vécu leur aventure commune avec les nazis. Ce qui explique peut-être pourquoi les néo-nazis de notre
temps sont toujours une réalité et qu’ils sont encore actifs. Il est évident que les sympathisants de la politique du gouvernement de Vichy ne peuvent qu’apprécier avec bienveillance les groupuscules qui lèvent le bras en scandant des slogans d’un autre âge. Les valeurs de haine se transmettent, hélas.
L’Islam est devenu le cheval de bataille de tous ces idéalistes. L’affrontement de cultures dites opposées, de religions qui sont incompatibles entre elles !… Voilà le nouveau discours pour les années à venir, celui qui va rendre incontournable les sauveurs de notre pays. Ceux qui tiennent ce discours ne font même pas référence à leur propre religion qu’il faut défendre, mais plutôt au mal que va engendrer la religion de l’autre, le nouvel ennemi qui ne va pas se limiter à menacer la France mais tout le monde libre. Et c’est ce dernier point, la menace à l’échelle de la planète ,qui fait l’originalité de cette croisade des temps modernes. Au-delà de la France, nos héros se proposent de contribuer à sauver l’Occident. Autant de soutiens en perspectives pour les services étrangers qui pourraient être intéressés par leur savoir-faire…
La mafia française, dont les méthodes sont celles du dispositif mis en place à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, a pris son plein essor à l’extérieur de l’hexagone, en toute discrétion, loin du regard de nos concitoyens. Notre mafia bien à nous qui entretient la peur de l’autre pour mieux se rendre indispensable sur le territoire national et qui a maintenant un écho au-delà de nos frontières. Car les mafias s’externalisent, mondialisation oblige, et c’est dans les pays les plus faibles, les plus stratégiques ou dotés d’un potentiel économique important que la mafia est la mieux représentée. Elle assure une «veille économique» pour saisir les opportunités dans les pays qui s’émancipent. C’est une mafia expatriée qui entretient des relations avec les correspondants héritiers des attentistes de la mère patrie.

LES MÉTHODES
A l’origine, devant l’efficacité des méthodes employées par les communistes, il avait été décidé qu’il fallait disposer de structures capables de se révéler efficace le moment venu. Cela signifie que contrairement à ce qui se pratiquait durant la guerre dans la résistance non communiste, un réseau doit pouvoir continuer à fonctionner même si une partie de son organisation est neutralisée ou détruite. Cela revient à construire un réseau comme l’on construit un bateau qui, en cas d’avarie grave, doit continuer à naviguer vers son port d’attache, même s’il vient à prendre l’eau. Cela nécessite une multitude de compartiments et des cloisonnements entre ces derniers. De même, à l’intérieur des compartiments, plusieurs installations techniques se complètent et peuvent fonctionner de façon autonome en mode dégradé.
En renseignement, cela signifie jouer avec le contre-renseignement et la sécurité. L’objectif du dispositif est de pouvoir pratiquer des dislocations, c’est-à-dire de porter atteinte à la capacité adverse de raisonner ou, au contraire, lui imposer d’être en situation de raisonner. Ce qui revient à lui faire croire ce qu’on veut qu’il croit. A partir de ce mécanisme à orchestrer, les compartiments, cloisonnements et installations techniques ne suffisent plus. Le réseau devra prévoir les possibles infiltrations en son sein. La guerre froide était en ce sens une véritable partie d’échecs où l’on déplaçait les pièces selon une procédure précise tenant compte de celle de l’adversaire, ainsi que de l’ambiance du moment. Ce que les services recherchent face à une tentative de pénétration d’un réseau n’est pas de lui interdire l’accès
mais de rechercher à en intégrer les effets. En somme, de considérer la pénétration comme positive pour pouvoir livrer les informations choisies. Information, contre-information, manipulation sont intimement liés et se trouvent être les éléments constitutifs de cette partie d’échecs planétaire. :;;
Le but n’est-il pas au fond que personne ne comprenne rien tout en ayant l’impression d’avoir gagné la partie ? En pratique, le système doit fonctionner avec des gens parlant sous la torture, la menace, l’argent ou le sexe, ces quatre composantes étant des fondamentaux. L’information à livrer est celle qui sera diffusée par des personnes de bonne foi, qui ne comprendront pas sa teneur et pourquoi elles font l’objet d’une attention particulière de personnes n’ayant rien à voir avec elles. Monsieur «tout le monde» est un instrument potentiel à utiliser, un agent à modeler, à marteler, et à finir par une dernière touche de personnalisation. Un agent professionnel adverse est un agent à utiliser au même titre qu’un agent du réseau, il n’y a pas d’amis ou d’ennemis, juste des outils et instruments dont il faut se servir pour défendre la Cause et réussir sa mission. L’objectif de la mission n’est peut-être pas celui que l’on veut atteindre mais celui que le Chef d’orchestre a décidé d’atteindre. Le blanc n’est peut-être pas tout à fait blanc, plutôt noir, mais qui peut en fin de compte identifier la vraie couleur…
Une vraie vérité ou une fausse manipulation doivent cacher une seconde couche de fausse vérité ou de vraie manipulation, qui elle-même est protégée par une troisième couche. On comprendra aisément qu’un montage de ce type en cas d’affaire judiciaire ne sera que très rarement compris par des policiers ou un juge d’instruction. Les uns et les autres s’arrêteront généralement à la première couche du montage, qui correspondra à leur capacité à raisonner suivant leur expérience. Parfois, à la deuxième couche mais jamais à la troisième. Seul le concepteur du montage pourrait décortiquer les couches à condition qu’il ait gardé la main sur l’ensemble du dispositif, ce qui, dans le cas d’un montage très sophistiqué, ne sera pas systématique.
Ces principes de fonctionnement se sont transmis au fil des années et ont été récupérés par la mafia. Mal employées, ce sont des armes dangereuses, mortelles aussi bien pour un individu que pour un pays comme la France. Inévitablement, elles se retourneront un jour ou l’autre contre les intérêts français. Au contraire des mafias italiennes qui emploient quasi systématiquement la violence, la mafia française utilise donc des méthodes bien moins voyantes et affinées durant la guerre froide. L’autre différence est que la mafia italienne sévit sur le territoire national et la mafia française agit pour sa part sur les théâtres extérieurs, à partir de ses anciennes colonies pour mieux annexer les affaires du pays. Elle se sert de l’Etat français plutôt que de le combattre et profite de ses forces et de ses faiblesses pour mieux en vivre. Ses méthodes sont graduelles et la première démarche consiste à étudier dans le détail la cible, en recherchant le point faible qui permettra de l’intégrer dans le dispositif. Car tout individu est bon à intégrer pour son carnet d’adresses, son argent, ses connaissances techniques, son image à exploiter ou tout simplement pour être utilisé comme leurre. Le principe de base est que toute personne a quelque chose à se reprocher et qu’il est possible d’exploiter ses faiblesses pour s’en servir ensuite dans l’intérêt de la cause.
A l’étranger, il est toujours plus facile de connaître les habitudes des uns ou des autres. Des petits pays comme Djibouti ne permettent pas de cacher durablement ses vices ou ses passions et un mafieux à l’affût peut tout connaître d’un expatrié. Les personnes qu’il rencontre, ses heures de travail, de détente, ses distractions, ses tendances sexuelles déviantes. Il suffit de s’intéresser une semaine à son emploi du temps pour en tirer des conclusions. Dans des pays plus importants, l’occidental ne passe néanmoins jamais inaperçu et se localise sans difficulté. Il suffit d’un peu de temps et de moyens pour savoir ce que l’on peut gagner de celui qui est devenu une cible. Bien souvent, c’est la cible elle-même qui va se livrer au mafieux vers qui elle va se diriger en toute confiance. Les occidentaux ont ce réflexe de croire qu’ils sont plus en sécurité en fréquentant d’autres occidentaux, ceci s’explique par la méconnaissance ou la peur de cultures différentes, et du besoin
d’évoluer dans le connu pour se rassurer. En quelque sorte, il y a souvent une volonté de ne pas couper le cordon ombilical avec la mère patrie, représentant l’environnement familial, les amis, le confort. Les mafieux, eux, ont par contre coupé le cordon depuis longtemps et leur vie n’est plus rattachée à celle de la mère patrie. Implantés depuis des années dans le pays, ils voient arriver les expatriés comme des pigeons à plumer, ceux qui seront les futurs auxiliaires obligés au service du fonctionnement de leur réseau. Des ressources neuves qu’il faudra, la plupart du temps, exploiter rapidement et sans pitié car ils ne sont que de passage, affectés par un groupe industriel pour une période limitée. Des cibles qui se gèrent comme un fond de commerce sans fin puisque ces opportunités se répèteront périodiquement…
En fonction de la cible, de son éducation, de son milieu socioculturel, de son activité professionnelle, les moyens de pression seront différents et ajustés. Un père de famille, de surcroît catholique pratiquant, menant une vie des plus rangées, sera une cible au moins équivalente à celle représentée par un escroc sans scrupules et menant une vie de débauche. Il suffira, pour le premier, de révéler en lui ses vices ou de les lui révéler et le compromettre ensuite au maximum avec une prostituée pour en faire durablement une marionnette. Pour le second, les moyens à mettre en oeuvre seront en revanche beaucoup plus conséquents. Quel que soit le potentiel de départ, la mafia considère qu’il est bon de sonder un individu représentant un intérêt futur en gardant toujours à l’esprit qu’il restera achetable, de gré ou de force, et qu’il peut donc devenir un bon élément.
Pour une cible classique, le procédé est toujours le même. La cible est approchée très naturellement par une personne qui va entamer avec elle une discussion, très aimablement. Lorsqu’on est à l’étranger, c’est toujours agréable d’échanger avec un compatriote, à plus forte raison s’il connaît bien le pays car cela peut toujours s’avérer intéressant. Cette première approche est celle de la prise de contact de base qui donnera ensuite l’orientation à prendre pour monter le piège.
Au cours de la discussion qui se fait bien souvent autour d’un verre, tous les renseignements utiles sur la cible sont pris : hôtel, identité de l’employeur, perspectives professionnelles, famille, religion, etc. Si la discussion devient amicale, la cible donnera avec amusement et très rapidement ses préférences en matière de «distraction» nocturne. Les hommes sont faits de tentations, et dans des pays comme le Cambodge, la tentation est grande de se promener le soir dans les différents lieux de rencontres de la capitale, Phnom Penh. Le mafieux ou son représentant n’hésitera pas à proposer de son temps dès la première soirée pour servir de guide à sa cible, la machination est en marche et le piège se referme peu à peu sur la cible. Bien rodée, la soirée peut se terminer dans une chambre d’hôtel, voire dans une maison close où auront été installées des caméras miniatures. Les caméras sont placées dans les cloisons après quelques petits travaux effectués, dans des décors ou, plus sophistiqué, dans les serrures des portes. Triangle s’est par exemple inspiré de l’installation des caméras cachées des musées nationaux français pour surveiller les visiteurs. Les soirées suivantes, le même procédé se répète permettant à la mafia de constituer une vraie cinémathèque des soirées de sa cible. Lorsque le (ou la) partenaire sexuel payé par Triangle fait bien son travail, la cible se met sans le savoir dans le meilleur angle du champ de la caméra, permettant de bien distinguer son visage sans aucune ambiguïté. Pour les mafieux, c’est généralement de grands moments d’amusements autour d’une bière chinoise.
Au Cambodge, les mafieux sont encore plus enthousiastes lorsqu’ils approchent des pédophiles. Ce sont les clients les plus rentables et faciles à piéger. Un pédophile ou un occidental qui présente une certaine attirance pour les jeunes enfants se retrouvera obligatoirement, et dès la première soirée, au contact d’enfants dans des lieux tenus par des vietnamiennes. La tentation est provoquée et si besoin, le mafieux ou le Cambodgien qu’il aura détaché auprès de l’occidental saura le rassurer en avançant le côté banal et toléré de louer un enfant pour la soirée. L’argumentaire sera celui d’un commercial d’un concessionnaire automobile qui doit absolument vendre un véhicule à son client. Bon nombre de touristes ou de cadres de groupes européens se font piéger ainsi, ce qui n’excuse par ailleurs en aucune façon leur faute.
Le piège est ensuite le même avec les caméras miniatures cachées, à partir de ce moment la partie est gagnée. Jusqu’au milieu des années 2000, le lieutenant de police Tho participait à la machination organisée par les mafieux français avec qui il était associé. Le scénario mettait en scène des policiers cambodgiens, ou des pseudo-policiers dotés de fausses cartes de police, qui interpellaient le suspect suite à une plainte déposée ou suite à une enquête imaginaire sur des réseaux pédophiles. Les policiers livraient les détails de la soirée qui déstabilisait la cible se voyant passer plusieurs années dans les prisons Khmères. A ce moment précis, nos mafieux intervenaient comme aurait pu le faire le consulat de l’ambassade de France. Les négociations avec les présumés policiers duraient plusieurs heures pour en arriver à un compromis financier qui avoisinait les 20 000 dollars et plus en fonction de la solvabilité de la personne. Ultime service rendu par la mafia, la récupération d’un film pris par la police durant les rapports avec l’enfant qui n’avait jamais plus de neuf ans. Dans ces cas de stress intenses et au risque de se retrouver devant un juge, la cible trouve toujours le moyen de se faire envoyer la somme sur un compte en banque mis à disposition par les mafieux.
Les mafieux peuvent rencontrer par contre des cibles qui n’ont ni envie de passer une soirée avec des prostituées et encore moins avec des enfants, qu’à cela ne tienne, le plan de secours prévu aboutit au même résultat. Au cours de la soirée, la mafia s’arrange pour droguer sa cible ou la rendre inconsciente, la drogue peut être versée par une serveuse cambodgienne dans la boisson du dîner ou directement par le mafieux au cours d’une discussion. La drogue fait effet dans le temps et a pour objectif d’endormir profondément la personne. Le lendemain matin au réveil, deux solutions sont possibles, la police intervient suivant le scénario du pédophile pris en flagrant délit, ou de celui qui fait l’objet d’une enquête avec des photos de lui prises en plein acte sexuel avec des enfants. Les enfants sont ceux loués par les mafieux qui ont simulé,pour la photo, l’acte sexuel avec la cible à qui l’ont a fait prendre les poses nécessaires. Ces photos sont dispersées partout dans sa chambre et il les découvre à son réveil. Ce scénario est radical et personne n’est allé se plaindre à la police cambodgienne qui de toute façon, était de connivence avec les mafieux.
Un autre scénario assez répandu revient à payer des enfants cambodgiens pour faire de faux témoignages. Il suffit à un touriste de visiter un « établissement de distraction », et qu’il disparaisse un petit laps de temps dans un salon privé, pour que la machination puisse se réaliser, un enfant ira se plaindre de violences ou de tentative de viol. L’étau se referme sur la cible et si elle ne peut, pour une raison ou une autre, accepter l’arrangement financier prévu par la mafia, la prison s’offre à elle. Les prisons khmères n’étant pas celles d’Europe, c’est une véritable condamnation à mort pour un occidental. Cela n’empêchera pas nos mafieux de fêter l’affaire comme il se doit, bien au contraire, ils rechercheront à se mettre en avant, prétextant avoir contribué à l’arrestation d’un pédophile, pour obtenir sur une de leur ONG29 des subventions internationales dans le cadre de la protection de l’enfance.
Le 3 mai 2008, un Australien, Bart Lauwaert, qui purgeait depuis 2003 une peine de 20 ans d’emprisonnement dans la prison de Siem Reap30 est décédé. Il n’avait que 41 ans et malgré une constitution solide, il n’a pas supporté les assauts répétés des crises de paludisme. Son cas était particulier puisque les jeunes filles qui l’avaient accusé étaient revenues sur leurs accusations, avouant qu’elles avaient fait des faux témoignages pour de l’argent qu’une ONG leur avait promis. Ni la justice cambodgienne, ni l’ambassade d’Australie n’ont cherché à en savoir plus alors qu’il s’agissait bien des procédés employés par la mafia. Une enquête aurait permis de remonter à cette ONG et aux commanditaires qui jouent ainsi avec les gens depuis la fin des années 90. L’enquête aurait surtout permis de sauver la vie de cet Australien. D’autres étrangers, arrêtés et accusés de tels crimes clament toujours leur innocence, en vain. Il serait pourtant facile de mettre au jour les machinations à partir du moment où l’on tient compte des méthodes des mafieux, qui sont la marque d’occidentaux, non de Cambodgiens. Et là encore, apparaîtront comme par hasard des négociateurs providentiels au fort accent marseillais ou corse. En les écartant et en prenant toutes les dispositions pour ne pas se laisser polluer par leurs actions dérivées, il ne fait aucun doute que des accusations seraient démontées et des personnes libérées.
Dans tous les cas où le pédophile aura évité la prison suite à l’intervention des mafieux, il leur sera reconnaissant. Cette reconnaissance le poussera à accepter la mission d’inciter d’autres européens à venir au Cambodge goûter aux «joies» de la liberté sexuelle pédophile, qui eux-mêmes auront à leur tour la même mission d’accroître le business dès leur retour en Europe, ou d’approcher tel ou tel décideur politique ou industriel. Car le chantage ne s’arrête jamais, les films pris sont toujours gardés par l’organisation. C’est ainsi que le réseau « K »31, destiné à promouvoir le tourisme pédophile au Cambodge et dénoncé aux services de police français au milieu des années 2000, a vu le jour. Le témoin entendu dans une affaire judiciaire a précisé que chaque pays européen était doté d’un coordinateur. A partir d’une caméra installée dans une chambre en Asie du Sud-est et quel que soit le partenaire que prendra la cible, tout un jeu de manipulation peut trouver son aboutissement en Europe et dans d’autres pays. C’est comme cela, très simplement en exploitant le sexe, que la mafia peut développer son influence et se faire subventionner des ONG, lesquelles ne sont qu’un moyen de satisfaire ses projets d’extension. Cela reste néanmoins la manipulation la plus simple car d’autres cas de figures peuvent se présenter aux mafieux.
Pour faire céder les cibles pouvant résister à l’autorité de la mafia, ou refusant de la servir, un exemple peut être ponctuellement décidé. C’est en quelque sorte l’application d’un règlement ou d’un «code d’honneur» qui donne lieu à ces exemples. La compromission, la cavale, l’agression sont des méthodes usuelles pour traiter des cas bénins. Plusieurs menaces ont visé les enfants de Serge Chevalier, un Français résidant au Cambodge opposé aux pratiques des mafieux. Du Cambodge, la menace, celle de les asperger d’acide à la sortie de l’école, visait ses enfants suivant leurs études dans un établissement scolaire de Bordeaux. Malgré une plainte déposée auprès du consul de France et désignant clairement « Pierot » comme l’auteur des menaces, l’affaire a été classée sans suite. Pierot est un homme affable, petit et chauve, il navigue entre menaces et manipulations.
Ces menaces, en France, ne sont pas des exceptions. A Clermont-Ferrand par exemple, un homme poursuivait chaque jour le même enfant du regard à la sortie de l’école. La pression devenant insoutenable pour la mère de voir ainsi son enfant pris pour cible par la mafia, les parents ont porté plainte. L’individu ne commettant aucun acte répréhensible aux yeux de la loi, la police s’est révélée incapable d’intervenir pour faire cesser ces pressions. Pourtant, ces méthodes d’intimidation ne sont que des intimidations qui peuvent aller plus loin lorsque l’on sait que Pierot a échangé un peu plus tard des coups de feu avec un autre Français en plein Phnom Penh. Les journaux locaux ont annoncé les faits en prétextant qu’ils avaient été déclenchés suite à une dispute entre les deux hommes au sujet de l’épouse de l’un deux, une affaire d’adultère pour faire court. Mais la victime était le représentant du Groupe Electrolux, et les méthodes employées contre lui correspondent plus à du racket qu’à une banale histoire d’amour. Ce cas de violence n’est pas isolé. Bien avant, le 31 décembre 2001, Serge Chevalier recevait d’un ami français une mise en garde sur les intentions de la mafia qui projetait de le supprimer. Le plan d’élimination était bien monté mais il a été fort heureusement déjoué. La menace aurait dû être prise au sérieux par les autorités françaises tant les «exemples» sont appliqués aux récalcitrants, ce qui n’a heureusement pas été le cas ici.
Le jeu de la mafia peut pourtant aller jusqu’à sacrifier une vie afin de relancer le business et il existe plusieurs techniques pour ce faire.
En 2000, la mafia a voulu inciter plusieurs touristes pédophiles à contribuer au financement de « Triangle Holding », leur société écran. Un Japonais du nom de Kobata Kazuyuki est désigné comme étant la cible à compromettre. La mafia s’est auparavant renseignée auprès de la police sur les entrées de touristes étrangers qui ont demandé un visa. Jeune ouvrier employé par une société de construction au Japon, Kobata va être approché par des Cambodgiens recrutés par la mafia. La première journée, il sympathise avec le conducteur du taxi-mobylette qui lui sert à se déplacer dans les quartiers, ce dernier lui fait un bon prix, moins de cinq dollars pour toute la journée. Il lui fait visiter le palais du Roi, les centres artisanaux, les boites de nuit où les jolies filles se comptent par dizaines. On voit tout de suite que Kobata n’est pas un pédophile, c’est un simple ouvrier aux moyens financiers très limités, même dans un pays où une fille «coûte» dix dollars la nuit. Il a toutefois fait des économies pour venir passer quelques jours au Cambodge, il est attiré par les filles et a envie de s’amuser mais bien sûr pas de toucher aux enfants. Pour la mafia, il faut néanmoins adresser un signe fort aux autres touristes bien plus fortunés et qui pourraient s’avérer être de bons correspondants de retour dans leur pays. Elle est déjà en contact avec une dizaine de touristes qui cherchent des enfants mais qui ne veulent pas payer pour être protégés. La deuxième journée, changement de tactique envers Kobata, il faut lui faire comprendre que pour s’amuser au Cambodge et profiter de sa douceur de vivre, il faut un minimum d’argent. Un peu plus que ce qu’il compte dépenser durant son séjour. D’ailleurs, la Guest House32 où il est descendu n’est pas digne d’un touriste japonais, on va donc le déplacer dans un petit hôtel situé à côté de la « Boulangerie française » où sont installés les bureaux de « Triangle Holding ». Après avoir déposé ses bagages, le Cambodgien qui le conduit en ville lui fait maintenant découvrir les endroits chics où tout est permis moyennant dollars, les économies de Kobata fondent très rapidement. Il arrive même que le conducteur lui fasse rencontrer des amis à lui pour le dépanner de vingt dollars afin de terminer une soirée. Seul, sans plus de repères que ceux qu’on lui impose, il se sent absorbé par la douceur des Khmers.
En réalité, le piège se referme doucement sur lui. Le cinquième jour, Kobata est inquiet car il n’aura pas assez d’argent pour terminer son court séjour lorsqu’il se retrouve, comme par hasard, dans une maison close offrant des enfants en arrière salle. Le conducteur lui propose alors de prendre en photo des enfants nus et se charge de les lui revendre. Dans un premier temps, il refuse catégoriquement et rejoint son hôtel. A trois reprises, il sera de nouveau sollicité pour prendre des photos car, lui dit-on, les acheteurs ne manquent pas et payent très bien et en cash. Et puis, au Cambodge tout est permis, il n’y a aucun risque, à chaque fois il refuse. Ce n’est qu’en regardant sa note d’hôtel qui s’alourdit, et alors qu’il n’a plus d’argent, que Kobata va céder. Au sixième jour de son séjour, après avoir été saoulé et drogué par un agent de Triangle, il accepte de prendre une série de photos de fillettes. Il les vend presque aussitôt et recommence à trois reprises, toujours poussé avec insistance par le conducteur du taxi-mobylette. Son «ami» cambodgien va jusqu’à l’aider à constituer deux albums photos de jeunes garçons pour préparer les futures ventes. Le 14 juin 2000, Triangle donne instruction aux policiers du lieutenant Tho de procéder à son interpellation. Elle est effectuée le même jour à 19H00, dans sa chambre d’hôtel, où sont saisies un certain nombre de « pièces à conviction » avec les deux albums photos à caractère pédophile. Il est transféré dans les locaux de la police avec beaucoup de brutalité, sous les insultes des policiers et sous le regard satisfait des Français qui l’ont piégé. A l’issue de sa garde à vue, Kobata est incarcéré par ordonnance d’un magistrat, en attente de sa comparution devant le tribunal municipal de Phnom-Penh. Selon les lois cambodgiennes, il risque une peine de prison pour crime pouvant aller jusqu’à 20 ans de réclusion.
Les réponses qu’il donnera à l’officier de police qui l’interroge sont déconcertantes :

Kobata :
- Je suis venu au Cambodge en touriste, seul, le 6 juin, par l’aéroport de Pochentong. J’ai été dans une maison de prostituées pour faire des photos de fillettes. J’ai discuté avec la patronne qui parle anglais. Je lui ai dit que je voulais faire des photos de fillettes nues sans avoir de rapports sexuels avec elles. Pour cela, j’ai donné à la patronne une somme de 100 dollars pour faire un rouleau de 36 poses que je peux revendre 200 dollars.

Policier :
- A qui vendez-vous les photos,… Cambodgiens ou étrangers ?

Kobata :
- Après, j’ai fait le tirage. Ensuite, j’ai vendu les négatifs dans la Guest House « le Capitole ». 200 dollars comme prévu pour un rouleau de 36 poses. C’est à un Japonais dont j’ignore le nom que j’ai vendu.

Policier :
- Pouvez-vous me dire l’adresse de la maison de prostitution où vous avez fait les photos ?

Kobata :
- Je peux vous montrer si on y va…

Les témoignages contre lui sont accablants et viennent de toute part. A tel point qu’on peut se demander si les auditions de témoins n’ont pas été menées avant son arrestation. Tous les Cambodgiens qu’il a côtoyés, sans exception, étaient payés par la mafia. Kobata sera expulsé vers le Japon où il sera condamné à plusieurs années de prison pour pédophilie sans jamais prendre conscience d’avoir été poussé à commettre un tel délit. En 2001, la direction de la Police judiciaire française sera informée de la manipulation mais ne pourra rien faire car il aurait fallu une plainte, mais qui aurait pu la déposer et sur quel motif ? Le Cambodge est un pays lointain, sans réel accord. Le consulat du Japon à Paris sera aussi prévenu mais se désintéressera du cas. Il faut souligner que le Japon investit massivement au Cambodge et que personne n’avait intérêt à sortir cette affaire bien gênante. Le 18 février 2002, l’affaire est portée à la connaissance de l’ambassadeur du Japon au Cambodge par un proche de Triangle ayant connu la machination. Le 6 mars, la réponse de M. Takanori Amamiya, secrétaire du consulat est polie : « Tout d’abord, je voudrais vous remercier pour votre lettre informant de la question touchant un Japonais, monsieur Kobata, à l’ambassade. L’ambassade a expédié votre témoignage aux autorités compétentes du Cambodge et à celles du Japon pour leur information. Cependant, je voudrais apporter à votre attention que monsieur Kobata a été accusé conformément à la loi japonaise pour cet acte commis à l’étranger. Il est maintenant en attente de procès qui va être tenu bientôt. » Kobata n’a certainement jamais été informé du contenu du courrier envoyé par ce Français qui, d’ailleurs, se fera par la suite menacer de mort en France, le courrier étant à coup sûr arrivé dans les mains du lieutenant Tho. Même si ce Japonais méritait une sanction pour son acte, la justice japonaise aurait dû prendre en compte la manipulation. Une action en justice aurait dû être déclenchée envers les Français, mais aurait aussi mis en cause des Cambodgiens, trop compliqué pour qu’une procédure aboutisse.
Quoi qu’il en soit, les mafieux ont su avec succès analyser le profil de leur cible pour mieux la manipuler. Dès l’arrestation, ils sont retournés voir les touristes solvables et ils ont organisé pour eux leur circuit touristique sexuel. C’était accepter les services proposés ou terminer comme Kobata. Tout un business s’est mis en oeuvre à partir de plusieurs touristes de différentes nationalités : Takiguchi Kosuké qui était le Japonais à qui Kobata avait vendu ses photos – Keraney Richard John – Irlandais, Yanocopoulodit Colyann – Français, Demasur Rudy – Belge, Guignot – Français, « David » – USA, « Petter » – Anglais, « Be » – Belge, « Partty » – Anglais… au total une vingtaine de cibles potentiellement attirées par les enfants ou qui allaient le devenir malgré eux. Une vingtaine de cibles approchées par Triangle en moins d’un mois ! Ce chiffre est à rapporter sur une période de dix ans d’activité33. Le message a bien été compris et Triangle a su en tirer profit. Sans oublier non plus que les pédophiles, ou les personnes ayant subi des manipulations pour les faire passer pour des pédophiles, ont été filmés durant leurs ébats pour les faire chanter ensuite. Chaque cible touchée et acquise doit rapporter à l’organisation d’autres cibles à travailler. Au total, vingt cibles doivent rabattre au moins deux cents autres cibles soit dix cibles par personne.
Si jamais quelqu’un s’offusque de ces pratiques et envisage de se plaindre auprès de la police de son pays, la « variante », qui est un réflexe pour la mafia, consiste à le faire passer d’emblée pour fou. Tout est fait pour que la personne qui n’entend pas rentrer dans le droit chemin ou qui a l’intention de dénoncer les activités à la justice, ne soit pas prise au sérieux. D’un autre côté, la justice locale ne fait pas peur à la mafia car avec un peu d’argent tout y est achetable. Pour le Cambodge, c’est encore plus vrai car le pays est en train de se reconstruire après les épouvantables années Khmers rouges et une occupation vietnamienne mal vécue. C’est donc de la justice française que nos mafieux se méfient un peu, simplement un peu, car aller voir un service de police en France pour dénoncer un réseau de malfaiteurs qui oeuvre entre le Cambodge et la France relève du délire pour un policier français. D’autant que l’ambassade de France au Cambodge fait mine de ne rien savoir ou comprendre.
En 2008, lors d’une garde à vue dans les locaux du commissariat de Meaux, l’individu interrogé, qui subissait une cabale de tout premier ordre dans le cadre d’un vol, a cité ce genre de trafic pour expliquer que l’on pouvait à juste titre lui en vouloir. Le capitaine de police l’a pris pour un fou, ou a fait en sorte de le faire prendre pour un fou par le procureur, pour finalement le soumettre à l’expertise d’un psychiatre… qui l’a déclaré normal. Les gens de la mafia qui avaient été signalés lors de l’audition par le suspect au sujet de l’affaire de vol n’ont jamais été inquiétés, le capitaine de police ayant catégoriquement refusé de les entendre. Une tentative pour annuler tous les risques de témoignages qui mettraient en danger les activités mafieuses ? En France, cette question n’est pas à poser puisque la mafia n’existe officiellement pas. Dans le cadre de l’affaire de Meaux, le suspect avait aussi été entendu, peu de temps auparavant, au sujet du meurtre du juge Borrel par la juge Sophie Clément qui l’avait, elle, pris très au sérieux. Dans ce genre de jeu et à ce niveau, rien n’est le fait du hasard. Le hasard n’existe pas non plus lorsque des emplois sont proposés à des témoins d’affaires ou des personnes gênantes pour la mafia. Bénéficiant de connexions auprès des groupes industriels, il lui est facile de se faire rendre ce genre de services. C’est à ce moment que l’heureux élu, qui n’a même pas eu à passer d’entretien d’embauche, aura à choisir entre l’intérêt personnel et la recherche de la vérité en se mettant à la disposition de la justice. Rares sont cependant ceux qui disent non à un emploi confortable, les exceptions se comptent certainement sur les doigts de la main. Entre autres, madame Borrel à qui l’on avait proposé un emploi très rémunérateur à l’étranger et n’aurait jamais pu poursuivre sa recherche de vérité au sujet de l’assassinat de son mari, retrouvé mort en 1995 à Djibouti, si elle était partie travailler dans un pays de l’autre côté de la planète. C’était une façon de l’écarter afin de ne pas gêner la mafia.
Un militaire de carrière, qui posait quelques problèmes de gestion et de discrétion à la sortie de son service actif, s’est vu nommé à un poste de la Garde républicaine Gabonaise34. Une place en or dont la mission se résumait à entraîner au maniement des armes les deux compagnies de combat du palais et assurer le secrétariat du président Bongo. Une mission facile, tranquille et qui ouvrait à moindre coût sur des possibilités d’investissement dans des petits commerces à Libreville. L’administration de la Garde prévoyait un billet d’avion gratuit tous les deux ans pour toute la famille afin de rentrer en France pour des vacances. Tout était prévu pour faciliter la scolarisation des enfants à l’école française et un appartement qui venait d’être rénové dans l’enceinte du palais présidentiel était mis à sa disposition, sa femme se vit même proposer un « emploi réservé » aux écoutes présidentielles. C’est cette dernière offre qui a fait hésiter l’heureux élu, réservé quant aux risques encourus par sa femme dans un poste aussi sensible. Après avoir demandé quelques précisions au général français Roland Meudec,avec qui il était en contact et qui était l’ancien patron de ce qui s’appelait auparavant la Garde présidentielle, il a refusé le poste à une semaine de prendre l’avion. Les explications fournies ne l’avaient pas satisfait, ayant compris que les écoutes ne se limitaient pas au Gabon mais au-delà de ses frontières. Des services rendus, selon les explications du général, pour éviter les demandes légales d’autorisation dans un « autre pays ». Son refus d’honorer ce poste d’officier de la Garde lui valut des insultes et des menaces par téléphone de la part d’autres officiers en poste au Gabon. L’agence de presse Infosplusgabon, qui est la première agence gabonaise privée, écrit dans son édition électronique du 14 janvier 2008 : « Dans le domaine de la sécurité, est installé dans l’enceinte du Palais du bord de mer, le colonel Boisseau à la tête du Silam, des écoutes téléphoniques. L’oreille du président et des services français. » Mais est-ce bien des services français qu’il s’agit ou de la mafia française ? Les Africains ne font pas la distinction et l’on voit bien la possible confusion des genres entre mafia et services officiels, on ne sait plus qui fait quoi et l’image de la France en est finalement atteinte. Que font les services français dans un palais présidentiel africain, qui se permettrait d’écouter les conversations téléphoniques de Gabonais ? Cet amalgame fait le jeu de la mafia et lui donne une légitimité usurpée.
Les propositions d’emplois faites, qui peuvent néanmoins s’assimiler à des moyens d’acheter une cible, sont des alternatives aux procédés plus extrêmes. La mafia peut effectivement décider de déclencher des « opérations humides », terme employé pour désigner un assassinat programmé. Mais avant d’en arriver à l’ultime action d’élimination physique, la mafia peut encore utiliser le harcèlement pour pousser la cible dans ses retranchements. Diverses plaintes déposées contre elle, menaces téléphoniques, accusations multiples où l’on retrouve presque systématiquement des accusations de pédophilie, surveillance des enfants de la cible à la sortie de leur école, etc. sont autant de pressions mises en oeuvre pour faire craquer. En cas d’accusation de délit ou pire de crime suite à une cabale, la cible va s’asphyxier financièrement en frais de justice. Elle se retrouvera dans une impasse financière et avec un peu de chance pour la mafia, la cible
n’arrivera pas à sauvegarder sa vie de famille, à conserver son emploi, devenant de fait très vulnérable, une vie brisée avec méthode. Un cadre honnête peut ainsi se retrouver SDF, abandonné de tout le monde et vivre une descente aux enfers dont il ne se relèvera jamais.
Si la cible devient dépressive, ou qu’elle donne l’impression de l’être, cela peut justifier en même temps qu’elle se jette du dixième étage d’un immeuble, les affaires récentes en donnent des exemples. Les enquêtes judiciaires en France concluent au suicide très rapidement, à l’étranger, les enquêtes ne sont que des simulacres. Les policiers, s’ils ne sont pas de mauvaise foi, ne sont de toute façon pas formés à rechercher ce qui est contraire à toute logique. Et puis, les cas de manipulation psychologique ne sont pas fréquents, ils relèvent de pratiques des services de renseignement qui savent camoufler et fausser les informations exploitables. En cas de résistance, la cible devra être solide pour ne pas se laisser prendre au jeu de ceux qui veulent la neutraliser ou la détruire. Le combat qui s’ensuit est donné gagnant pour la mafia, plus puissante qu’un individu seul et sans soutien, mais rien n’est perdu d’avance, tout est question d’endurance et de contexte du moment. Mais la cible, aussi résistante et endurante soit-elle, n’a que peu de chance de s’en sortir sans casse.
Le meurtre est par contre la méthode d’exception pour traiter en urgence un cas grave qui peut porter préjudice à l’ensemble de la mafia. Le meurtre est discret s’il est simplement le fait de se débarrasser de quelqu’un ou il est emprunt d’une symbolique s’il doit servir d’exemple et d’avertissement. Le meurtre qui est accompagné d’une symbolique se reconnaît parce qu’il ne correspond pas aux pratiques du pays, au respect de ses traditions. Il sera la signature d’occidentaux pour faire passer un message à d’autres occidentaux. Un Cambodgien ne se risquera pas à assassiner un Français pour lui voler de l’argent liquide, il a l’esprit assez fin pour le lui voler sans faire couler le sang. En 1997, lors des combats dans Phnom Penh35, alors que les chars T55 tiraient en pleine rue, il n’y a eu qu’une centaine de tués et pas un seul occidental, préserver la vie des étrangers était une évidence pour les deux partis. Il faut bien connaître la mentalité khmer pour comprendre qu’un meurtre de Français avec pour mobile le vol, ne peut être le fait d’un Cambodgien.
A Djibouti, aucun autochtone n’aurait non plus l’idée de brûler de lui-même un corps d’Européen après l’avoir assassiné, il n’y a jamais eu de cas de ce genre. En revanche, plusieurs militaires français se sont fait assassiner ces dernières années et leurs corps ont été découpés en morceaux pour être finalement jetés dans des sacs poubelles sur la voie publique, ce procédé est la signature de meurtriers Djiboutiens. Ce qui n’est pas dans les «habitudes locales» est à envisager comme ayant été accompli par des occidentaux, des mafieux. Cela peut être aussi considéré comme un échec, et pourrait être comparé, en pédagogie militaire, à l’incapacité pour un formateur de se faire comprendre de ses stagiaires, pour le formateur, il s’agit alors d’un échec personnel. La mafia est elle aussi confrontée à des échecs.
Au Cambodge, où l’activité mafieuse est particulièrement active, plusieurs décès auraient pu attirer l’attention des autorités locales et françaises, il n’en fut rien. John Kennely, un des premiers journalistes du journal « Principal » de la société « Triangle Holding » et qui meurt d’une crise cardiaque alors qu’il était en pleine forme. C’était un ancien fonctionnaire de la Communauté économique européenne en mission au Cambodge, qui y est resté et s’est marié avec une Khmère. Il aurait été trop bavard sur l’attribution de subventions européennes aux ONG mafieuses, dont évidemment celle dans laquelle il travaillait. Le docteur Rio était un médecin proche de l’ambassade de France et il a eu à connaître directement des dossiers liés à des morts douteuses, il s’occupait parallèlement d’adoption d’enfants. Il meurt de la dengue alors qu’il est en contact avec les dirigeants de « Triangle », trop gourmand selon certains. Monsieur Marty a bénéficié pour sa part de subventions européennes pour des projets agricoles. Il a eu des «problèmes de santé», trop exigeant et, selon les dires de Triangle, peu fiable et bavard. La liste est longue de présumés mafieux ou de cibles abattues au Cambodge ! Elles n’avaient pas respecté la loi du silence et de l’autorité supérieure.
Comme dans tout commerce, un meurtre est un investissement qui doit rapporter x fois la perte consentie. Dans notre mafia, on ne tue pas sans raison, les « opérations humides » sont justifiées par l’exemple à donner, par les messages de subordination à faire passer. Le meurtre peut être associé à des accusations de pédophilie, car même un mort peut en être atteint dans son honneur et sa crédibilité36. Cela impactera surtout sur les enquêtes en cours où les policiers les plus expérimentés, dès qu’ils se retrouveront en présence d’exploitation sexuelle d’enfants, seront désorientés. La diversion est irréversible et les effets d’une manipulation garantis. Des dossiers peuvent être montés de toutes pièces sur des cibles, y compris vivantes, et la simple rumeur peut être suffisamment insupportable pour que la victime accepte finalement le marché. Il s’en suit alors une vie de totale subordination à la mafia qui, toutefois, se montrera toujours reconnaissante envers son soldat.
Ce genre de méthode est employé principalement hors de France, l’argent pouvant tout acheter. S’il n’est pas exclu que cela puisse se produire sur le territoire national, la méthode diffère pour atteindre les mêmes résultats, il ne s’agira pas d’acheter sa cible mais de la manipuler en toute finesse, l’affaire de Meaux constituant à cet égard un parfait exemple. Les cadres de la mafia connaissent très bien les qualités et les défauts de nos fonctionnaires. Une des qualités exploitables est la forte motivation dont font preuve les policiers, les militaires et tout autre serviteur de l’Etat qui ont la réelle volonté de servir le pays. Plus la cible croit en la France, en des valeurs à préserver, à la justice, plus elle est facile à manipuler, la recrue a ainsi l’impression d’être investie d’une mission suprême. On revient en quelque sorte aux motivations de l’après-guerre où l’idéal anticommuniste réunissait des hommes d’horizons différents. Le stratagème de manipulation peut aller jusqu’à se faire passer pour les services de renseignement français afin de mieux absorber une nouvelle recrue. Faire croire aux uns ce que l’on cache aux autres, présenter une personne comme investie d’une mission d’Etat pour mieux la neutraliser dans le temps, présenter des officiers de renseignement comme étant des collaborateurs, sont autant de manipulations qui ne permettent plus de savoir qui fait quoi.
La cellule Cambodge avait fait en sorte que le capitaine Coullon, de la DST37, soit connu par tous les petits malfaiteurs occidentaux de Phnom Penh. Le nom de cet officier cité ouvertement dans les bars, la mafia avait donné l’impression que ses propres trafics étaient ceux des services officiels français. L’auteur de ces fausses informations était donc intouchable et se positionnait comme un véritable parrain qui tentait de s’imposer aux autres expatriés. Mais bien plus, il transmettait aux services de police français et à la DST des faux rapports d’activité de malfaiteurs ou de surveillance des expatriés au Cambodge. Pour accentuer son pouvoir et son impunité, il lui suffisait alors d’engager d’anciens policiers cambodgiens pour mener des enquêtes sur des occidentaux suivant des procédés similaires à ceux employés pour piéger des touristes avec des enfants. Sur le compte prévisionnel de Triangle, le coût des salaires se montant à 850 dollars par mois correspondait à l’emploi à plein temps de trois officiers de police, d’un responsable technique et d’agents venant ponctuellement renforcer l’équipe. Les cibles visées sont la plupart du temps tombées avec une grande facilité. Pour cette somme, le retour sur investissement est évalué à dix fois la mise. L’investissement de départ est en outre proportionnel à l’importance de la cible, ainsi, avant d’engager une opération contre une cible, Triangle se réunit pour définir la stratégie à employer.
Le vice-président et responsable des projets de Time Warner38 en Asie du Sud-est, de surcroît victime d’un antiaméricanisme latent, s’est vu compromettre avec une prostituée du nom de Félicine. Un jeune et joli mannequin connu au Cambodge qui avait posé en couverture dans le magazine « principal ». Chaque matin, après une nuit d’amour passée avec son américain, Félicine rejoignait la « boulangerie française » au 99,
Preach Sihanouk boulevard à Phnom Penh, pour y faire son compte-rendu à Pierot. Le marché était simple : moyennant 30 dollars par nuit, Félicine devait s’approcher de l’Américain et faire en sorte qu’il tombe amoureux. La deuxième partie du plan consistait à lui faire attribuer des subventions à Triangle ou d’autres ONG affiliées, puis à ce qu’il ouvre son carnet d’adresses aux Etats-Unis, particulièrement celles des services de renseignements américains. Ce qui avait été fait avec la DST pouvait être fait avec un service américain. Félicine s’y est visiblement bien prise puisqu’elle s’est mariée et vit maintenant aux USA. Sa manipulation envers ce responsable permet aux mafieux d’avoir des contacts auprès des services US et de s’en servir au profit des pays où ils sont implantés, dont Djibouti. Time Warner a bien été informé à temps des manoeuvres du jeune mannequin mais le groupe américain n’a fait que prévenir les services de police français qui n’ont donné aucune suite à l’affaire. Seul le Français qui a alerté par courrier Time Warner a été inquiété. Triangle a par contre développé des programmes télévisés dans les années suivantes grâce à d’importantes subventions. Comme quoi les jolies femmes constituent encore et toujours les meilleures armes.
Ce n’est pas un hasard non plus que des ONG créées par la mafia touchent à l’heure actuelle plusieurs milliers de dollars provenant des USA. C’est le cas de l’ONG AFESIP Cambodge qui est spécialisée dans l’insertion et la vie professionnelle ainsi que dans la lutte contre le trafic et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants en Asie du Sud-est. Dès sa création, Jean-Pierre Franchi a veillé à son développement mais était surtout associé dans la société « Triangle » et revendiquait au passage faussement son appartenance à la Franc-maçonnerie française. A n’en pas douter, la supercherie est bien menée et des innocents doivent encore payer leur malchance d’avoir croisé les membres de la cellule Cambodge. Car, pour intéresser les services de renseignements, il faut avancer des dossiers concrets, des coupables de complots ou de préparation d’actes terroristes. Chez « Triangle », l’art de monter de tels dossiers ne posait aucune difficulté.
Parmi les cibles de poids, le Groupe Total a fait l’objet d’une attention particulière de la part de nos mafieux. Le Groupe pétrolier a ainsi subi plusieurs tentatives de chantages, que ce soit sur ses activités en Birmanie ou au Cambodge. En 2009, le Groupe était toujours en proie à des attaques en règle. Dès septembre 2000, des réunions se succédaient au dernier étage de la boulangerie française avec pour ordre du jour, comment soutirer le maximum d’argent à total ? Plusieurs solutions ont été trouvées : Après avoir fouillé les archives cambodgiennes, moyennant le versement de quelques dollars aux fonctionnaires en poste, et envoyé ses policiers, Pierot découvre que le premier cadre envoyé par Total en 1992, Hervé Badj, a détourné de l’argent à son profit. L’arnaque était simple : Badj avait pour consigne d’acheter des terrains pour son Groupe et s’était entouré d’un prête-nom Cambodgien pour acheter, au nom du Groupe, des terrains à dix fois le prix pratiqué, la différence allant dans sa poche. L’affaire que Pierot révèle à son associé Christian Guth, ancien policier de l’ambassade de France à Phnom Penh, est bien engagée. La question qui reste est comment arriver à obtenir de l’argent de Total avec cette information ? Il est décidé d’étoffer le dossier en créant de faux documents, attestés par un vieux tampon humide du ministère de l’Intérieur cambodgien. Le dossier est attesté par la signature du ministre de l’Intérieur de l’époque, du bon travail de faussaire. Christian Guth a ensuite la bonne idée de se pencher sur les affaires de total Birmanie et il possède justement des informations qui lui viennent de ses contacts anglais, anciens du Mi 6, qui travaillent maintenant dans une grande société de sécurité en Thaïlande. Avec Jean-Pierre Franchi, ils décident de constituer un dossier dont les preuves permettront d’accuser le Groupe d’esclavagisme et de connivence avec la junte au pouvoir. Un double d’une partie de ce dossier sera discrètement remis à l’ONG américano-thaïlandaise Earth Rights International qui ne manquera pas de l’exploiter contre le Groupe français. Dès les premières attaques, « Triangle » proposera ses services à Total et à la DST pour essayer de récupérer l’ensemble des informations détenues par l’ONG et les faire disparaître. Le plan est bien ficelé, Triangle propose le dossier constitué à plusieurs clients et joue les sauveurs. En 2009, on peut encore lire dans l’Express que selon l’ONG américano-thaïlandaise:
« Les groupes français Total et américain Chevron enrichissent la junte birmane avec un projet gazier et pétrolier », l’ONG ajoutant que « La très grande majorité de l’argent provenant de Total, assure l’organisation en citant des sources «confidentielles et crédibles», échappe au budget national et repose dans des banques basées à Singapour, l’Overseas Chinese Banking Corporation (OCBC) et le groupe DBS ». En 2009 toujours, Pierot écrit encore des articles contre Total Birmanie à partir du sud de la France par l’intermédiaire du journal la « Petite République ». Les informations servant à critiquer le Groupe sont similaires à celles de 2000.
La troisième manoeuvre est pour Pierot déjà réalisée. Le responsable de Total Cambodge vient d’avoir un accident à la sortie d’une boite de nuit, ce dernier a un peu trop abusé du whisky et, inévitablement, a eu un accident. Avec son 4X4, il a percuté de nuit une famille entière se déplaçant sur une mobylette, le père, la mère et les deux enfants sont morts et leurs corps ont été propulsés de part et d’autre de la route. Très rapidement, Triangle s’affaire à régler le problème avec le lieutenant Tho, une bonne liasse de dollars à se partager et l’assurance que le meurtrier sera éternellement reconnaissant à l’organisation mafieuse. Sans cette intervention inespérée, le cadre aurait dû être rapatrié pour ne pas passer devant un tribunal cambodgien ou le Groupe aurait déboursé bien plus pour calmer l’affaire. En tout état de cause, une fin de séjour prématurée pour le fêtard et certainement une fin de carrière chez Total. Au bout du compte, le journal Principal octroiera à Total Cambodge d’immenses pages publicitaires, bien sûr payées à prix d’or. Ce que n’a jamais su ce cadre de Total, c’est que sa soirée était prévue pour mal se terminer et que, n’ayant pas ingurgité que de l’alcool, l’accident était inévitable dans une ville où l’éclairage est défectueux et où les mobylettes roulent sans feu. La probabilité de tuer des Cambodgiens est donc très grande lorsqu’on fait boire… Une cible de plus qui va servir la mafia encore de longues années.
La quatrième manoeuvre vient directement de Guth qui s’était vu confié, en tant qu’ancien policier de l’ambassade de France et consultant auprès de l’UNICEF, une enquête sur le vol de 50 000 dollars par le comptable cambodgien de Total Cambodge. Pierot, en bon associé qu’il était, agissait en sous-main et avait, avec ses policiers, retrouvé le voleur à Sieam Reap, ce dernier était en train de monter un petit restaurant avec l’argent volé. Au dernier moment, alors que Guth allait présenter officiellement les résultats des investigations, l’enquête fut décommandée. Furieux, Guth demande alors le remboursement immédiat des frais et du paiement de la prestation auprès du siège en France, en même temps que la présentation des autres affaires. En cas de refus, Pierot menace d’écrire un article de presse qu’il dit pouvoir diffuser par le journal l’Humanité.
Si les groupes comme Total sont particulièrement visés, les chantages peuvent aussi concerner l’Etat français à travers ses représentants. La mafia ne se donne aucune limite quant à ses provocations. Le chantage envisagé le plus audacieux a été celui concernant un ambassadeur de France, monsieur Libourel, avec pour objectif d’atteindre le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Hubert Védrine. Libourel comme Védrine sont deux grands passionnés d’oeuvres d’art et le Cambodge regorge justement d’oeuvres d’art khmères qui s’arrachent à prix d’or. Des statuettes sont régulièrement découvertes lors de fouilles aux abords des temples, dans la région de Seam Reap. Les petits agriculteurs, vivant avec leur famille avec à peine un dollar par jour, n’hésitent pas à proposer, pour quelques dizaines de dollars, des statuettes qui seront revendues plusieurs milliers d’euros en Europe ou aux Etats-Unis. Pour sauvegarder leur patrimoine, les autorités cambodgiennes ont décidé d’interdire leur exportation. D’où un problème récurrent de contrebande de ces statuettes qui sortent par la frontière thaïlandaise, ou par d’autres «voies» comme celle choisie par notre ambassadeur. Pour atteindre l’ambassadeur, plusieurs intimidations et compromissions visant des fonctionnaires de l’ambassade39 ont été dans un premier temps envisagées. Il s’agissait pour la mafia de s’entourer d’une équipe au sein même de l’entourage de l’ambassadeur pour connaître ses habitudes et les relations qu’il entretenait avec son ministre. A partir d’informations concordantes et probantes, la cellule Cambodge s’est ensuite faite aider en France pour connaître la destination finale des oeuvres.
Dans la fiche40 rédigée par Triangle, les informations quant à leur provenance sont si précises qu’elles désignent indiscutablement l’entourage même de l’ambassadeur. Tout y est pour s’assurer, de force, du soutien de l’ambassade, au moins tant que le haut fonctionnaire restera à son poste. Est ainsi notamment consigné le mode d’acheminent des oeuvres vers un village proche d’Aix en Provence, via le port de Marseille où un complice est chargé de les réceptionner. Le complice est un antiquaire qui possède plusieurs magasins. A n’en pas douter, l’organisation mafieuse a vérifié sur place, et dans les moindres détails, la véracité des informations fournies par un fonctionnaire très certainement convaincu de servir une noble cause. Encore une victime d’une manipulation qui le dépasse mais le résultat est là, toute une ambassade qui fermera désormais les yeux sur les activités mafieuses de ses concitoyens. Sur ces Français qui ne peuvent pas revenir en Métropole à cause des affaires de justice qui les suivent, mais des Français qui n’hésitent cependant pas à fouler le territoire français en ambassade pour boire une coupe de champagne le 14 juillet venu. Tout ce beau monde accueilli comme il se doit par l’attaché de police de l’ambassade ou l’ambassadeur lui-même. Le 7 janvier 2002, le ministre des Affaires étrangères français est informé des manoeuvres de Triangle, aucune mesure n’est prise pour mettre fin aux agissements des mafieux.
La fiche sur l’ambassadeur Libourel contient en même temps des accusations portées contre Michel Amiguet, ressortissant franco-suisse travaillant pour le compte de l’Ordre de Malte. « Cet individu serait lié à la bande du bistrot des sports, des trafiquants d’art, pour certains riches genevois, effectuant des transports sous couvert diplomatique dans la mesure où l’Ordre de Malte est considéré en qualité d’Etat. » Si le «trafic» de l’ambassadeur a été reconnu, la France s’en est excusé et a rendu les oeuvres, il faut voir dans les accusations suivantes une manipulation à destination des services de renseignement français. De plus, les accusations concernant l’Ordre de Malte sont entièrement fausses. Le principe est simple : La mafia va tout d’abord diffuser des informations faciles à vérifier par les services de police français, puis progressivement injecter de fausses informations qui seront elles aussi prises au sérieux car diluées. La mafia se rend alors incontournable pour des services officiels intéressés par une affaire et la cible victime de chantage se retrouve ainsi démunie. Il peut s’en suivre des montages, la constitution de faux dossiers attestés par des policiers corrompus pour «balader» les services les plus sérieux. Cela permet aussi de se débarrasser de personnes pouvant porter ombrage à l’organisation. Ce qui a été fait pour le Groupe Total peut être réalisé pour des structures étatiques avec encore plus de facilité. Plusieurs dossiers ont ainsi été montés sur toutes sortes de présumés trafics et transmis à la DST ou à d’autres services de l’Etat français.
La CIMAC41, organisme chargé du déminage et de la neutralisation des armes de guerre a ainsi fait l’objet de manoeuvres de la part de la mafia. Le Cambodge est infesté de mines, particulièrement le long de la frontière thaïlandaise et aux abords de la région de Païlin, dernière région tenue par les Khmers rouges. En 2000, les accidents sont encore fréquents et bon nombre de villageois sont évacués avec une jambe arrachée par l’explosion d’une mine vers des centres de secours mal équipés. Les mines sont une calamité, on en trouve de toutes sortes et de toutes origines, certaines sont françaises et proviennent du stock utilisé durant la guerre d’Indochine entre 1945 et 1954. Il est bien évident que les ONG travaillant sur les projets de déminage obtiennent des subventions importantes. Peut-être qu’une partie de ces subventions sert à faire vivre des occidentaux spécialisés dans ce travail, l’attribution d’un salaire n’est toutefois pas illégale. Excepté pour Triangle qui s’est donné comme objectif de faire pression sur l’ONG afin qu’elle lui reverse une contribution, «racket» serait plus approprié. Un rapport de Triangle stipule qu’« en relation avec certains intermédiaires de la CIMAC, M. Quentin, sur commande, peut alimenter le marché noir des armes de guerre, armes de poing et autres. Ainsi le rédacteur de ce rapport s’est vu proposé par lui des stocks de pistolets mitrailleurs à 100 dollars pièce ».
Le montage de la mafia est ici double. A partir de réelles possibilité d’achat d’armes par la mafia, le trafic est attribué à la CIMAC et, dans le même temps, Christian Quentin se trouve en être le trafiquant. Ce Français au passé trouble, né en 1951 à Paris, tenait « le bistrot des sports » situé à trois cents mètres des bureaux de Triangle. Une cible toute trouvée pour intéresser les « vrais » services de renseignement, une cible qui avait refusé de payer la protection de Triangle, genre de taxe d’accueil que tentait de généraliser Triangle auprès des expatriés français. L’effet ne s’est pas fait attendre, les services français ont demandé plus de renseignements et Triangle a donné d’autres noms comme faisant partie de ce réseau : Madame Cani, vice-consul de France, qui s’est vue accusée de trafic d’enfants parce qu’en relation avec des adoptants français, un général cambodgien qui était censé protéger le réseau, Eric Chancel un commerçant français, Duval Arnoult un ancien adjudant-chef des troupes de Marine et, une fois de plus, Michel Amiguet, le représentant de l’Ordre de Malte. Toutes ces personnes ont été dénoncées parce qu’elles gênaient pour différentes raisons. Quel en a été le préjudice ? Dix ans après les faits, ces victimes seraient bien en peine de donner une explication à des évènements qui ont profondément affecté leur vie. Car ce genre d’accusation peut totalement détruire une existence sans que la victime en connaisse précisément les raisons. Le but de la mafia dans le cas évoqué, où la liste des victimes doit être bien plus importante que celle énumérée, était de se débarrasser des troubles fête. Les cibles servaient d’appâts pour attirer l’attention de services officiels qui n’ont peut-être d’ailleurs pas été limités aux services français. Cela diffère du chantage, procédé habituel de la mafia, il permet de vivre et de développer en toute impunité les commerces les plus illicites sous couvert de causes à défendre.
Comme tout est bon à prendre pour Triangle, les connivences entre des membres de la mafia et des tiers sont même exploitées. En 2002, Triangle vise M. Bernard Pardigon, directeur de la banque du Crédit Agricole Indosuez. Ils utilisent un de leurs «informateurs», le «comte» Xavier d’Abzac, qui leur donne des informations régulières sur le Prince Ranarridh et son entourage. D’Abzac, un Français dit monsieur 10 % pour le montant des commissions qu’il prend sur tout ce qu’il peut, est le conseiller du Prince et de la famille royale, c’est du moins ce qu’il avance. Il convient de louer une de ses villas au directeur d’Indosuez et s’entend avec lui sur un prix dont il lui reversera une partie en liquide, un marché que le directeur acceptera ne sentant pas le piège. A partir du moment où il a versé plusieurs loyers et reversé la somme convenue, il est perdu. Il suffit dès lors à Triangle de lui faire comprendre qu’il risque de perdre sa place au Cambodge si ses employeurs apprennent qu’il loue une villa 5000 dollars par mois, alors que le loyer ne devrait pas dépasser les 1 500 à 2 000 dollars, sans compter qu’il partage, en plus, la différence avec le propriétaire. Un manque d’honnêteté qui pourrait de plus être rendu public dans des journaux français.
Le directeur est piégé et se trouve dans l’obligation d’ouvrir les comptes des expatriés à Triangle. Les mouvements d’argent sur un compte en disent long et Triangle va rechercher les anomalies qui pourraient permettre d’initier de nouveaux chantages. Une façon de plus de faire adhérer à la mafia des occidentaux qui ne cherchaient qu’à arrondir leurs fins de mois avec de petits trafics sans importance, le recrutement bat son plein. Les informations sur la vie du Prince Ranarridh et de la famille royale sont quand à elles négociées auprès de qui cela intéresserait, politiques cambodgiens, investisseurs étrangers, services de renseignements occidentaux, etc. Une vraie agence de renseignement privée qui se prend pour une agence d’Etat, quitte, comme c’est l’habitude, à monter des dossiers à partir de fausses informations. Pour mener tranquillement ces escroqueries, les « Triangle » ont recherché à s’attribuer divers emplois en guise de couverture.
La meilleure couverture du principal maître chanteur de Triangle était la protection des enfants contre les actes de pédophilie, quoi de plus noble que de protéger des enfants. Se présenter en plus comme journaliste permet d’attirer les autres médias, les manipulations peuvent ainsi se développer de plus belle. Un journaliste qui protège les enfants des pédophiles est une couverture idéale qui attirera plus d’une personne honnête.
Le journaliste Paul Gornec s’est ainsi fait manipulé de même que Daniel Lainé qui figurait en plus comme objectif dans le cadre de la lutte contre le communisme. Paul Gornec a diffusé en 2002 ses reportages sur les télévisions nationales. Quelques mois auparavant, arrivé par un vol régulier à Phnom Penh, il se lance à la recherche d’informations sur les réseaux pédophiles. La première personne qu’il rencontre est un membre de Triangle qui va l’inviter à prendre un café au bord du Mékong, les relations qui se créées sont rapidement amicales, c’est une aubaine pour le journaliste qui va être présenté à Pierot. Ce dernier se présente comme luttant contre l’exploitation sexuelle des enfants, il expose au journaliste son combat personnel, ses angoisses, ses réussites, sa recherche de subventions pour contribuer à protéger les plus faibles. Le journaliste ira jusqu’à lui consacrer une partie de son reportage, où l’usurpateur appellera à lui faire confiance et à lui verser des dons. Lorsqu’on connait la finalité du «combat» de Triangle, l’interview de Pierot peut être interprétée de la façon suivante à destination des pédophiles : « Venez au Cambodge, vous y trouverez ce que vous recherchez en toute sécurité. Le commerce est ouvert, soyez les bienvenus. » Paul Gornec fera sans s’en apercevoir le jeu de Triangle et il est devenu, bien malgré lui, un instrument de la mafia. Se reposant sur la parfaite connaissance de Phnom Penh, le guide que prendra le journaliste sera bien entendu Pierot lui-même, un guide qui montrera ce qu’il a envie de montrer pour un reportage sans aucune originalité. De retour en France, le vrai journaliste ne manquera de vanter les «honnêtes gens» qu’il a, par hasard, croisés, ainsi se fait la réputation de gens n’ayant aucune réelle respectabilité
Comme journaliste abusé, le cas Daniel Lainé est là stupéfiant à tous points de vue. C’est l’exemple de la manipulation à grande échelle, à l’échelle internationale où les autorités cambodgiennes passent pour des tortionnaires. La vérité est tout autre, ce journaliste a été retenu prisonnier au Cambodge du 22 août au 9 septembre 2006, date à laquelle il a quitté clandestinement le pays et s’est réfugié en Thaïlande. Il était menacé de prison à la suite d’un reportage qu’il avait réalisé sur le tourisme sexuel au Cambodge. Son passeport avait été confisqué par les autorités du Cambodge sur intervention du lieutenant Tho. La police exigeait le versement de 125 000 dollars pour réparer le préjudice qu’aurait causé le reportage qu’il avait réalisé et qui a été diffusé sur TF1 en 2003. Où est la manipulation ? Daniel Lainé avait filmé un Français pédophile qui lui avait signé un accord de diffusion, Patrick Mercier, malgré le visage flouté et une voix modifiée, ce dernier a été reconnu par sa famille lors de la diffusion du reportage. Une plainte pour diffusion de fausses informations et reportage interdit est déposée auprès des autorités cambodgiennes lors d’un passage au Cambodge du journaliste. A cette époque, la justice est quelque peu expéditive au Cambodge et le journaliste a dû s’engager à verser 97 500 euros dès son retour en France. Dès qu’il le peut, il porte plainte à son tour auprès des tribunaux de Créteil et Phnom Penh pour extorsion de fonds, ce qui semble être la réaction la plus saine et la plus légale pour régler ce genre de litige. Sauf que revenu au Cambodge et pensant que la justice française pouvait le protéger, la police locale l’interpelle de nouveau sous une fausse accusation de détention de faux passeport et lui demande de verser 125 000 dollars. Lainé déclarera plus tard : « Patrick Mercier avait retourné les flics contre moi en racontant que j’étais la troisième fortune de France et que je pouvais largement me permettre de payer. J’étais en pleine affaire de racket…c’est pour cela que des gens en France se sont mobilisés pour m’aider. C’est grave, c’est une affaire de liberté de la presse, une dérive dangereuse car n’importe qui peut aujourd’hui décider d’avoir été diffamé dans un reportage et trouver quelques fonctionnaires corrompus pour organiser un racket. Je me suis dit ; ça commence à sentir mauvais, les menaces de prison, de procès au pénal…J’aurais pu me réfugier à l’ambassade, mais j’ai finalement décidé de fuir le pays. » Le 16 septembre, François Ducroux, rédacteur en chef du journal de la six et membre du comité de soutien du journaliste déclare : « Le journaliste Daniel Lainé, qui était retenu au Cambodge depuis le 22 août, s’est réfugié à Bangkok. Il a passé clandestinement la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande et est arrivé vendredi en fin d’après- midi à Bangkok après s’être caché pendant plusieurs jours selon son ex-femme à qui il a téléphoné. Il prendra contact avec l’ambassade de France et pourrait rentrer à Paris rapidement. A Phnom Penh, sa situation se compliquait : de nouvelles personnes avaient entretemps porté plainte contre lui. La pétition appelant à sa libération, lancée à Paris, a recueilli 278 signatures. Merci à tous ceux qui ont soutenu Daniel. »
Le fin mot de l’affaire a bien entendu échappé aux journalistes français, certainement pas à l’ambassade de France au Cambodge qui ne pouvait ignorer l’origine de la cabale. Daniel Lainé était depuis peu devenu « conseiller cinématographique » chez Solaris Cambodge, en fait la société Triangle qui venait de changer d’appellation, son directeur était Pierot avec tous les risques de compromissions et de manipulations que cela impliquait. Quelques temps avant, comme l’ont fait beaucoup de journalistes, il s’était adressé à lui pour lui demander conseil au sujet du reportage qu’il envisageait de tourner sur la pédophilie. Comme notre mafia est pleine de ressources, il ne lui a pas été difficile de conseiller le journaliste et de lui recommander un Français qui accepterait de participer au reportage, un pédophile consentant en quelque sorte.
Le tournage et les interviews se font en toute confiance sauf que le présumé pédophile n’en est pas un et qu’il est l’ami de Pierot. Patrick Mercier est un des premiers journalistes du journal Principal, une des activités de Triangle Holding. Tout est fait pour tenir le journaliste qui intégrera ensuite l’organisation, sans pour autant connaitre les activités mafieuses qui s’y déroulent, une cible de plus absorbée. Et quelle cible ! Un communiste qui a des contacts en Russie, nous sommes là en plein combat contre le communisme. Il sera à son insu employé pour rentrer chez Canal Plus et approcher le journaliste Michel Despratz.
Pierot, employé par la mafia pour son passé de communiste français, l’accompagne dans les locaux de la chaîne de télévision. Les deux journalistes débarquent chez « canal + » en terrain connu et ils sont bien reçus, Claude Renucci, qui se situe dans la cellule Cambodge au dessus de Pierot écrit, le 5 novembre 2003 : « Daniel Lainé est un ancien gauchiste marié à une Russe et il est actuellement un agent des nouveaux services russes. Il est très lié aux têtes de pont des mafias russes. » Le 11 novembre 2003, à un complice : « Nous sommes confrontés à une difficulté. Le retour que nous avons par une autre source fiable dans Canal indique que le contact n’a pas gardé le silence sur les renseignements remis. Nous pouvons citer un autre nom, Bernard Zekri, directeur de l’info, marié à une allemande issue de la RDA, membre de l’ancien SED42. C’est lui qui dirige le réseau auquel appartient Daniel Lainé, et d’autres d’ailleurs, tous anciens militants de l’extrême gauche dure et qui ont été cornaqués à l’époque par des services des pays du bloc de l’Est, donc pas seulement l’ancien KGB. Ce réseau existe toujours, gangrène télévision et presse en France et est très actif en terme d’intoxication, il est par ailleurs lié aux mafias même si les Russes, avec Poutine, veulent y mettre de l’ordre. Tous cela pour vous informer que Daniel Lainé et Zekri sont vraisemblablement au courant de la fourniture de ces renseignements les concernant, via le contact, et qu’ils vont tout faire pour écraser l’affaire, sans doute en ridiculisant l’histoire ou en faisant peur, Moreira compris. Ceci étant, cela a donné un coup de pied et nous verrons ce qui va se passer en interne. Daniel Lainé est rentré hier et nous le surveillons. Nous vous demandons d’informer immédiatement votre contact en lui recommandant la prudence et citant le nom de Zekri. Prière de nous rendre compte. Merci. »
La manoeuvre d’infiltration consistait à noyauter canal + pour neutraliser par la suite les gauchistes qui compromettaient l’avenir de la France de par leur connexion avec les anciens soviets. Nous sommes en 2003, selon une logique de guerre, un ennemi est inoffensif à partir où du moment où il n’existe plus. Pour la mafia, ces gauchistes ont été approchés par les femmes de l’Est qui sont des agents chargés de manipuler les médias français. Qui a dit que le mur de Berlin était tombé ? Ce cas d’école où la cible est totalement manipulée pour approcher d’autres cibles à manipuler et à neutraliser est l’exemple même des moyens employés par la mafia. Qui pourrait penser que Daniel Lainé était un de ses agents ? Pas même lui, il ne s’en est jamais douté.
Il ne fait aucun doute qu’il a par contre finalement trouvé anormal les activités au Cambodge et qu’il s’est refusé à les cautionner. Au Cambodge, il n’est pas possible de rester aveugle par naïveté tant les activités de la mafia sont visibles. D’où ses problèmes avec Patrick Mercier et des policiers cambodgiens qui lui ont presque valu d’être emprisonné à Phnom Penh comme d’autres victimes de la mafia. Il y avait pour la mafia une opportunité de faire disparaître ce rebelle à son autorité qui aurait pu lui porter préjudice. La cabale était montée de longue date en prévision d’une éventuelle rébellion de la cible. A partir du moment où la cible récalcitrante se défend dans une affaire judiciaire, elle n’a plus la force de dénoncer les agissements de malfaiteurs. Elle n’est de toute façon plus crédible et la diversion annule toute action de dénonciation, la mafia neutralise ainsi une cible en employant à son profit la loi française. Cette méthode est dite d’« action préventive », où la justice est utilisée pour menacer, intimider, déstabiliser. L’aventure terminée, si la victime s’en sort, elle ne cherche plus qu’à vivre tranquille et elle a bien compris qu’il ne vaut mieux pas lutter contre la mafia. Et tant pis pour la morale, tant pis pour les conséquences des trafics, aussi bien ceux touchant aux enfants que tous les autres. Tout est une question de survie quand la loi française se retourne contre celui qui fait passer ses principes avant sa propre sauvegarde. Et puis, il y a les dossiers de compromission qui sont montés sur la cible, qui le dissuade un peu plus de parler de ce qu’il a vu ou entendu. Une omerta imposée qui peut faire vivre un cauchemar aux plus honnêtes, ou plonger dans la dépression et le suicide quelqu’un qui vit au nom de ses principes.
Le projet de noyautage de Canal + correspond aussi à l’époque de l’affaire révélée par Pierre Martinet, ancien agent de la DGSE, auteur du livre « Un agent sort de l’ombre ». Pierre Martinet accuse dans cette affaire Gilles Kaehlin, un ancien policier, de lui avoir demandé de préparer une agression pour écarter physiquement le journaliste Bruno Gaccio de la chaîne. Selon les déclarations de l’ancien agent, le 15 juillet 2002, Kaehlin lui demande s’il n’y avait rien contre la «cible». L’objectif aurait été d’écarter Bruno Gaccio dès septembre en employant si nécessaire des moyens musclés, par exemple l’agresser sans pour autant que cela remonte aux commanditaires. Un « dossier action », identique à ceux que montent les agents du service action de la DGSE, aurait été monté par la suite pour atteindre les objectifs fixés par Kaehlin. Juste avant le 15 août 2002, Pierre Martinet assure avoir rencontré Gilbert Borelli, son chef direct, sur une bretelle d’autoroute entre Marseille et Toulon pour lui remettre le rapport. « Il était emmerdé, il trouvait que ça allait trop loin », assure aujourd’hui l’ancien agent, il m’a dit : « Je ne veux pas toucher ce truc. » L’ancien agent serait reparti avec son rapport. On lui aurait demandé, le 8 octobre 2002, d’enquêter sur le patrimoine immobilier de Bruno Gaccio et il aurait rendu, sur ce point, un rapport de synthèse le 3 décembre, sans avoir remis le « dossier action » à qui que ce soit.
La marque de la supposée opération qui vise à écarter un élément nocif et perturbateur, quoi qu’on en pense, est bien celle de la mafia, et comme personne ne l’a imaginé à juste titre, aucunement celle d’un Etat. Opération avortée en 2002 en employant un ancien des services manipulé avec brio, qui refusera néanmoins de s’impliquer d’avantage, et opération de neutralisation des gauchistes en 2003 ! Les deux sont liées et complémentaires. La première s’opère à partir de l’intérieur de Canal + par les ressources internes à la chaîne, la seconde à partir de l’extérieur par des éléments à l’abri de tout soupçon. Les objectifs restent les mêmes, absorber la libre expression de la chaîne et protéger malgré eux les Français d’une menace qu’ils ne comprennent pas, toujours au nom de la cause. Ce que n’avait pas prévu la mafia, c’est que Pierre Martinet allait refuser la mission et que sa conscience et sa moralité allaient prendre le dessus. Qu’il allait discerner le blanc et le noir, le juste et le mal et qu’il n’a pas voulu se compromettre. La déception a été d’autant plus grande qu’il a dénoncé les faits et qu’il s’est tenu à la disposition de la justice, celle des Français et de la République. En quelque sorte un crime de lèse majesté qui lui vaudra, à n’en pas douter, des risques d’accident dans l’avenir. La manipulation n’ayant pas abouti, la deuxième opération n’est que la mise en oeuvre du plan de secours et elle est bien plus ambitieuse. A cause de son succès et de la qualité de ses programmes, Canal + demeure une cible prioritaire, mais ce n’est assurément pas la seule cible.
La mafia a toujours eu pour objectif de neutraliser les médias et de les diriger. Au Cambodge, plusieurs journalistes dont Amat et Pelissier, adhérents de la première heure à Triangle holding, ont été les instruments qui ont permis d’approcher d’autres journalistes et de faire des enquêtes, dont celle sur Guignot, pédophile de Sihanoukville. L’effet multiplicateur est à l’identique celui employé pour agrandir la famille des pédophiles, excepté que la méthode pour y arriver n’est pas la même. En 2009, ces deux journalistes écrivent toujours des articles dans des journaux en Asie du Sud-est. Leur carte de journaliste est un moyen de s’ouvrir les portes d’entreprises, d’institutions, d’approcher les décideurs politiques. Que ce soit en France et à plus forte raison à l’étranger où pour le cas du Cambodge, cette carte s’attribuait au début des années 2000 contre rémunération. Mais la liste de journalistes ou ex-journalistes employés par la mafia ne s’arrête pas à ces seules personnes. Le 14 février 2005, un Français du Cambodge écrit à un des ses correspondants de Paris : « …J’ai vu aujourd’hui sur Khmer forum un lien concernant Solaris, leur bulletin d’info, et là, oh surprise, je trouve quelqu’un de ma connaissance, Pierre Olivieri, le directeur de la communication institutionnelle de Solaris Cambodge, société de droit cambodgien. C’est un ex-communiste, il a été pendant des années chef de la rubrique politique de l’Humanité et continuait à faire des piges pour ce canard lorsque je l’ai vu pour la dernière fois en 2003. A cette époque il disait travailler pour une boite de communication sans me livrer de détails. Il fait depuis les années 2000 des allés et retours fréquents entre la France et le Cambodge ! C’est surtout un grand adepte du « kilomètre 11 »43 et donc de très très jeunes filles… ça je peux l’assurer. C’est aussi l’auteur d’un des bouquins de la série « le poulpe », sous le pseudo de Guillaumin Sor, dont le titre est : « Pompe et peine petite Khmer », édition Baleine. Il y décrit avec beaucoup de réalisme un univers de prostitution infantile qu’il connaît bien… J’ai également retrouvé sur la même page Gilles Fontaine, bombardé directeur chez Solaris. Il a fait un remplacement d’instituteur à l’école française dans les années 98/99. Les autres enseignants en gardent l’image d’un mec pas mal paumé arrivant le matin au boulot pas très frais. Belle ascension sociale … ! » La mafia sait reconvertir les anciens communistes semble-t-il, elle sait surtout les utiliser et autant que ce soit eux qui soient visibles, plutôt que les vrais marionnettistes.
A la même époque, Pierot, qui gérait donc à Phnom Penh « Triangle Holding » (qui est devenu par la suite Anglo Cambodian Holding LTD et Solaris Cambodge), société à multiples facettes mais toujours les caisses vides, a initié un chantage envers un membre de la mafia qui s’occupait de commercialiser des cassettes où des enfants étaient violés, torturés et tués. Alors que sa seule activité se limitait à réceptionner de France des valises de dollars, il a voulu attirer l’attention de ses chefs en faisant remonter cette affaire et l’exploiter pour le compte de Triangle. Le visionnage de la cassette récupérée par Triangle montrait un jeune enfant apeuré dans une pièce fortement éclairée, se faisant frapper par deux hommes cagoulés. A force d’être frappé, l’enfant tombe en pleurant, un des deux hommes lui arrache ses vêtements et le viole tout en continuant de le frapper. A la fin, le deuxième homme l’empoigne, l’égorge et l’éventre dans des cris terribles. Scènes époustouflantes qui laissent sans voix.
La fiche44 rédigée par Triangle est surprenante et met en évidence une tournure de phrase visant à alerter et à attirer l’attention des autorités internes, celles de la mafia : on peut y lire que les « enfants abandonnés par leur famille, non pris en charge par des autorités défaillantes ou par les ONG, plus ou moins survivant de la prostitution, fait d’eux des victimes de ces réseaux » : il est mis en faute la société civile cambodgienne alors que dans ce pays le respect de la famille représente une tradition à observer par tous. « Le prix d’une cassette est de 6 000 à 7 000 dollars » (pour quelques minutes de tournages), ce qui revient à penser que ce n’est pas un ouvrier, même européen, qui peut se payer ce genre de perversité. « Les enfants sont violés et mis à mort de façon spectaculaire, éventration, égorgement, … » : ce qui est effectivement la transcription exacte des scènes du film. « Des commanditaires de par le monde » : lorsque l’on connaît le mode opératoire de la mafia pour gonfler les réseaux pédophiles, c’est tout à fait probable et c’est même facile pour elle d’arriver à trouver des « commanditaires de par le monde ». « En 1998, ont été remis à Georges Boltz, commandant de police de l’ambassade, un stock de cassettes à caractère pédophile dont certaines avec actes de tortures et mise à mort » : cette précision est primordiale et l’ont peut se demander lorsque cette fiche a été présentée à la direction de la Police Judicaire française auprès du service du commandant Lefort et de Richard Fréguy, pourquoi ces policiers n’ont pas voulu donner une suite. L’invocation déjà répétée que le Cambodge est loin, qu’il n’existe pas de coopération policière, qu’il n’y a pas de plainte déposée, etc. ne tient pas. Les « commanditaires » peuvent être de France et il y avait lieu de mener des vérifications ou au moins d’en saisir la justice. D’après l’historique de l’affaire, le commandant de police de l’ambassade aurait de toute bonne foi commencé à remonter la filière mais il a été brusquement muté de l’ambassade du Cambodge à l’ambassade des Comores. Ce qui implique de fortes connexions auprès du ministère des affaires étrangères français. La seule explication est que la mafia a assez de pouvoirs pour se permettre de faire déplacer sans préavis un fonctionnaire d’une ambassade à une autre. Pourquoi, en France, les policiers se sont désintéressés de l’affaire ? L’explication peut-être donnée par les noms de personnes impliquées dans Triangle qui leur ont été cités…et qui ramènent à l’affaire du meurtre du juge Borrel à Djibouti en 1995…Car la mafia française est internationale ! « Un Français, qui serait un ancien militaire et travaillant actuellement pour une ONG, organiserait la réalisation et l’expédition de ces vidéos. » Au moment des faits, il est facile pour les services de police français de savoir qui est cet ancien militaire français au Cambodge et travaillant de surcroît pour une ONG. La liste des résidents au consulat ou le versement de la pension militaire sont autant d’indications fiables et accessibles pour tous les fonctionnaires menant des investigations. Un militaire menant ce genre de trafic a ensuite un certain niveau d’instruction et d’autonomie, qui exclut généralement les militaires du rang, les sous-officiers ou les officiers subalternes. Les suspects se limitent donc à ceux ayant été officiers supérieurs et pour encore réduire la liste, à ceux ayant déjà eu des problèmes de moralité au sein de l’armée et à ceux ayant déjà servi au Cambodge en tant que militaire français ou ayant servi dans les forces de l’ONU. Ce sont des critères qui éliminent beaucoup de monde. Pourtant, il semble que personne n’ait eu la volonté de rechercher qui était cet ancien militaire alors qu’il était facilement identifiable. Peut-être était-il d’ailleurs trop facilement identifiable ! Cette affaire interne des cassettes a valu au directeur général de Triangle une attention particulière de ses chefs jusqu’au jour où il a échangé des coups de feu en plein Phnom Penh avec le cadre d’Electrolux, une de ses victimes occidentales. Blessé d’une balle dans le ventre, il a gentiment été invité à quitter le Cambodge. Quelle que soit la cause que l’on sert, il y a des limites à ne pas dépasser, il faut surtout rester le plus discret possible et ne pas attirer l’attention, or, dans un journal cambodgien, on voit ce Français sur un brancard. Il sera repéré un an plus tard en Thaïlande, se faisant passer pour un officier traitant de la DGSE !
Un enquêteur privé, qui a l’a approché le 23 novembre 2006, relate les faits : « J’ai rencontré « le chauve » hier sur Pattaya (ville de tourisme sexuel45 de Thaïlande), il m’avait été annoncé là-bas par un patron de bar de Phnom Penh. Je suis donc parti vers 15H00 de Bangkok et je suis arrivé à 17H00 à Pattaya, je me suis alors dirigé vers l’hôtel résident et j’ai fait le pied de grue jusqu’à 19H00. Il est arrivé seul, un attaché case à la main, pantalon de flanelle bleu, chemise blanche. Quand il est allé à la réception, je m’y suis pointé également et j’ai demandé si quelqu’un parlait français car je parle difficilement anglais, à ce moment il m’a dit vous êtes français ? Je lui ai dit que oui, alors il s’est présenté et il m’a dit qu’il vivait à Phnom Penh au Cambodge où il avait une société. Mais qu’il avait décidé de prendre trois mois de vacances en Thaïlande car cela faisait quatre ans qu’il travaillait sans relâche. Sa société s’appelle Solaris Cambodge et elle s’occupe de marketing de publicité et de manifestations évènementielles. Il dit s’occuper de la communication de la famille royale et connaître tout le gratin politique. Moi, je lui ai dit que je travaillais au parlement européen et que je m’occupais de l’accréditation des ONG afin de juger de leur sérieux pour que l’Europe puisse les subventionner ou non. Mon secteur est depuis dix ans l’Afrique mais l’Asie risque de m’être confiée en janvier et c’est pour cette raison que je suis là en voyage d’étude. »
« Il m’a dit que c’était très intéressant et que lui oeuvrait bénévolement pour de nombreuses associations dont il était dirigeant et membre bienfaiteur, il m’a cité les associations. Il m’a dit que Solaris Cambodge faisait toutes les campagnes d’affichage de parution des spots vidéos gratuits pour les associations et c’est pourquoi il a lui aussi besoin de subventions, car tout cela coute très cher. Mais il y a des détresses inacceptables, pour lesquelles il ne faut pas compter son argent. Nous avons dîné ensemble et il a tenu à payer. Puis, il m’a dit qu’il travaille aussi en réalité pour les services secrets français et qu’il fait partie de la DGSE. Il a commencé à me dire qu’il enquêtait sur un certain nombre de réseaux dont étaient membres des Français au Cambodge. Selon lui, un des membres les plus dangereux serait un certain Dédé, chef de bande qui est le patron d’une brasserie appelée le Deauville. Il me dit que ce mec est à fuir comme la peste et il lève son pan de chemise et me dit: « tu vois, j’ai pris une balle dans le ventre, c’était en venant l’arrêter. » Heureusement que je connais la version du ministère de l’Intérieur français qui est tout autre, et la version que l’on m’a donné à l’ambassade car il y aurait de quoi perdre son latin, ses propos sont très persuasifs. Là-dessus, il me dit que c’est aussi une des raisons pour lesquelles il est parti se mettre au vert. « La France, me dit-il, m’a demandé de décrocher quelques temps, enfin le temps que ca se décante car ils ne voulaient pas me perdre…je suis l’officier traitant Cambodge de la DGSE. » Puis il me parle d’une correspondante en France et il me dit qu’il faudrait qu’elle prenne contact avec moi car elle s’occupe des dossiers de subventions pour certaines ONG au Cambodge.
« Il me dit plus tard, pensant certainement que j’adhérais à ce qu’il avançait, qu’ils ont des détracteurs, des gens jaloux qui n’ont eux jamais rien réussi et pour certains sont des voyous. Et il cite l’officier de sécurité, habilité par le ministère des Finances, qui travaille dans une usine de fabrication des billets de banque appartenant au Groupe Arjowiggins46. Cet officier aurait voulu être trésorier d’une ONG et aurait pompé la caisse. Par les services dont il fait partie, il aurait appris que c’était un ancien militaire qui avait été renvoyé de l’armée pour vol et insubordination. Alors, je lui demandé comment il a pu avoir un emploi pareil s’il a été accusé de vol, il doit avoir un casier. Il me répond que non car cela s’est passé au sein de la grande muette et ils ont étouffé l’affaire, tout cela pour éviter une contre publicité, mais qu’il avait été entendu longuement par quelqu’un de la direction du Renseignement militaire47. Il m’explique ce que fait la DRM et rajoute qu’en plus cet escroc a des appuis en haut lieu, dernièrement ils n’ont pas cessé de mettre des battons dans les roues et d’emmerder Géraldine, notre correspondante. « C’est dire qu’il nous emmerde ! La France protège les voyous et je suis bien placé pour t’en parler car ma femme est magistrate, et de me dire que ce voyou prépare à coup sûr un gros coup. Un escroc comme ca qui travaille à la sécurité des billets de banque, c’est suspect et il doit bénéficier de protections au sein de différents ministères français qui croqueront dans la pomme une fois que le coup sera fait. Quand tu seras en place en Asie vient me voir, tu me trouveras à Solaris ou dans mon bar le soir, il s’appelle le Tierce. » Et il me dit que « l’autre escroc de chez Arjowiggins, on le fera tomber, il aura des problèmes car on ne peut pas laisser un voyou comme ca dehors, qui de plus touche aux enfants ! En France, on peut difficilement faire quelque chose contre lui, même ma femme qui représente la justice me dit qu’il est trop protégé et qu’il faut marcher sur des oeufs. Mais il reviendra en Asie, j’en suis sûr et là on lui fera sa fête car on ne peut pas laisser des mecs comme ca agir en toute impunité, et de me dire, tu sais le prix d’une vie au Cambodge c’est 300 dollars ! » Je lui dis ensuite : « Attends, tu me dis que ta femme est juge, que tu travailles pour la DGSE et parallèlement tu m’expliques que tu serais prêt à mettre un contrat sur lui, mais il faut choisir ton camp, ou tu es dans le camp de la justice ou tu es aussi un voyou ? Et là, il m’explique avec beaucoup de conviction que la justice au Cambodge, c’est la justice de la rue et que c’est une obligation d’utiliser ces procédés sinon tu ne vis pas longtemps. Après un dernier verre, j’ai quitté l’hôtel à 02H30 du matin et j’étais de retour à Bangkok à 04H00. »
C’est ici une des nombreuses tentatives de manipulation et si la cible avait réellement été un fonctionnaire européen, elle aurait été scandalisée par tant d’injustices ainsi exposées. Le fonctionnaire serait devenu un agent de la mafia sans s’en rendre compte, il aurait au moins facilité l’obtention de subventions pour des ONG pilotées par les mafieux. Sur cette approche qui pourrait amener à conclure que la mafia s’est fait piéger, il n’est pas certain qu’elle soit perdante car elle réussit bien souvent à retourner les situations à son profit. Peu de temps après, vers le mois de mars 2007, l’enquêteur n’a plus donné signe de vie, il est à craindre qu’il soit devenu comme bien d’autres un élément actif de la cause. En 2009, Pierot était toujours sur la scène médiatique, se faisant passer pour un opposant au pouvoir politique cambodgien pour pouvoir écrire des articles de presse dans le journal « La Petite République ». Autant de casquettes portées en fonction des objectifs visés. Il vante son combat contre la pédophilie, pour la liberté de presse et il y a toujours autant de gens qui adhère à ses idées, rien ne peut l’arrêter. Avant son éviction de Phnom Penh, le responsable de la cellule Cambodge écrit en ces termes au sujet de Pierot : « C’est un élément qui peut encore nous servir. Il a ses entrées auprès d’élus de gauche…et son frère travaille au journal l’Humanité… »
On voit là, à plusieurs reprises, l’utilisation d’hommes de gauche pour servir une cause d’extrême droite mais aussi le manque de discipline au sein de la cellule Cambodge, où des membres mènent pour leur propre compte des business parallèles. Les membres de base, les soldats, peuvent se comporter comme des électrons libres, leur hiérarchie a des difficultés à les encadrer même si cela fait partie du management de la famille. Et puis si un membre ne donne plus satisfaction, le recrutement est toujours ouvert et permanent, tout est conçu pour attirer les nouvelles cibles. Ceux qui se laissent tenter de rejoindre la mafia peuvent penser saisir une opportunité. Il est vrai qu’à partir du moment où un témoin des activités, ou une cible, accepte de se mettre au service de la cause, il n’en sera que mieux récompensé. Sa vie professionnelle en sera facilitée, les multiples ONG et activités de la mafia seront autant de fonds de commerce qu’il pourra exploiter pour s’attribuer un salaire confortable. La mafia est généreuse avec ses soldats et sait les récompenser, son code d’honneur impose cependant des conditions à respecter qui peuvent se résumer en ces termes : « Si vous rentrez chez nous, vous laissez vos problèmes derrière vous. S’ils vous rattrapent, ce sera votre affaire de les régler. Nous disposerons de vous quand nous voudrons pour ce qu’il nous plaira. »
En 2001, Madame Géraldine Joly, une petite blonde de 32 ans, tentait de faire connaître publiquement les activités de la mafia en contactant par internet le correspondant d’un parti cambodgien opposé au pouvoir. On peut y voir les prémices d’une manipulation. Les échanges en sont les suivants:

R (correspondant de Madame Joly) :
-Bonjour, alors l’article, vous l’avez écrit ?

Joly :
- Je vous l’envoie de suite, si vous pouvez me dire ce que vous en pensez ?

R :
- OK

Joly :
- C’est parti, j’attends votre avis, j’ai envoyé sur [email protected]

R :
- Ok mais je n’ai rien reçu

Joly :
- Ah bon ?…allez voir

R :
- Envoyez moi sur r@.

Joly :
- Non, je viens de l’envoyer sur l’autre

R :
- Ok, je l’ai reçu !

Joly :
- Qu’en pensez-vous ?

R :
- c’est en anglais !

Joly :
- Je vous rappelle que ce n’est pas l’article ! Oui c’est en anglais, comme vous me l’aviez dit ? Vous le voulez en français ? J’ai vraiment confiance en vous pour vous l’envoyer, merci de me dire ce que vous en pensez ?

R :
- Pouvez-vous résumer ce que vous avez écrit car votre anglais est d’un très haut niveau

Joly :
- Ok, je vous l’envoie de suite, attention, il y a certains noms, je compte sur votre confidentialité !!!

R :
- Vous dénoncez beaucoup de gens dans cette lettre !

Joly :
- Non, pas assez à mon goût, mais j’espère que cela aboutira quand même ? Je peux compter sur votre discrétion ? Oui ou non ?

R :
- Oui

Joly :
- Ok, je vous l’envoie, il est parti. J’insiste qu’il ne s’agit pas de l’article mais le courrier au chef de l’opposition du gouvernement actuel!

R :
- Antoine Constantini est connu en France ?

Joly :
- Là, il s’agit d’Antoine Constantini. Ce n’est peut-être pas le même à qui vous pensez. Que pensez-vous de mon message ? Va-t-il pouvoir agir ?

R :
- A mon avis cela va faire grand bruit dans l’opposition

Joly :
- Comment cela va-t-il se passer ?

R :
- Je pense que s’il a le temps, il va remettre cela au service de la police de Phnom Penh ou en discuter

Joly :
- La police ne fera rien ?

R :
- Mais je n’ai pas toujours reçu la version française, je ne peux pas voir l’étendue du problème

Joly :
- Tout le monde travaille avec ces fous ! Ils savent acheter les personnes ! Je vous ai envoyé la version française. Allez voir !

R :
- Oui, mais Sam Rainsy lutte activement contre la corruption ! et quand je dis activement c’est activement !

Joly :
- J’espère, mais comment va-t-il pouvoir agir ? C’est une affaire hyper grave et très importante

R :
- Ok, je l’ai reçu et je lis

R :
-…et ils ne vous ont pas répondu ? Vous avez envoyé quand ?

Joly :
- Avant-hier

R :
- Si vous n’avez pas de réponse d’ici une semaine c’est mal engagé ! Car moi, ils mettent cinq jours pour me répondre

Joly :
- Pourquoi avez-vous besoin de lui ? Vous le connaissez bien alors ? Vous êtes toujours là ? Je compte sur votre haute discrétion ? Vous êtes la seule personne à savoir. Comment trouvez-vous mon message ?

R :
- Je parle souvent avec les responsables de son site web

Joly :
- Qui sont-ils ?

R :
- Je pense les gérants du site sont basés aux USA

Joly :
- Vous ne les connaissez pas ?

R :
- Ah oui, j’ai l’adresse de Sam Rainsy au Cambodge

Joly :
- Peut-être devrais-je lui envoyé à l’autre adresse ?

R :
- Il faut que je la cherche et je vous l’envoie ce soir

Joly :
- Ok…puis-je vous demander votre vrai nom ?

R : Pour ?

Joly :
- Comme ça, pour savoir car j’ai vu Pierre Bernard ? Ne vous offensez pas, je ne vais pas le communiquer !!! Je suis honnête, sinon, je ne ferais pas tout cela !!!

R :
- Pierre Bernard, c’est un nom bidon que j’ai utilisé

Joly :
- Je m’en doutais ! Quel est votre vrai nom ?

R :
- R

Joly :
- Et votre nom ?

R :
- Je ne le donne pas, mais votre lettre ce n’est qu’une histoire de grande mafia !

Joly :
- Vous n’avez pas confiance, et j’en suis attristée car moi je peux vous le donner sans problème !

R :
- C’est courant au Cambodge

Joly :
- Vous vous attendiez à quoi ? Dans cette affaire, il y a un mélange de pédophilie, de trafics, etc.…mêlant les autorités etc.…Qu’est-ce qui est courant au Cambodge ?

R :
- Tout !

Joly :
- Tout quoi ? De ne pas donner son vrai nom ?

R :
- Mais pourquoi vous voulez mon nom ?

Joly :
- Comme ça, mais si vous ne souhaitez pas me le donner, ce n’est pas grave ! C’est dommage de ne pas se faire confiance ! Car en vous envoyant mon message, moi, je vous ai fait confiance, c’est tout. Je vais faire l’article, mais vous le voulez toujours ? Je souhaite juste expliquer ce qui peut se passer avec certains Français là-bas mais ne pas donner de noms.

R :
- Les noms ne sont pas importants

Joly :
- Exactement, pour un journal ils ne le sont pas, mais pour aboutir ils le deviennent…on dirait que vous êtes effrayé face à ce que je dis ? Pourquoi ?

R :
- Un peu, car vous avez peur d’un truc qui me parait banal dans un pays pourri par la corruption

Joly :
- Quoi ? Je peux vous affirmer qu’au point où j’en suis avec cette affaire, je n’ai plus peur de rien !

R :
- C’est un grand réseau de mafia

Joly :
- Connaissez-vous ce qu’ils peuvent faire s’ils découvrent ce que j’annonce ?

R :
- Quelles sont les autres sources d’argent ? Histoire de drogue ?

Joly :
- Là, je ne peux rien révéler, car il y a un réel danger ! Je crois que vous ne vous rendez pas compte de l’importance de cette affaire, comme toutes les situations mafieuses, le danger devient imminent lorsque ces gens se sentent découverts ! Et c’est le cas, avec les documents que je détiens !

R :
- Avez-vous envoyé à [email protected] ? C’est un chef d’opposition basé en France

Joly :
- Non, j’ai simplement écrit à l’adresse de Sam Rainsy. Est-il français ?

R :
- Je vous conseille de diffuser votre info au maximum ! Car ces mafiosi n’auront pas d’endroit où mettre la tête, et la source (vous) sera perdue dans des milliers de personnes. Envoyez aussi à Interpol. Je peux vous donner l’adresse du service secret français

Joly :
- Ok avec plaisir !

R :
- Envoyez votre article dès aujourd’hui aux adresses que je vais vous adresser. Merci

Joly :
- C’est moi qui vous remercie pour votre aide ! A plus tard R…

Quelques semaines plus tard, en 2001, au lieu de dénoncer comme elle avait la ferme intention de le faire, elle rejoindra finalement la mafia et participera à la «gestion» de quatre ONG au Cambodge : Ame d’Asie, AFESIP, Association Cambodge Developpement, FWCPA. Les deux premières ont une antenne à Marseille, la suivante en région parisienne, la dernière en Allemagne. Madame Joly avait bien mesuré les possibilités de la mafia : « Ils savent acheter les personnes ! » Comment la mafia l’a-t-elle achetée ?
Elle s’est mise au travail très rapidement et a trouvé un versement à ces ONG à hauteur de 300 000 euros rien que pour l’année 2006, sans compter les ONG annexes pilotées de la même façon. De nombreux voyages en Asie du Sud-est, des relations étroites avec des fonctionnaires européens lui permettront d’agrandir son cercle d’amis. Elle en fera un business lucratif et personnel. Pour régler les problèmes qui risqueraient de la toucher ou de polluer l’organisation, elle n’hésitera pas à porter des accusations mensongères d’agression et de pédophilie contre un de ses amis qui tentait de dénoncer les activités de la mafia, «ami» qu’elle finira par intégrer à l’organisation pour son propre compte. Manipulation, trahison de ses valeurs à la recherche du seul profit, à moins que les menaces de la mafia, associées à l’engagement de servir la France, aient été le déclencheur de son ralliement. C’était une femme profondément honnête, battante, porteuses de valeurs, que la mafia a réussi à absorber. Le ministère de l’Intérieur avait pourtant été prévenu de menaces à son encontre, sans réaction. Une victime de plus au tableau de chasse de la mafia, une heureuse contribution à la «famille» qui lui accordera toute sa confiance.
De la même façon, de 2006 à 2007, son mari, le Gendarme Joly, a entretenu des accusations ouvertes de pédophilie et de préparation d’actes de malveillance contre un cadre d’un Groupe industriel français. La méthode de déstabilisation et de discrédit était simple : se mettre en arrêt maladie pour dépression afin de ne pas être tenu pour responsable de ces actes, téléphoner à des directeurs du Groupe en se présentant avec sa véritable identité et en avançant des accusations graves. Le gendarme proposait ainsi un dossier compromettant à qui voulait en prendre connaissance. Coïncidences ou pas, le cadre – la cible – avait surtout refusé d’intégrer la mafia six ans auparavant suite à une mission d’infiltration pilotée par la direction Protection Sécurité Défense. Cette direction d’un service du ministère de la Défense est l’ancienne « Sécurité Militaire » (SM) et ses activités sont couvertes par le Secret Défense. L’infiltration concernait la Cellule Cambodge avec Pierot à la tête de Triangle.
Le couple fera parler de lui en France, en 2009, dans l’affaire du « corbeau d’Hérépian » où le mari gendarme alors en « non activité » sera mis en garde à vue. L’homme est cité par la presse comme d’extrême-droite et adhérent à un parti politique royaliste. On apprend que sa femme est correspondante du quotidien le « Midi Libre », proche du journal la « Nouvelle de l’Hérault »… détective privée, qu’elle fait des enquêtes et a des relations avec les services de police. Ils ont monté une association de supporters de l’Olympique lyonnais qui se propose d’oeuvrer dans le domaine humanitaire, notamment à l’insertion par le sport pour les personnes handicapées. Madame Joly a une activité bénévole sociale très soutenue allant vers les plus vulnérables de son petit village d’Hérépian. Thierry Jérôme, 50 ans, le corbeau qui envoyait des lettres de menaces accompagnées d’une balle à des personnalités politiques, est un handicapé, psychologiquement très vulnérable, inscrit à un club de tir d’une localité proche, Lamalou. Il habite à 600 mètres de la villa du couple Joly, dont la fille ainée s’initie au maniement des armes dans le club de tir de… Lamalou. Un voisin en quelque sorte, ayant un passe temps commun avec des gens bien intentionnés, quelqu’un à manipuler à souhait. Il est vrai que la politique de la France a quelque peu changé ces dernières années et la mafia peut être irritée. Sarkozy ne facilite pas la vie des mafieux avec sa politique étrangère qui dérange.
L’affaire de Thierry Jérôme est bien entendu un hasard, comme tous les hasards qui ébranlent la vie des cibles, et rien ne peut supposer une quelconque manipulation provenant de la mafia… En 1999, le couple était surendetté et ne pouvait plus faire face aux dépenses courantes, c’est par un vrai «hasard» qu’ils ont rencontré les mafieux au Cambodge. Un Gendarme est une bonne recrue de par l’image d’honorabilité qu’il véhicule, sans compter ses convictions politiques qui ont tout de suite séduit.
Jusqu’à présent, les activités, pédophilie et autres manipulations en tous genres, qui émergent sont insoutenables pour le commun des mortels mais elles pourraient malheureusement être qualifiées de leurres par la mafia. N’oublions pas : « Une vraie vérité ou une fausse manipulation doivent cacher une seconde couche de fausse vérité ou de vraie manipulation, qui elle-même est protégée par une troisième couche. » Quelle est la couche liée à la pédophilie, aux ONG ? Est-ce que ce sont les vraies activités de la mafia ?
En réalité, ce n’est que la toute première couche, celle qui va donner l’illusion que l’héritage de la lutte anticommuniste pure et dure des années de guerre froide n’est plus que limitée à des délits et crimes de malfrats sans envergure, ceux-là mêmes qui pourraient être de petits truands dans les banlieues de grandes villes françaises. Tout est fait pour faire croire que ces truands, ou ces petits caïds, ont pris une toute autre dimension à l’étranger. En cas d’enquête d’un service de police en France, tout est aussi conçu pour faire croire à des rivalités entre personnes qui dénoncent des faits imaginaires et sont donc davantage perçues comme des mythomanes que réels témoins. Si cela ne suffit pas et que les témoignages des uns et des autres sont pris au sérieux, les enquêteurs s’arrêteront de toute façon aux problèmes de pédophilie. Un
service spécialisé en sera chargé et le reste, les trafics les plus importants, sera oublié, ils ne seront même jamais pris en compte. La diversion est totale d’où la nécessité de cette première couche, c’est pourquoi les têtes de la mafia laissent leur base s’occuper de délits annexes. Et quitte à choisir entre délits ou crimes, un crime attire plus l’attention. Les enfants violés, torturés et tués sont des instruments comme les autres pour protéger les activités plus lucratives.
La deuxième couche est celle des «trafics supérieurs», ceux du blanchiment d’argent, des investissements dans les ONG, du trafic de drogue, et des meurtres suspects sur fond de ventes d’armes. Triangle Cambodge puis Solaris Cambodge et toutes les autres ONG ou sociétés affiliées immatriculées au Cambodge dont on ne connaîtra jamais le nombre, vivent essentiellement par le blanchiment d’argent à coup de vagues de liasses de billet de banque en dollars ou en euros venant de France, repartant en France, revenant au Cambodge. Une véritable machine à laver qui tourne une fois dans un sens et une autre fois dans l’autre. Le blanchiment dissimule la provenance d’argent acquis illégalement des activités de trafic de drogue, d’extorsion, de corruption, de prostitution dont se rend coupable la mafia. Le projet de construction de casino au Vietnam était un moyen de blanchir à plus forte cadence et très discrètement les fonds transitant par Triangle. En 2006, l’ancien comptable de Triangle confirmera, en qualité de témoin auprès de l’inspection de la Gendarmerie Nationale, les allées et venues d’argent liquide durant plus d’un an entre la France et le Cambodge. Les passeurs, dont le directeur général de Triangle, ramenaient de France tous les trois mois de l’argent liquide à hauteur de 150 000 euros à chaque voyage. Une partie de l’argent servait à régler les salaires de la vingtaine d’employés des différentes branches de Triangle et des policiers qui y étaient rattachés. Sans oublier les cadeaux pour la « police des étrangers » du lieutenant Tho, qui consistait à équiper les locaux et à verser des billets tout neuf de 100 dollars « pour les oeuvres de la police ». Au Cambodge, les salaires se donnent de la main à la main, donc aucune trace de mouvements d’argent. Les premiers billets distribués, l’autre partie du lot s’évaporait ! Soit 75% environ de la somme transportée, ce qui correspond à une commission de 25% pour le porteur à partager avec les salariés employés par la mafia. L’équipe était bien rodée, car c’était bien une équipe qui s’occupait des transferts. Des Franco-cambodgiens la plupart du temps, qui se succédaient pour retirer l’argent dans une banque italienne de Paris, chaque intéressé effectuant une rotation tous les trois mois. Le nombre de rotations est proportionnel au nombre de passeurs, soit des rotations qui peuvent être déclenchées jusqu’à chaque semaine, c’est dire les sommes qui transitent.
A ce blanchiment d’argent pourrait être associé celui d’affaires de meurtres passées sous silence. Une de celles qui a bizarrement été oubliée par les journalistes français du Cambodge est celle de deux Corses, Paul Virgitti et Gilbert Jouve, décédés le vendredi 12 novembre 2004 en dehors de Phnom Penh. Ils sont partis avec des Cambodgiens et ont été retrouvés en fin de journée sans papier, laissés sans vie dans un fossé au bord de la route. Le procédé ressemble, fait du hasard, à celui de l’assassinat du juge Borrel à Djibouti. Les conditions de rapatriement des corps en France sont troubles, pas d’autopsie pratiquée par l’Hôpital français Calmette, aucune communication sur une quelconque enquête menée par l’ambassade. Des Français sont tués mais cela n’interpelle personne.
Paul Virgitti représentait sa société Task Driven Management Co LTD dont le siège social se trouve à Hong-Kong Room au 1801-1805, Hua Qin International Building et avait saisi la justice contre la société Alcatel Belgique. Quelques années auparavant, ce Corse, ancien militaire provenant d’un corps d’élite de l’armée française, s’était rapproché d’un autre Corse, Charles Ariotti, ancien compagnon d’armes, alors directeur du Marketing – de 1994 à 1997 – d’Alcatel au Vietnam pour les questions de vente de matériel militaire. N’ayant pas de possibilités d’introduction dans l’armée vietnamienne, le responsable d’Alcatel Belgique s’est retourné vers Paul Virgitti qui était apprécié des dirigeants de la République socialiste du Vietnam. Il est devenu le représentant d’Alcatel
Division Défense auprès de l’armée vietnamienne avec pour mission la vente de matériel militaire tactique de transmission type « BAMS ». Le concurrent, « Thomson Division Défense », proposait quant à lui le système « PR4G » alors en cours d’essais. Le 22 mars 1996, lors d’un repas à Hanoï, un accord cadre est signé en présence du Premier secrétaire du Parti, Hoï, le frère du président Minh. Paul Virgitti s’est consacré ensuite à la rédaction en Vietnamien des documents afférents, ainsi qu’à l’organisation des différents essais techniques où il apportait son concours aux officiers de l’armée belge qui étaient détachés auprès de l’armée vietnamienne. L’affaire était pratiquement conclue lorsque les activités Défense d’Alcatel ont été vendues à la société Thomson-CSF. Les commandes néanmoins signées portent à 80 millions de dollars la commission de Paul Virgitti et de sa société. Malgré l’état d’avancement du dossier, l’affaire est transmise à la Sofresa qui est la société qui regroupe l’Etat français et divers industriels de l’armement pour assurer la commercialisation de matériel militaire. Paul Virgitti, qui est écarté sans ménagement et à qui les commissions sont refusées, assigne Thomson auprès du tribunal de commerce de Paris.
L’histoire n’est pas banale et la mort des deux Corses ne peut être qu’un contrat. Mais commandité par qui ? Charles Ariotti, alors retraité au moment des meurtres, gérait tranquillement un petit centre de vacances en périphérie de Phnom Pen. Il fréquentait Michel Amiguet, le représentant de l’Ordre de Malte, celui là même que surveillait Triangle. Que l’on ne dise pas que la mafia est corse, elle n’est composée que de malfaiteurs, les Corses sont des victimes comme les autres. Où est la manipulation qui explique les deux tués du Cambodge ? Ces meurtres sont passés inaperçus et personne ne s’est inquiété de retrouver deux cadavres au bord d’une route en Asie du Sud-est.
A cette époque, la cellule Cambodge française était déjà bien implantée. Elle s’est développée au fil des années sans que personne ne puisse arrêter son ascension. L’ambassade de France a été absente dans cette affaire de double meurtre et elle a même en quelque sorte protégé les agissements des mafieux. Cependant, l’ambassade de France n’est pas la seule à n’avoir rien fait, ou rien pu faire. Bill Gent, le responsable sécurité de l’UNICEF, a été dans l’incapacité, en l’absence d’une plainte des autorités cambodgiennes, de faire quoi que ce soit, ne serait-ce que pour effectuer des vérifications sur les présumés trafics qui lui avaient été rapportés. Il faut dire que le consultant de l’UNICEF le plus en vue au Cambodge était un associé de Triangle, l’ancien policier français Christian Guth, qui est devenu au cours des années un référant de la prévention et de la lutte contre les actes d’exploitation sexuelle des enfants. En 2010, il est toujours le référant dans le domaine, reconnu comme tel par l’UNICEF et des ONG occidentales oeuvrant au Cambodge. Il est bien placé pour conseiller les ONG a subventionner.

LE RITUEL ET LA FRANC-MAÇONNERIE
La mafia se veut honorable et bienfaitrice. Ne sert-elle pas l’intérêt collectif des Français contre les menaces extérieures et intérieures ? Du temps où elle était légitime, elle avait raison de combattre le communisme, l’histoire lui a donné raison, elle avait vu juste et sans elle la France ne serait rien. Mais quand bien même, de tout temps elle a recherché des couvertures et un visage exemplaire, celui qui lui permet de se regrouper discrètement. Ses solutions de discrétion reposent sur le noyautage d’associations les plus en vue ou celles les plus fermées.
Les associations demandant une forte cotisation à leurs membres, celles qui sont les plus connues et celles qui sont très souvent exemplaires par leurs actions caritatives à l’international, permettent d’approcher des personnalités, de lier des contacts directs. Y rentrer revient à acheter un carnet d’adresses. D’autres associations, patriotiques, comme celle des « ex-invisibles » qui délivre une carte d’adhérent aux couleurs tricolores en sont les cibles. Cette association, qui regroupe les anciens des services militaires de renseignement français, fait renter des membres par cooptation. Il suffit qu’un mafieux ou un mythomane arrive à se faire coopter pour qu’une brèche se créée, faisant rentrer tout un tas de cinglés qui se prennent pour des agents secrets, et que cela leur monte à la tête. Autant de cibles pour la mafia qui n’aura même plus à manipuler, un mythomane qui, de plus, croit en son pays est le pigeon idéal que l’on pourra promener sur tous les continents. L’association des « ex-invisibles » qui mérite la reconnaissance de la nation est victime de son propre succès, du passé élogieux de ses vrais membres, et elle est devenue la cible de la mafia. Malgré les apparences, elle est très vulnérable.
Mais la mafia préfère ce qui est très discret, presque secret pour entretenir une sorte de fantasme autour d’elle et profiter des règles de fraternité qui régissent les rapports entre ses «Frères». Les associations philosophiques de Franc-maçons sont celles qui sont les plus prisées par la mafia, tout y est propice pour s’y cacher et entretenir le secret de l’Ordre mafieux, une couverture et une honorabilité idéales. La Franc-maçonnerie se présente comme une association d’hommes de bonne volonté, libres et de bonnes moeurs, bons au fond d’eux mêmes et qui désirent s’améliorer pour le bien être de l’humanité. Les convictions de tolérance, d’amour, du moins la vision qu’ils en ont, sont celles qu’ils espèrent partager et qu’ils vont sans cesse rechercher à développer en eux. Pour y arriver, ils se doivent d’avoir des idées et une pensée larges, s’interdisant en principe de détenir l’unique vérité. Lors des réunions maçonniques, lesquelles sont appelées tenues, toute distinction de croyance, de race, de nationalité, de position sociale est censée s’effacer. L’homme à l’état pur, sans son arrogance, cherche à s’élever pour réussir sa vie. L’enseignement maçonnique ne comporte a priori ni dogme, ni crédo d’aucune sorte, chaque Maçon est appelé à construire par lui-même l’édifice de ses propres convictions, c’est dans ce but qu’il est appelé à pratiquer l’art de la pensée. Un noble programme qui ne peut laisser indifférent, accessible à ceux qui ont le courage de l’appliquer réellement. Alors que vient faire la mafia au milieu des Maçons ? La mafia est intolérante, de conviction politique totalitariste, n’aime que ses propres convictions sans rien partager si ce n’est que sa propre volonté qui s’exprime en s’imposant par tous les moyens.
De 1940 à 1944, la Franc-maçonnerie subit l’hostilité de l’occupant allemand mais surtout du régime de Vichy. Dès le 14 juin 1940, les Temples des différentes Obédiences maçonniques sont visités et une législation destinée à donner la chasse aux Maçons est instaurée. L’immeuble du Grand-Orient, qui est alors la plus importante Obédience française, est occupé par le Service de contre-espionnage (le SD : Sicher Heitsdienst), dirigé pour les questions maçonniques par un lieutenant du parti nazi. Pétain, dont l’entourage était imprégné de la pensée maurrassienne, disait de la Maçonnerie : « Un juif n’est jamais responsable de ses origines, un Franc-maçon l’est toujours de son choix. » En zone sud, le Service des sociétés secrètes est commandé par un officier de l’armée, ancien du 2e bureau de la Marine, Robert Labat. Il considère que les sociétés secrètes, discrètes, clandestines sont à mettre dans le même panier et à traiter de la même façon, la Maçonnerie étant une société discrète doit être supprimée, comme doivent l’être les communistes. Le juif reste par contre la priorité des priorités mais comme il y a des juifs chez les Francs-maçons, cela justifie à plus forte raison de démonter le complot judéo-maçonnique qui vaut à la France ce qu’elle est devenue. La police de Vichy est particulièrement active et comme pour la chasse aux juifs, elle est un bon supplétif de la Gestapo. Les archives de Nuremberg attestent que le IIIe Reich obtenait constamment et jusqu’en 1945 des informations de sources françaises visant à éradiquer les Maçons.
Lors des grands procès d’après guerre, la Franc-maçonnerie compte ses victimes : 170 000 suspects recensés, plus de 60 000 Francs-maçons fichés, 6000 Maçons inquiétés, 989 déportés, 540 fusillés ou morts en déportation. Ce n’est qu’en 1960 que la Franc-maçonnerie française sortira de sa torpeur, sa vision de la tolérance et de l’amour était intolérable à Hitler et tous les collaborateurs français. Ces Vichyssois qui verront le vent tourner et qui le jour venu applaudiront de Gaulle comme ils avaient levé avec enthousiasme le bras devant l’emblème nazi. Ces Français devenus des instruments du combat anticommuniste et qui utilisent les communistes pour mener à bien leur lutte. Leurs ennemis d’avant, durant la guerre et après guerre sont restés les mêmes, Franc-maçons compris. Et le meilleur moyen de surveiller, de se protéger de tout soupçon de non tolérance, de détruire de l’intérieur lorsque le moment se fera sentir, c’est noyauter la Franc-maçonnerie. On en revient au jeu de la manipulation, spécialité de la mafia, qui vise la Franc-maçonnerie par une intégration discrète afin de tenter d’en faire un agent français fort de 120 000 âmes dévouées, chiffre qui correspond aux Maçons français à jour de leur capitation en 2010. Si les trois piliers de la Maçonnerie qui animent le cheminement de chaque frère sont Force, Sagesse, Beauté, ceux de la mafia, qui accompagnent le parcours de chaque mafieux, sont Manipulation, Profit, Pouvoir. C’est là la grande différence entre les deux ordres.
Au Cambodge, pour mieux impressionner, les mafieux avancent qu’ils sont membres d’une grande et puissante obédience maçonnique française, que ce soit auprès des Cambodgiens, qu’auprès des fonctionnaires de l’ambassade de France. Une obédience maçonnique est parfois ouvertement citée pour asseoir leurs dires, sans complexe et sans scrupule. Les mafieux de la cellule Cambodge y font régulièrement référence d’où le nom, dès 1999, de leur société centrale « Triangle holding48 » qui a donné naissance à « Triangle Food », « Triangle Magazine », « Triangle Sécurité », « Khéops ». Le logo de la Holding était une pyramide et c’est à peine si « l’oeil du Grand Architecte qui voit tout » n’était pas apposé sur les murs du siège de la société, ce qui, connaissant leur activité, est une insulte pour la Franc-maçonnerie. Peut-on croire un seul instant que des Maçons cautionneraient des meurtres d’enfants, une commercialisation de cassettes où des enfants sont violés ? A moins que la communication qui en est faite par Triangle ne soit pas le fruit du hasard. Si l’affaire venait à s’ébruiter, ne serait-il pas mieux que ce soit la Franc-maçonnerie qui en porte la responsabilité et non les «sauveurs de la France», individus mal intentionnés s’il en est ? Car c’est bien l’intention recherchée au nom de l’intolérance, du totalitarisme, de l’obscurantisme, derrière le blanc se cache le noir. C’est à peine si nos mafieux ne portent pas un badge bien visible avec l’équerre et le compas49 ! Tout est fait pour attirer l’attention, qui est en vérité le but d’un tel étalage.
Si la Franc-maçonnerie française se prémunit de plus en plus des loges affairistes et que l’appartenance des nouveaux frères en tant qu’ « homme libre et de bonnes meurs » fait l’objet de vérifications sérieuses, il est plus facile de tromper la vigilance des Frères et Soeurs à l’étranger. Faux extraits de casiers judiciaires, faux parcours professionnels, etc. sont autant de procédés que la mafia n’hésite pas à employer sans crainte. A plus forte raison si une loge déjà créée demande à s’affilier à une obédience. Il est vrai qu’il suffit au départ de créer une association loi 1901 sous prétexte de travailler sur le thème de la philosophie et de se proclamer de la Maçonnerie, rien ne l’interdit au sens strict de la loi. La mafia française se moque ainsi de la Franc-maçonnerie aussi bien que d’autres associations connues et respectables, dans le seul but de s’acheter une honorabilité et d’assurer sa couverture en cas de problèmes.
Chez nos mafieux, le rituel d’entrée dans le réseau qui est pratiqué donne un sentiment du sacré dont chaque nouvelle recrue se souviendra toujours. Comme en Franc-maçonnerie lors du passage d’initiation, la promesse est solennellement faite, non de servir le Grand Architecte de l’Univers mais la « Cause », et jusqu’au milieu de la dernière décennie plus particulièrement « Triangle Holding ». Un patron de casino, d’origine corse s’est ainsi fait introniser au cours d’une brève mais «émouvante» cérémonie où le « Maître de Triangle holding » lui a fait jurer fidélité sur un … code pénal français, et lui a fait prendre l’engagement de verser à « la cause » 50 000 euros chaque mois pour oeuvrer dans l’intérêt de la France…ainsi que pour préparer l’ouverture d’un casino au Vietnam, à Saigon (Ho Chi Minh Ville). Le casino devant en toute logique servir la Cause et Triangle. La salle de cérémonie était préparée avec soin : une lumière atténuée, deux bougies allumées, un Maître habillé entièrement en noir posant des questions et demandant des réponses précises suivant un rituel préparé une heure avant, un code pénal placé sur un bureau sur lequel la nouvelle recrue a juré une fidélité sans restriction en récitant une formule d’un autre âge absolument incompréhensible. Une atmosphère de fous qui glace d’effroi, c’est à peine si le prétendant ne s’est pas coupé le doigt pour en faire couler le sang dans un réceptacle. En fin de cérémonie, le « Maître » d’un large sourire a reconnu hors présence de la nouvelle recrue, l’avoir « travaillé durant plus de six mois » pour en arriver à ce résultat, et s’être présenté auparavant comme appartenant aux services français avec un grade de colonel. Rien que ca ! Le patron du casino était, selon le Maître, « maintenant capable de tuer pour Triangle s’il le fallait ».
N’importe quel Maçon ou personne sensée prendrait ces « gesticulations » pour de la mythomanie avancée. Mais le mal est beaucoup plus profond et plutôt que de s’en amuser ou de refuser d’écouter ces sornettes, les Cambodgiens les plus instruits en sont totalement impressionnés. La mafia fait en sorte de laisser filtrer les informations de ce qui se passe dans leur prétendu réseau maçonnique afin de développer un sentiment de crainte envers eux. Tout y passe : signes de reconnaissance entre Maçons avec la main, vocabulaire spécifique employé « il pleut », « frappez et l’on vous ouvrira les portes du Temple », « sous les auspices de Triangle… ». Des phrases qui sont dites n’importe quand et à demi-mots, accolades en pleine rue devant des Cambodgiens que l’on veut impressionner, un simulacre à vomir lorsqu’on en connaît la finalité.
Dès que le besoin se fait sentir, l’appartenance à une Obédience sert à légitimer les méthodes mafieuses en présence des gens sceptiques ou qui se posent des questions sur les actions menées. La justification avancée, associée au risque de s’opposer à « une obédience puissante » en cas de revendication ou de désaccord, poussent les plus honnêtes gens à ne plus vouloir voir, entendre ou parler. Un fonctionnaire ou un cadre d’un groupe industriel ne risquera pas les avantages de son séjour hors de France, pour quelque raison que ce soit. Chacun mène son combat personnel et se mêler des affaires des autres n’est pas propice à s’épanouir, d’autant plus si l’on se met à dos tout un réseau de fraternité mafieux ou maçonnique, le non initié ne sait pas à qui il a à faire. La Fraternité ! A ce niveau les mafieux savent en abuser et le rappeler aux Frères et Soeurs, à plus forte raison s’ils ont réussi à rentrer dans une Loge. La fraternité a bon dos, aux vrais Maçons qui n’entrevoient pas exactement l’attitude mafieuse de leur Frère ou prétendu Frère, qui en fait est à l’opposé d’eux, la fraternité et le serment qu’ils ont fait de « se porter au secours des Frères en danger » vient à point nommé. Trop confiants, les Maçons en ont leur faculté de discernement faussée, abusés alors qu’ils recherchent la lumière, ils peuvent être aveuglés par les facultés de manipulation déployées.
Le pouvoir de la mafia de faire croire ou ne pas faire croire que le noir est le blanc, et inversement, explique qu’ils arrivent à berner avec aisance les esprits les plus brillants. Le pavé mosaïque situé au centre d’une Loge en est la représentation maçonnique. Le pavé est constitué de carrés blancs et noirs en damier, il symbolise le jour et la nuit, l’esprit et la matière, les dualités non confondues, le jeu continuel de la Lumière et des ténèbres, de la vie et de la mort. Les mafieux sont les plus rusés pour basculer du carré blanc au carré noir, sans état d’âme. Ils en profitent non seulement pour asseoir leurs activités dans leur « pays d’affection », mais pour créer des contacts avec des Maçons d’autres pays. Comme les trafics sont internationaux, la supercherie vers les Maçons l’est aussi. Si le pouvoir de manipulation n’est pas suffisant, celui du chantage par une compromission forcée viendra le renforcer. Tous les outils seront utilisés pour vitaliser les tentacules de la pieuvre. La fraternité entre mafieux est par contre une réalité qu’aucun membre ne remettrait en question, tout est une question d’honneur entre eux.
La conséquence de toutes ces manoeuvres malsaines est qu’une fausse image de la Maçonnerie se véhicule à partir de ces jeux et des manipulations grotesques provenant de Maçons qui n’en sont pas. Lorsque le policier qui enquêtait sur le réseau de cassettes pédophiles a été muté hors du Cambodge, la rumeur s’est très rapidement répandue qu’une Obédience était intervenue, que des Maçons en étaient les commanditaires et qu’ils étaient proches du satanisme. Tout ceci fait bien l’affaire de la mafia qui sait jouer avec les uns et les autres. Dans un pays qui n’a jamais entendu parler de l’existence d’un Ordre, d’une Obédience et qui a vécu des années de terreur, il ne sert à rien d’essayer de communiquer pour rétablir la vérité, la rumeur est celle qui restera gravée dans les esprits. Si la rumeur parvient en France, la mafia sera heureuse de porter atteinte à la « pieuvre maçonnique », celle qui a déjà voulu étouffer la France et qui a contribué à l’avènement de la Deuxième Guerre mondiale. Ce sont là des discours qui sont toujours d’actualité, si les Maçons cherchent à s’améliorer et à évoluer, les mafieux en sont toujours à vociférer comme les attentistes.
L’échange de messages, sur internet, le 19 décembre 2000, entre un Franco- cambodgien et son correspondant français, en dit long sur l’impact de la supercherie et comment la Franc-maçonnerie est perçue au Cambodge : « …C’est au sujet des personnes de Triangle et du journal Principal. Je n’ai rien contre eux mais je suis Français d’origine cambodgienne et je me déplace souvent en France. J’ai quelques fois travaillé pour eux car ils ont confiance en moi. Il faut bien réfléchir sur le symbole de Triangle et aussi de Khéops, une de leurs filiales. Ce sont des formes importantes car cela appartient à des choses très secrètes et très anciennes, on en parle souvent en France et c’est mondial. On ne peut pas contrer cette puissance. Quand on comprend ça, on comprend tout… Il y a quelqu’un de très important pour eux qui est d’origine corse. C’est le grand chef de l’organisation et il a eu des problèmes. On parle de lui dans les journaux…il y a une banque italienne, place Daumesnil, à Paris, où j’avais été pour retirer de l’argent pour eux car Triangle a un compte là-bas, avec beaucoup d’argent, et il le ramène au Cambodge. »
La Franc-maçonnerie française est victime de la mafia française, mais il ne faut pas oublier que la Franc-maçonnerie est universelle. C’est donc près de 4 millions de personnes de par le monde qui sont à compter parmi les victimes des agissements de quelques mafieux français qui manipulent à tours de bras et qui, pour la très grande majorité, simulent d’être des gens « libres et de bonnes moeurs ». Ils n’hésitent pas, avec une certaine délectation, à entretenir le fantasme d’une imaginaire force occulte en mesure de terrasser ses ennemis. En France, ce discours pourrait faire sourire mais au Cambodge, comme dans nos anciennes colonies africaines, il fait toujours peur.

LES TRAFICS ET MANOEUVRES
Les trafics sont ceux qui ont toujours existés à partir de l’Indochine française du temps de notre Empire Colonial et qui trouvaient en partie leur aboutissement sur le territoire des Afars et des Issas. Ils ne font que perdurer, c’est pourquoi la mafia effectue des mouvements de personnels entre les deux pays. Nombres d’ouvrages citent les trafics de drogues provenant des champs de pavots des hauts plateaux vietnamiens, les minorités ethniques d’où venait la drogue et qui étaient fidèles à la France en paient d’ailleurs le prix fort depuis 1954. Plus proche, le trafic actuel, dans sa version moderne, provient directement de la French Connection aussi connue sous le nom de Corsican Connection, car la majeure partie de ses dirigeants étaient Corses, ce qui est d’ailleurs toujours le cas concernant la cellule Cambodge. Cela ne veut pas dire non plus que le réseau mafieux est corse, les Corses en sont aussi les victimes. Le fonds de commerce des trafics perpétrés du temps de l’Indochine s’est donc transmis.
Pour la mafia, le trafic de drogue et de faux euros est un moyen comme un autre de gagner de l’argent et accessoirement de combattre le communisme en France. Le trafic de drogue est associé depuis peu avec celui des faux euros. Suivant des informations provenant du Cambodge, les faux euros arrivent en même temps qu’une partie de la drogue par des vols réguliers et transportés par des prostituées cambodgiennes. La mafia leur offre ce voyage en France contre un travail d’hôtesse de trois mois qui est celui de la durée d’un visa touristique. En 2007, la direction de la Police judiciaire a directement été avertie par l’informateur européen résidant au Cambodge. Mais l’opération de flagrant délit projetée n’a pu aboutir pour une raison inconnue, la mafia semblant être bien informée dans tous les milieux, au Cambodge comme en France.
Arrivée sur le territoire national, la drogue est dirigée en priorité vers les municipalités communistes ou à forte population immigrée. Cela n’est pas le fait du hasard, toutes les conditions sont réunies pour écouler facilement les produits. Mais pour la mafia, outre l’argent qu’il faut ensuite blanchir, d’où les allées et venues entre la France et le Cambodge, l’intérêt est de tuer à petit feu le communisme, ou les mouvements de gauche de l’intérieur, en utilisant un territoire et des gens qui sont identifiés comme étant l’adversaire à saborder. Le processus est bien pensé : laisser se regrouper des populations défavorisées et perdues politiquement, et provoquer leur inhibition latente. Quoi de plus naturel que de permettre à une population de se détruire lorsqu’elle idéologiquement opposée à la cause ! La mafia raisonne comme une armée le fait en temps de guerre, tous les moyens sont bons pour réduire le potentiel ennemi. Durant la guerre 1914-1918, les armées tentaient de se neutraliser mutuellement en dispersant des virus qui se propageaient parmi les troupeaux et les hommes. Durant la guerre froide, l’URSS avait mis au point des plans d’agression des pays de l’Ouest en utilisant des produits biologiques pour atteindre les populations. La drogue est utilisée au même titre que des produits biologiques pour les mêmes objectifs qu’en temps de guerre, et en plus elle permet de gagner de l’argent. A partir de Triangle, la drogue est envoyée non seulement en Europe mais aussi vers Djibouti, vers le centre de traitement situé dans la zone franche du port de la ville. On comprend alors les relations étroites entre certains Français de ce pays de la Corne de l’Afrique et l’Asie du Sud-est, au Vietnam et au Cambodge. De Phnom Penh, Triangle dirigeait effectivement les affaires développées au Cambodge mais aussi au Vietnam et se déplaçait dans la région du Delta pour aller à Chân Dôc, ville commerciale sur le chemin du Cambodge, située à 250 km d’Hô-Chi-Minh-Ville, où elle disposait d’une « annexe commerciale ».
Plus classiques, les trafics d’armes provenant d’Asie du Sud-est sont une source de revenu non négligeable de la mafia. Triangle s’approvisionne discrètement en armes individuelles, lesquelles disparaissent tout aussi discrètement dans des containers maritimes. La question a été abordée lors d’une enquête des services de police français mais cette activité était si bien protégée qu’aucun élément probant n’a permis de mettre au jour l’ensemble du trafic. Faire une enquête de France sans pour autant se déplacer sur les lieux, qui plus est dans un pays souverain d’où aucune plainte n’émerge, est de toute façon vouée à l’échec. Pourtant, en faisant preuve de bon sens, il y a des faits qui ne peuvent qu’interpeler. On ne peut alors que s’étonner de savoir que des containers maritimes sont partis sous couvert de l’ONU en 1993 du Cambodge pour une destination tout aussi inconnue, alors que l’armée française a déclaré 60% des armes retirées aux différentes factions détruites50 (Armée régulière et Khmers rouges). Les stocks d’armes, dont des pièces d’artillerie, étaient gardés par les détachements français qui avaient pris position dans un secteur compris entre Phnom Penh, Kaoh Kong et Kampot. A Kaoh Kong, ville frontalière avec la Thaïlande, le détachement composé d’une quarantaine d’hommes était installé dans le « fort de la ville » qui était en réalité un casino à un étage dont la construction n’avait jamais été achevée. Surplombant la ville, la position était aménagée en place forte. Au niveau moins 1, sur une superficie équivalent à la totalité de la surface au sol du bâtiment, étaient stockées des milliers d’armes légères entassées les unes sur les autres sur une hauteur d’au moins un mètre cinquante. C’était la quantité d’armes gardées par les détachements du troisième et dernier bataillon de la mission ONU au Cambodge. Douze mois auparavant, le premier bataillon a bien détruit des lots d’armes, mais s’agissait-il d’une destruction massive ? Le ministre de la Défense d’alors, François Léotard, en inspectant les positions françaises de l’Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge, n’a jamais cherché et certainement en toute bonne foi, comment s’était effectuée la destruction de ces milliers d’armes qui aurait pu, au bas mot, équiper la Division parachutiste française forte à l’époque de 16 000 hommes. En avait-il été informé au moins ? La mafia a de toute façon les capacités de manipulation nécessaires pour tromper un ministre, aussi éclairé soit-il. Nous sommes
alors en novembre 1993.
Peu après le départ des casques bleus, vient l’affaire des occidentaux pris en otages puis tués par les Khmers rouges en 1994. Cette année là, les Khmers rouges sont encore actifs et tiennent fermement des positions entre la capitale et Sihanoukville ainsi que dans la région de Païlin où Pol Pot s’est installé. Les Khmers rouges sont de très bons combattants, rusés et connaissant bien le terrain d’où l’armée régulière a du mal à les déloger. Le jour d’une attaque de train passant dans leur zone, les Khmers rouges font prisonniers trois occidentaux. Ces derniers avaient déjà testé la prise d’otages, un an auparavant, en retenant des casques bleus français qu’ils ont plus tard libérés contre rançon. En aucun cas ils n’ont eut l’intention de tuer ; en 1994, les Khmers rouges ne sont plus des tortionnaires, des fous sanguinaires, ils sont sur la fin et souffrent de leur exclusion. Cette prise d’otages est donc simple et n’aurait jamais dû en arriver à l’exécution de ces trois jeunes, massacrés à coups de crosse de fusil. Un journal commentait l’affaire de la façon suivante : « Les conditions de la mort de l’Australien David Wilson, du Britannique Mark Slater et du Français Jean Michel Braquet restent mystérieuses. » La remise de rançon aurait été perturbée par des militaires de l’armée régulière qui voulait l’intercepter, Pol Pot aurait en personne donné des consignes pour faire monter les enchères. Le Sénat français demande au ministre des Affaires Etrangères comment M. Nuon Paet – ravisseur de M. Braquet – a pu quitter le territoire alors que 4000 hommes de l’armée régulière encerclaient la position Khmer rouge ; pourquoi M. Hun Sen, le co-premier ministre, a-t-il limogé le responsable des négociations au moment où celles-ci allaient précisément aboutir à la libération de
Jean-Michel Braquet et enfin pourquoi, à partir du 22 août 1994, l’armée de M. Hun Sen a-t-elle fait obstacle aux négociations et a-t-elle préféré attaquer la zone où Jean-Michel Braquet était détenu ?
La réponse du ministre français : « Nuon Paet, ex-cadre Khmer rouge et principal suspect dans l’affaire de l’assassinat de notre compatriote et de ses deux compagnons australien et britannique, a été arrêté à l’été 1998 par les autorités cambodgiennes. Une procédure judiciaire a été ouverte par le tribunal de Phnom Penh, qui a abouti au procès de Nuon Paet, le 7 juin 1999… les autorités françaises ont exprimé leur satisfaction pour la condamnation… »
En 2000, autour d’une table où jonchait une multitude de bières, Triangle relatait l’affaire comme une opération qui avait mal tourné et qui incombait en partie à l’action de Xavier d’Abzac. Selon Jean-Pierre Franchi, qui semblait bien connaître l’histoire, « le réseau » voulait uniquement renouveler le « coup du Liban » – affaire des otages Marcel Carton, Marcel Fontaine et Jean-Paul Kauffmann51 retenus par le Hezbollah en 1988- en suggérant, par le biais de plusieurs intermédiaires, aux Khmers rouges d’attaquer le train et d’en rançonner les occupants. Quelques dizaines de militaires gouvernementaux des forces royales seront à proximité pour sécuriser le secteur afin qu’ils ne soient pas dérangés. Ce sont là des arrangements tacites entre Cambodgiens rivaux lorsqu’il y a des sacs de riz et divers marchandises à se partager. Sans le savoir à l’avance, les Khmers rouges allaient tomber sur les trois occidentaux et la prise d’otage s’est faite naturellement. Bien embarrassés ou heureux de cette prise, personne ne pourrait le dire, les « Khmaey Krahom » ont bien été obligés de gérer la situation pour en tirer une rançon. De son côté, le réseau mafieux n’a pas su s’imposer assez vite pour envoyer un émissaire de l’armée royale, sous l’autorité du Prince Ranarridh, afin d’établir officiellement le contact. Le Prince, co-Premier ministre, n’a pas réagi comme il était prévu, il n’a pas pris les décisions attendues. « Tout a été fait en dépit du bon sens, de vrais amateurs » lancera Franchi. Alors que le second vice-Premier ministre, Hun Sen, semblait finalement maitriser de son côté la situation, en mettant toutes ses forces dans une négociation qui devait normalement aboutir, la mafia a tout fait pour saborder ses efforts. Il fallait à tout prix et d’urgence reprendre la main sur sa géniale manipulation et négocier directement avec les ravisseurs afin de convenir du montant de la rançon à partager. Car c’était là que voulait en venir le réseau, négocier avec les Khmers rouges une grosse somme pour s’en attribuer au moins 50 %. C’est pour faire échouer la remise de rançon en cours que plusieurs militaires tenteront de l’intercepter, telle une meute de chiens affamés qui courent derrière un os. Et puis d’Abzac sème un peu plus la pagaille, affolé par la perspective de ne pas pouvoir toucher un dollar dans cette affaire, il ira jusqu’à faire savoir au premier cercle de Pol Pot qu’il faut finalement demander plusieurs millions de dollars et qu’il peut servir de négociateur. Le Frère N°1, Pol Pot, ne réagit pas comme prévu, fait avancer des revendications politiques qui vont déconcerter le réseau et le laisser impuissant. Pendant ce temps, les officiers royalistes continuent de provoquer ceux du co-Premier ministre Hun Sen. Toute une accumulation d’erreurs, de cupidité, de rivalités entre Cambodgiens pour finalement trouver les trois jeunes morts. Le « coup du Liban » ne s’est pas renouvelé ! Les Cambodgiens seuls auraient pu sauver les otages mais c’était sans compter sur l’action menée par la mafia française. Si l’opération de sauvetage avait réussi, un responsable français aurait été mis en avant. On peut l’imaginer descendre d’avion à Paris avec les trois otages libérés et se présenter comme un sauveur des libertés ayant fait entendre raison à des barbares. Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme ça.
Il y a donc des informations qui ont été tronquées et qui ne concernent pas les Khmers rouges et les Cambodgiens en général. L’argent, sous prétexte d’idéologie, est le moteur de la mafia pour qui une prise d’otages est un moyen comme un autre de s’enrichir. Toutes les opportunités sont bonnes à saisir mais la plus classique reste celle du blanchiment d’argent, il dissimule la provenance d’argent acquis illégalement qu’il faudra ensuite faire disparaître. Le blanchiment d’argent est un moyen de financer la multinationale qui sert la cause. Dans son sillage, nous trouvons Xavier Mathevet, qui faisait des transferts d’argent vers le Lichtenstein en présence des cadres de Triangle. Une simple manipulation à partir d’un ordinateur et des sommes colossales venant d’Europe disparaissaient sur un compte discret. L’argent est pour une autre partie injecté dans de petites ONG qui sont créées pour l’occasion. De plus grosses ONG, pilotées par les gestionnaires de la mafia, sont par contre aidées par de conséquentes subventions européennes qui n’apportent en réalité que très peu au Cambodge. La mafia investit beaucoup, à partir de 2003, dans la région de Siem Reap où elle possède un grand hôtel sur le fleuve et prend une participation dans les « Artisans d’Angkor », structure qui a bénéficié de colossales subventions françaises et européennes. En 2004, son chiffre d’affaire se monte à 3 millions de dollars.
Ces méthodes ne sont néanmoins que des méthodes artisanales. Celle qui est pratiquée en priorité par la mafia provient du détournement des fonds de grands projets européens. « Une vraie vérité ou une fausse manipulation doivent cacher une seconde couche de fausse vérité ou de vraie manipulation, qui elle-même est protégée par une troisième couche », nous atteignons la troisième couche, celle des vrais trafics de la mafia dont Triangle n’est plus qu’un pion sans importance. Il existe ce que l’on appelle dans le jargon professionnel des fonds dits de « subordination », les FS, inconnus du grand public, mais qui sont en fait des reliquats de subventions spécifiques de l’Union européenne non utilisés et devant être soit reversés aux pays d’origine, soit réattribués sans procédure initiale d’imputation. Comme ses fonds ont déjà officiellement et comptablement été attribués, un tour de passe-passe permet, avec la complicité d’un membre ou d’un haut fonctionnaire de la Commission, de les verser à qui ont veut et comme on veut. Donc à des ONG acquises à la cause et c’est ce qui explique la présence d’anciens fonctionnaires européens qui découvrent l’action humanitaire au Cambodge et dans d’autres pays. Bien sûr, si des élus européens ou des enquêteurs demandent des précisions auprès de la Commission et de l’administration, la réponse sera que ces procédures n’existent pas et que cela relève du fantasme, un système qui possède ses propres protections naturelles. Il serait toutefois très facile de lister les ONG ayant des facilités extraordinaires à se faire financer et qui ont une dynamique hors du commun. Il y a les ONG qui ont du mal à vivre, pilotées par des gens de coeur qui ne s’accordent personnellement que le minimum pour vivre et, a contrario, celles qui affichent l’obtention de milliers d’euros sans grande difficulté. Cette répartition mal équilibrée s’explique généralement par le charisme de certains directeurs d’ONG
qui défendent mieux que les autres les valeurs d’humanisme de leur organisation au service des autres. Il est effectivement possible de le croire tant la communication est réfléchie. Et que dire de celles qui remportent des prix d’une valeur d’un million d’euros ? Qu’à Marseille, le champagne doit couler à flot. On comprend pourquoi les histoires de pédophiles et les autres « petits » trafics sont pour la mafia française des leurres protecteurs. La mafia a même plutôt intérêt qu’un maximum d’enfants soient abusés sexuellement pour détourner l’attention.
Ces détournements qui concernent des millions d’euros ont été dénoncés. Dans le cadre d’une enquête préliminaire demandée par le procureur de Clermont-Ferrand, un témoignage devant un officier de Police judiciaire cite clairement ces détournements, mais aucune suite n’y a été donnée. Cela dépasse effectivement la justice française. La mafia sait par ailleurs se montrer généreuse avec des politiques français en partageant son trésor de guerre, cela lui octroie une protection supplémentaire. Il faut dire que le sujet est si sensible que la mafia n’hésiterait pas à éliminer celui qui oserait l’aborder. Lorsqu’on comprend son pouvoir de manipulation et de nuisance, il est concevable d’envisager que des fonctionnaires français et européens en ont été les victimes. Comment expliquer alors, ne serait-ce qu’au niveau des pouvoirs publics français, que rien n’ait été fait pour au moins limiter les conséquences des agissements de cette mafia.
Le samedi 25 janvier 2003, un Français dénonce les « activités de base » de Triangle en envoyant sur l’adresse internet du Premier ministre un message très explicatif, citant la possible compromission de fonctionnaires français visant à couvrir les activités de la mafia. Le 28 janvier suivant, la chef du Services des Interventions pour le Premier ministre, madame Nicole Martin, répond à ce message en écrivant qu’elle a transmis les informations directement à monsieur Dominique de Villepin. Depuis, plus aucune nouvelle. Le témoin qui croyait de bonne foi que son intervention serait suivie d’effets, s’est depuis fait à plusieurs reprises menacé de mort par téléphone.

L’ARCHITECTURE DE L’ORGANISATION
Triangle, puis Solaris Cambodge et ACH, a donné naissance au cours de ces dix dernières années à un nombre impressionnant d’ONG au Cambodge comme dans d’autres pays. Comme dans une multinationale, lorsqu’une ONG a des difficultés de trésorerie, les autres ONG de la famille viennent à son aide. C’est donc un ensemble cohérent et soudé, avec des sous-ensembles qui ne peuvent que prospérer grâce aux subventions internationales, au blanchiment d’argent, au trafic de drogue provenant principalement du Laos et, bien entendu, aux dons de particuliers parrainant des enfants. La structure a pris pour référence l’organisation des réseaux anticommunistes qui devaient pouvoir continuer de fonctionner en cas d’attaque, le bateau pouvant prendre l’eau mais pas couler. Cette structure est par ailleurs compartimentée et cloisonnée, de telle sorte que les différents membres de la mafia ne se connaissent pas obligatoirement entre eux.
Solaris Cambodge est devenue une entreprise de marketing et de communication mais pour la plupart des gens, c’est resté une ONG. Cela lui permet de percevoir des fonds des institutions et d’en faire ce qu’elle veut, tout en fonctionnant comme une entreprise ne payant aucun impôt. L’organisation hiérarchique de la mafia est identique quel que soit le pays où elle s’est constituée en cellule, reprenant ainsi l’organisation «légitime» de la guerre froide. Elle se veut en outre pyramidale, « elle se veut » uniquement car dans la réalité, l’intérêt personnel prévalant souvent sur l’intérêt collectif, l’autorité n’est pas toujours respectée. C’est à ce niveau que l’on peut comprendre que l’Etat français n’en est pas le maître et que la maffia échappe à son contrôle. Le ciment est celui de l’argent, du goût des affaires, de l’impérieuse nécessité d’exister et de servir le pays, même si cela doit se faire au détriment des Français. Elle fonctionne comme une multinationale, avec des cadres supérieurs, des cadres et des employés plus ou moins disciplinés. La comparaison pourrait tout aussi bien être celle d’une armée avec ses officiers supérieurs, ses officiers subalternes et ses soldats. Les dirigeants sont ceux qui ont acquis leur expérience des méthodes à employer au sein même des institutions françaises et qui se prévalent de leur grade. Ils n’hésitent pas à employer des métaphores qui permettent de penser qu’ils sont des anciens des services français C’est du moins l’image qu’ils veulent donner, peut-être au même titre que les faux Maçons qui copient vulgairement les us et coutumes des Obédiences.
Les membres des cellules sont tenus de suivre un règlement intérieur et des objectifs financiers comme dans toute entreprise. Les ordres donnés ne se discutent pas et l’obéissance est aveugle, la manipulation de la mafia envers ses membres prend là toute son importance. Comme dans toute organisation, l’obéissance suppose la croyance en la légitimité de l’ordre donné, que ce soit par adhésion idéologique ou par contrainte. L’emprise de la mafia s’exerce par l’association du traditionnel (le respect des valeurs, des traditions, de la religion), du charisme (importance de chacun au sein du dispositif, confiance donnée, combat héroïque, esprit de sacrifice ou de dévouement), enfin du légal et du moral (loi propre à la mafia, la fin qui justifie les moyens pour la sauvegarde de la nation, la France avant toute autre considération).
La base de la pyramide, constituée de petites mains, les soldats, sont les éléments visibles. Ils sont valorisés en permanence par leur hiérarchie mais sont prévenus qu’ils serviront de fusibles en cas de problème et seront sacrifiés sans état d’âme pour le bien de la cause. Ils ne sont généralement pas bien rémunérés mais peuvent, par des trafics personnels, tirer leur épingle du jeu. Pierot est de ce niveau, mettant en avant pour mieux se rendre respectable son ex-épouse qui est un éminent juge de Marseille, employant les « mots secrets » de la Franc-maçonnerie avec les autres membres de la cellule, montant des dossiers sur des expatriés et même sur des membres de la mafia. C’est un élément recruté pour ses entrées dans le gouvernement socialiste mais qui a posé bien des problèmes à sa hiérarchie. A partir de 2002, la droite étant revenue aux affaires, il s’est progressivement retrouvé sur la touche.
En remontant la pyramide, nous trouvons les chefs d’équipe des différents compartiments de la cellule qui ont pour charge de superviser le travail des soldats. Ils n’hésitent généralement pas à s’installer durablement dans un pays et usent de tous les stratagèmes pour se faire protéger. Jean-Pierre Franchi, dans la seule perspective d’être protégé au Cambodge et de vivre des jours heureux sans être inquiété, s’est marié avec une Cambodgienne richissime, madame Khun, directrice d’une chaîne de télévision. Par la même occasion, cela lui permet d’influencer les médias cambodgiens. Comme la majorité des membres de la mafia résidant dans un pays, beaucoup n’ont plus la possibilité de revenir en France à cause des avis de recherches les concernant. L’administration française ne cherche d’ailleurs pas à les interpeler, on peut y deviner les anciennes pratiques des années 44/45 qui ont permis, sous couvert de lutte anticommuniste, de blanchir des collaborateurs et des nazis, où celles du SAC qui employait des repris de justice en leur attribuant des cartes de police. Faits concordants, les convictions politiques de notre mafia sont très proches de celles véhiculées à l’époque de l’occupation allemande. Bien plus virulentes que celles diffusées actuellement par le Front National dont Le Pen est, selon eux, un doux rêveur.
Les chefs d’équipe gèrent les « volants » qui sont à distinguer en deux familles : les volants et les volants commerciaux. Les premiers, Franco-cambodgiens ou Cambodgiens, sont limités à assurer des missions de blanchiment entre la France et le Cambodge pour ce qui est de ce pays. Certains volants ne vivent que grâce à ces missions et leur salaire est correct, suffisant pour bien vivre en Asie. Les seconds, européens, sont les volants commerciaux, ce sont eux qui approchent les fonctionnaires européens pour obtenir les subventions à distribuer aux ONG. Une certaine autonomie leur est accordée à condition qu’ils répartissent de façon équilibrée les subventions. Les deux types de volants peuvent être désignés pour transporter de la drogue ou d’autres produits illicites. Le salaire des « volants commerciaux » se situe à partir de 5 000 euros mensuels, pour une ou deux missions par mois, versés sur des comptes discrets par une ONG cambodgienne. Cette rémunération est la bien venue tout en considérant qu’un volant commercial peut avoir été une cible sur qui a été montée une cabale et qu’il ne peut pas faire autrement que de servir la mafia. Généralement pour brouiller les pistes des spécialistes financiers de la Police ou des services fiscaux, un volant commercial ouvre un compte associatif dans les Caraïbes, à Saint-Martin et un autre dans une banque au Liechtenstein ou à Jersey.
Au dessus de cette fourmilière qui voyage, compromet et fait chanter, un coordinateur des activités est mis en place au niveau d’un pays. En 2003, la compagnie ACH (Anglo Cambodian Holding LTD) dont le siège social est au « Capstan house St Helier – Jersey » voit arriver son nouveau coordinateur, Claude Renucci. Il en devient le coordinateur financier partageant son emploi du temps entre la France et l’Asie. Les bureaux sont installés sur le boulevard Norodom et une annexe au Hong Kong Center avec monsieur Xavier Mathevet, fils du chanteur Philipe Clay, de son vrai nom Philippe Mathevet, qui est un associé de la première heure de Triangle. Le ton de Renucci est connu pour être autoritaire et il se réfère souvent au mécanisme de manipulation qui est, selon lui, le seul qui permet de tout connaître d’un individu, son passé, son présent et de prévoir son avenir. Il connaît parfaitement tous les membres de la cellule et se donne le droit de jouer avec eux pour susciter une «certaine émulation» visant à développer le business, ou pour écarter les mauvais éléments. Il a le pouvoir de donner des récompenses comme des sanctions. Par récompense, il faut entendre la gestion d’une ONG supplémentaire, une commission plus importante sur les fonds transportés et destinés au blanchiment ou une rallonge sur la somme promise pour transporter la drogue. Il supervise les subventions décrochées par les volants commerciaux comme celle provenant des FS, c’est tout un travail de management.
Lorsque des « soldats » sont inquiétés dans une cellule et à condition qu’ils soient de bons éléments, ils peuvent être mutés dans un autre pays. C’est ainsi que l’équipe de la cellule Cambodge s’est vu renforcée d’éléments provenant de Djibouti peu après 1995. En les questionnant encore aujourd’hui, M. André Calbro, patron du restaurant Le Deauville à Phnom Penh, n’hésiterait pas à répondre que son départ précipité de Djibouti était dû à une « trop forte chaleur qui devenait insupportable », le tout dit avec un large sourire. Il faut, pour comprendre, se reporter à l’époque de l’affaire du meurtre du juge Borrel. En 2006, il déclare à un touriste français gérer, en plus de son restaurant, une boîte de nuit qui reçoit chaque nuit entre 500 et 600 personnes avec un fort pourcentage de jolies filles khmers et vietnamiennes très dociles, et une maison de prostitution qui s’appelle le Mikado. Il s’insurge en revanche contre les « autres conneries de Pierot », faisant référence à son business lié aux enfants.
Mais, pour bien fonctionner, la cellule Cambodge bénéficie de connexions en France, ce qui est une évidence. C’est aussi une fourmilière très discrète qui s’active et dont les membres sont des manipulés plutôt que des malfaiteurs. Comme toute mafia, il n’est pas possible d’en établir le nombre, les bras de la pieuvre peuvent aller très loin, trop loin pour faire une estimation du nombre et de la qualité des personnes impliquées. Un enquêteur de la Gendarmerie spécialisé dans les réseaux a eu cette réflexion au sujet des connexions de Triangle en France : « Dans ma carrière, je n’ai jamais vu de ramifications aussi importantes. Une entité est en relation avec d’autres, et cela n’en finit pas. »
En 2005, lors d’une enquête judiciaire au sujet d’un présumé réseau Franco-cambodgien, le nom de Marchiani est donné comme étant son responsable, donc au sommet de la compagnie ACH. Manipulation ? Quelle est la valeur de cette déclaration devant un officier de Police judiciaire des Affaires Criminelles de la Gendarmerie ? Noir ou blanc, et est-ce que le blanc n’est pas noir ou inversement ? Ou est-ce la simple vérité ?
Jean-Charles Marchiani, ancien préfet et qui a failli prendre la tête de la DGSE, a bien des relations politiques reconnues au Cambodge mais le réflexe veut qu’à l’évocation de son nom, on se laisserait tenter une fois de plus à faire référence à la French Connection des années 1960/70 ! La French Connection provenait d’une multitude de réseaux et d’équipes en France, principalement sur les ports de Marseille et Paris. La morphine base importée d’abord d’Indochine, ensuite de Turquie et de Syrie, était transformée en héroïne dans les laboratoires installés pour la plupart dans le sud de la France avant de prendre la direction du Canada et des Etats-Unis. Les trafiquants français étaient à cette époque les principaux fournisseurs des organisations criminelles américaines. En France, les laboratoires sont maintenant difficiles à maintenir et le trafic de drogue provenant d’Asie du Sud-est aurait plutôt intérêt de transiter par un pays moins surveillé. Un rapport de 1960 du « Federal Bureau of Narcotics’s » estimait le trafic annuel d’héroïne entre la France et les USA entre 1200 et 2300 kilos.
Lors de son démantèlement, les noms de Jean-Charles Marchiani et de Charles Pasqua sont cités par la presse anglo-saxonne. Pendant près de neuf ans, un autre personnage, Jean Venturi, avait été l’importateur et le distributeur en Amérique du Nord du pastis Ricard, statut qui lui servait de couverture pour assurer plus facilement l’importation d’héroïne provenant de Marseille, son supérieur était alors Charles Pasqua. Un témoignage de Mme Jacqueline Pilé-Hémard, réfugiée politique française aux USA, raconte que la famille Hémard, propriétaire de Pernod & Ricard, a contribué à mettre en place au Maroc des installations de transformation de la cocaïne. Cela a commencé en 1962 et a duré jusque dans les années 80. Charles Pasqua a travaillé durant dix ans à la branche export avec le Maroc pour la famille Hémard. Personne ne se risquerait à déclarer par contre que le trafic s’est réellement arrêté dans les années 80, mais uniquement que les installations fonctionnaient jusqu’à cette date.
C’est aussi l’histoire d’Étienne Leandri, intime de Charles Pasqua et proche de Jean-Charles Marchiani. Leandri était un antisémite et anticommuniste convaincu, ancien collaborateur, ancien du Service d’Action Civique (SAC), un très bon profil. C’était un spécialiste des montages parallèles, des contrats d’armement, des paradis fiscaux. Il dirigeait plusieurs sociétés dont la Société française d’exportation du ministère de l’Intérieur (SOFREMI). Jusqu’à sa mort en 1995, c’était un personnage lié aux affaires d’armes et de corruption en France. Après la guerre, à partir de l’Italie, il est devenu trafiquant de cigarettes, de fausse monnaie et de drogue en liaison avec la filière corse du trafic d’opium. Ami de Jo Renucci et d’Antoine Guérini, il se lie aussi au chef mafieux Lucky Luciano. En 1955, il obtient son annulation de sa peine de vingt ans de travaux forcés pour collaboration pendant la guerre, grâce à son anticommunisme. Un attentiste de plus non inquiété qui pourra nager en eaux troubles avec toutes les protections souhaitées.
Beaucoup de similitudes avec l’environnement de Triangle Cambodge des années 2000. Le flambeau de la «Cause» et des procédés mafieux se transmettent apparemment de générations en générations. Cela prouve bien que la mafia est pérenne et qu’elle ne compte pas sur quelques élites pour étendre ses tentacules. Tout se fait naturellement, comme une armée en marche qui comble ses pertes au fur et à mesure qu’elle avance, rien ne doit l’arrêter jusqu’à la victoire finale. Mais le combat contre les communistes, même s’il est toujours d’actualité, n’est plus celui qui rapporte le plus, pour continuer à avancer en ordre contre l’ennemi, un nouveau front s’est ouvert, celui de l’Occident contre l’Orient.

LE NOUVEAU COMBAT CONTRE L’ISLAM
Après une période de flottement et d’interrogations qui ont suivi la chute du mur de Berlin et l’éclatement de l’Empire Soviétique, la mafia légitime n’avait plus de raison d’être. Après avoir été pendant quarante ans au coeur de la guerre froide, tous les services de renseignement et les barbouzes ont été dépassés par la marche de l’Histoire et impuissants à l’arrêter. Les hommes de l’ombre des deux bords ont été pris de court, l’enchaînement des événements a été si rapide qu’il rendait obsolète toute information. Les espions de tous bords ont découvert qu’il n’y avait plus de cibles à espionner et à manipuler, l’ennemi d’hier devenu un partenaire, cela signifiait que le monde semblait s’orienter vers une aire de paix. Il n’y avait plus pour les défenseurs du monde libre qu’à attendre la démobilisation ou mourir d’ennui à petit feu. Ce qui signifiait aussi de ne plus profiter des avantages liés au combat et des fonds qui y étaient attribués.
Pour survivre en reprenant le dispositif mis en place dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les ex-serviteurs du monde libre ne pouvaient plus valoriser la continuité de leur existence qu’à la condition de fournir des renseignements d’une acuité exceptionnelle, touchant les intérêts vitaux de la nation, menacés par des ennemis nouvellement arrivés sur le marché. Ces ennemis à la religion intolérante qui menacent le monde, plus dangereusement encore par le passé que les communistes, sont perçus comme une infection risquant de gangréner les pays du monde libre, la France en particulier, peut-être même la France en priorité car insidieusement infiltrée. Personne ne s’est aperçu de rien mais, une fois le bloc communiste disloqué, le vrai visage de ce mal s’est heureusement révélé. La veille garde peut se réarmer et se préparer à sauver une nouvelle fois la France ! Se positionner dès lors comme une véritable agence privée de renseignement au profit des Etats hébergeurs et de la France lui a donné un regain de vitalité.
Lorsque les informations ne sont pas dignes d’intérêt, les soldats n’hésitent pas à en créer de toutes pièces. L’escroquerie a vu le jour au début des années 2000 et les comptes-rendus effectués à partir du Cambodge sur des « musulmans pouvant mettre en péril la France » pouvaient effectivement intéresser la DST. De la cellule Cambodge, un rapport de 1999 cite des missions de renseignement et d’investigation liées à « l’activisme Islamiste naissant ». Deux cibles sont dans le collimateur de Triangle, qui enverra des rapports réguliers en France et auprès d’autorités politiques du parti royaliste : les Chams et les étrangers musulmans de passage à Phnom Penh.
Les Chams sont arrivés au Cambodge par vagues successives aux 15e et 16e siècles. Sous le régime khmer rouge, près de 90 000 Chams sur les 250 000 recensés avant 1975 disparaissent, 85% des mosquées sont rasées et les Khmers rouges les forcent à manger du porc, transformant les mosquées restantes en porcheries. En 1993, les casques bleus français aidaient les villages Cham qui étaient les plus misérables du Cambodge, ces villages étaient installés dans les zones infestées par le paludisme, sans aucune hygiène et avec un taux de mortalité très élevé parmi les nouveaux nés. Les rapports de Triangle sur les Chams attestent de préparation d’actions violentes sous prétexte de vengeance. Lorsqu’on connaît les Chams, ces accusations sont stupides et forcément mensongères. Quoi qu’il en soit, les autorités cambodgiennes, pour des raisons qui ne regardent qu’elles-mêmes, ont fermé en 2003 l’école Islamique Om-al-Qora et arrêté son directeur égyptien ainsi que deux professeurs musulmans thaïlandais soupçonnés de complicité avec Al-Qaïda. Ces mesures ont fini de jeter le trouble sur cette communauté, nouvelle victime de l’amalgame entre Islam et terrorisme. Cela jette aussi le trouble sur l’impact possible des accusations portées par Triangle contre cette communauté.
Les étrangers sont par contre des cibles qui ont permis à Triangle d’intéresser les services occidentaux. Pour mener à bien les investigations sur des présumés terroristes, Triangle cherchera à obtenir des subventions de la part de services officiels. Les mafieux ont employé, ou plutôt compromis, un étranger, Kat, pour l’utiliser en mission d’infiltration chez les cibles. Après quatre jours pour approcher les clients et les employés de l’Istanbul Turkish Restaurant, au 315 Sisowath de Phnon Penh, les conclusions de son premier rapport à Triangle, et de Triangle aux services, laisse entendre qu’il pourrait y avoir quelque chose à creuser. Le prétexte d’une source supplémentaire de financement est ainsi tout trouvé pour Triangle, une partie des fonds alloués aux ONG par le système des subventions pourrait servir à la mise en place de dispositifs de surveillance d’individus suspects, un bon moyen d’encourager discrètement l’attribution des dites subventions…
Les recommandations de Kat, datées du 30 août 1999, sont les suivantes : « Je suis en position, en tant qu’arabe et musulman, de gagner leur confiance et si activités illégales il y a, je pourrai fournir des informations quant aux endroits et moments où elles se produiront….j’ai besoin de temps pour avoir accès aux autres activités de ce groupe de personnes. Il ne fait aucun doute que ce groupe a des fonds d’opérations pour le restaurant d’une provenance autre que du chiffre d’affaire. Il m’apparait que les clients sont plutôt rares et des questions demeurent : D’où proviennent leurs fonds d’opérations ? Qui sont ces hommes mystérieux qui viennent au 1e étage ? Est-ce que cet établissement est en fait une couverture pour d’autres activités ? Toutes ces questions pourraient obtenir une réponse, avec du temps et une surveillance continue. Aussi, en tant qu’agent travaillant pour vous, j’aurais besoin de ressources supplémentaires. Vous avez la chance de m’avoir comme informateur dans ce groupe et mon rôle dans cette affaire pourrait atteindre son apogée. Ils peuvent très bien planifier la fin du monde ou simplement préparer une partie de cartes …trop de questions demeurent et il n’existe pas assez de preuves concrètes… » Ce premier rapport est une intrusion dans la vie privée de personnes qui vont petit à petit devenir des terroristes en puissance. Même s’il n’indique rien de particulier, il prouve que des investigations précises sur des personnes, menées par Triangle, par «l’agence de renseignement» Triangle, sont possibles au Cambodge.
Le deuxième rapport date du 23 septembre. Il est plus précis et les soupçons de l’agent se précisent. « …J’ai rencontré trois individus…je n’ai rien remarqué d’anormal chez eux si ce n’est qu’ils étaient musulmans et originaire d’Ouzbékistan. La carte de visite de l’un deux se lit comme suit : Chi Cha Hôtel. M. Nurul directeur gérant au 27 rue 110, quartier Wat Phnom. Le 14 septembre, une photo d’un certain Guring m’a été montrée. C’est l’individu que j’avais rencontré au bar Lidee Khmer le 10 septembre…les informations acquises sont pertinentes et présentent un intérêt : Guring cherche à aller en France. Il a également essayé d’entrer dans d’autres pays d’Europe, en Allemagne et en Belgique. Il a quitté sa résidence au Pakistan à cause d’un problème de religion. C’est un musulman sunnite….j’ai tenté de connaître les relations qu’il pouvait avoir avec le groupe du restaurant Istanbul. Le groupe de l’Istanbul est musulman hanifi, une secte ou sous-groupe de l’Islam chiite. L’hôtel Chi Cha est un petit établissement où semblent être logés des hommes des régions situées près des états islamiques du Pakistan et d’Afghanistan. Le 17 septembre, j’ai rencontré Guring accompagné de deux hommes, Yusif et Yunan, originaires du Pakistan. Guring m’a dit qu’il était intéressé par l’achat d’un passeport. Je lui ai suggéré d’acheter mon passeport canadien. Je vais poursuivre ma relation avec lui. J’attends vos ordres. »
Les noms cités et transmis de la sorte par Triangle vont intéresser un «client» qui versera une somme d’argent pour en savoir plus. En fonction de ce que recherche le client, Triangle montera un dossier pour le satisfaire, au besoin en inventant des informations pour obtenir des subventions supplémentaires. Guring n’était peut être qu’un simple Pakistanais voulant rejoindre un pays européen pour y travailler. Et il est devenu un terroriste potentiel préparant un carnage en France parce que c’était l’intérêt de Triangle de le faire croire. Une machination visant à broyer des musulmans pour satisfaire la paranoïa des services et leur permettre d’obtenir des résultats justifiant leur emploi. Les attentats du 11 septembre 2001 à New York ont, à ce titre, constitué une opportunité inouïe validant les escroqueries en cours et celles à venir.
En réalité, les pseudo-agents de renseignement de la mafia et les services officiels français, mais aussi étrangers, y ont trouvé respectivement leur compte. La mafia a par la même occasion pu régler quelques comptes personnels «tous azimuts» pour être plus libre de ses actions. La délation lui a permis d’écarter les gêneurs et de faire place nette pour ses activités criminelles. Plus encore, la mafia a pu tisser des relations avec des ONG et des services américains afin d’en tirer un profit financier et, bien entendu, antiaméricanisme oblige, mieux tenter de les saborder ou de les contrôler de l’intérieur dans une sorte de double jeu. Les motivations de Triangle étaient claires en ce sens et même les ex-communistes ou communistes manipulés par la mafia y trouvaient leur compte. Il y a là un consensus que la mafia n’hésitera pas à exploiter mais qui a ses limites en France, hors du contexte «terroriste». Elle se dispensera d’avouer la destination de la drogue et les raisons pour lesquelles les points de ventes et de distribution ne changent pas ou si peu depuis des dizaines d’années. Pourquoi, enfin, cette criminalité continue-t-elle de progresser bien que de nombreuses municipalités ne ménagent pas leurs efforts pour la combattre ? En fait, les méthodes liées au trafic de drogue dans le cadre de la lutte anticommuniste se sont trouvées confortées car les municipalités communistes, bien qu’ayant progressivement laissé la place aux socialistes, sont celles qui doivent gérer une forte population immigrée et par conséquent de confession musulmane. La mafia fait ainsi « d’une pierre deux coups », continuer à matraquer les villes de gauche qui pourraient revenir, on ne sait jamais, aux communistes et par la même occasion tenter de neutraliser la population musulmane par la consommation de drogue. Et si cela s’avère problématique, il est toujours possible de monter entre elles les différentes populations immigrées, la haine du communisme doit se métamorphoser en une haine de l’Islam, la devise étant en l’occurrence « diviser pour mieux régner ». A l’heure des grands combats, l’unité de la France est anecdotique pour la mafia, aucunement soumise à l’Etat français, et qui a tout intérêt à faciliter le chaos en France pour mieux s’imposer aux Français. La communauté musulmane n’est que sa cible et le moyen d’arriver à ses fins. Le combat engagé pour la «survie» de la France a donc de l’avenir, son architecture ne peut que s’étoffer au même rythme que la menace s’intensifie et si besoin, la menace sera surévaluée.

ORGANISATION CRIMINELLE OU REELLE MAFIA ?
La question qui pourrait se poser est si cette mafia en est réellement une ou si ce n’est qu’une organisation criminelle sophistiquée. La définition de la mafia qui a été citée auparavant ne suffit peut-être pas à convaincre. L’organisation française est de type vertical, centralisée, avec une discipline stricte, militaire, homogène et stable, c’est une armée en perpétuelle construction. A ce titre, elle ressemble à la mafia italienne de par sa structure, Cosa Nostra est en la plus proche. Huit autres critères52 doivent être réunis pour avancer que c’est bien une mafia et rien d’autre.
Le contrôle d’un territoire : pour le cas du Cambodge, qui n’est qu’un exemple, la mafia agit vers d’autres expatriés pour contrôler une zone qui, au début des années 2000, se limitait à Phnom Penh. Les manipulations visent à neutraliser les personnes influentes qui ne sont pas rattachées à elle, chaque incident, information, fait ou geste sont exploités pour renforcer la puissance de l’organisation. Le facteur historique, bien avant la lutte contre le bolchévisme, qui permet le contrôle de ce territoire est la Deuxième Guerre mondiale. La lutte anticommuniste originelle est maintenant confondue avec la lutte contre le monde musulman. La maîtrise du territoire permet de faire concurrence aux autorités locales et défie les autorités françaises. Les secteurs économiques sont sous contrôle par la mise en place d’associations par lesquelles les nouveaux investisseurs ont une quasi obligation de passer. Le secteur social est complètement noyauté par le nombre important d’ONG appartenant à la mafia. Bien plus que le territoire proprement dit, le contrôle s’effectue en dehors des frontières, en France, par la manipulation de fonctionnaires.
La capacité d’ordre et de domination : le partage du pouvoir n’existe pas sauf s’il permet de se maintenir, c’est le cas avec l’Etat français et les pays hébergeurs. La mafia met en place un ordre juridique parallèle, une loi qui s’impose aussi bien aux malfaiteurs qu’aux personnes honnêtes, l’ordre établi est concurrent de celui de l’Etat. Il s’en suit un rapport de force qui n’est jamais au désavantage de la mafia qui sait mesurer ses prétentions. Vers ses clients, qu’elle sait protéger, assister à partir du moment où c’est dans son intérêt, elle n’utilise que rarement la violence gratuite mais sait punir. Son idéologie d’une France propre nettoyée des ses parasites correspond à un besoin d’une partie de la population à qui elle s’identifie. Ne se limitant pas à dominer ceux qui ne sont pas conscients des risques qui les menacent, elle vise aussi ceux qui détiennent le pouvoir et l’argent.
La hiérarchie et l’obéissance : comme dans l’armée ou la police, la mafia aime que l’on respecte la hiérarchie. Les subordonnés sont naturellement moins compétents que leurs supérieurs à qui ils doivent une obéissance aveugle. A plus forte raison que les cloisonnements et compartimentages instaurés ne permettent pas aux membres de l’organisation de connaître toutes les informations utiles à la compréhension d’un projet. L’organisation a donc ses règles, sa justice, son idéologie, les règles suivent les grandes lignes de l’idéologie et désobéir revient à désavouer l’idéologie. Comme le slogan « les Français d’abord », l’organisation s’occupe d’abord des siens, quel que soit le problème à régler.
L’ethnie et la famille : la famille mafieuse est d’abord une fraternité d’hommes, d’où les références à la Fraternité des Francs-maçons, et à la notion de Frère dont l’organisation s’inspire. Comme dans toute famille, les tâches sont harmonieusement réparties pour que le résultat du travail de chacun soit le plus rentable possible. Aux uns de s’occuper de la prostitution, aux autres des manipulations de journalistes, de la drogue, du blanchiment, etc. en fonction de la place occupée au sein de la famille. La sélection des membres se fait par parrainage et si un candidat souhaite intégrer la famille, il doit se libérer des attaches passées qui pourraient nuire à tous les Frères. La famille passe avant tout et lorsqu’elle est menacée, chaque membre se met à disposition de sa hiérarchie, c’est pour cela que les accusations de trafics n’ont jamais été suivies d’effets. La famille peut demander à un de ses membres de tuer, d’où le commentaire de Triangle au sujet du résultat de la manipulation du patron de casino : « Maintenant il serait capable de tuer pour Triangle s’il le fallait. »
La poly-criminalité : qui est indispensable pour renforcer la cohésion de l’organisation. La diversification des activités est un facteur de stabilité qui permet de garder le cap des prévisions financières. Toujours le principe du bateau qui navigue vers son port alors qu’il prend l’eau. L’organisation ne se limite donc pas à une seule spécialité criminelle, tout est bon à prendre, même la réalisation de cassettes pédophiles avec meurtres. Aucune possibilité de revenus ne doit être exclue et toutes les bonnes idées sont à prendre. La mort du docteur Rio, qui s’occupait d’adoption d’enfants ne cacherait-elle pas un trafic ou un projet de trafic de la cellule Cambodge ? Rien n’est moins sûr. Quoi qu’il en soit, l’exploitation des êtres humains, notamment la prostitution, est l’activité de base au Cambodge. On fait ce que l’on veut d’une prostituée ou d’un enfant, compromettre ou directement en tirer un profit financier. Les activités criminelles de base servent en même temps de diversion pour protéger les activités criminelles supérieures.
Les mythes et les légendes : elles portent l’imaginaire des mafieux. Une mafia s’invente un passé glorieux de patriotisme, de résistance à l’oppression et de pratiques chevaleresques. A ce niveau, il n’y a aucun doute que ce passé fait partie intégrante de la vie de chaque membre, c’est la raison qui justifie les moyens et les actions menées. Tout est excusable à partir du moment où la nation a besoin de valeurs
nobles pour la soutenir. Le passé glorieux est celui de la collaboration avec les nouveaux maîtres de l’Europe de 1940, le patriotisme, celui de la France de Vichy, la résistance à l’oppression, celle de la lutte contre le communisme qui menaçait le monde libre et les pratiques chevaleresques parce que nos mafieux sont des grands seigneurs qui détiennent la vérité. Cette vérité qui se partage avec des élus ou qui s’impose avec une extrême «bienveillance» à ceux qui n’ont pas la chance de comprendre pourquoi et contre qui les «chevaliers» combattent. Les élus deviennent des Frères après une cérémonie d’initiation « brève mais émouvante » qui marquera à jamais l’intéressé, le nouveau Frère devient un homme d’honneur, projeté au niveau de l’élite de la nation, une position que le mafieux devra tenir au regard du reste de la famille. L’imaginaire dans lequel les mafieux vivent est toléré par une partie de la population. Lorsque les mafieux s’échangent des signes, des paroles, adoptent des attitudes pour ressembler aux Maçons, les témoins de ces marques de Fraternité en arrivent à les tolérer et finissent même par s’en accommoder. L’habitude venant, les mafieux font partie du paysage et personne, sans savoir pourquoi exactement, n’irait remettre leur présence en question.
L’ancienneté et la pérennité : a contrario d’une organisation criminelle classique. Dans le cas de la mafia, sa capacité à survivre lui permet de surmonter des périodes de crise intense, ce, dans la durée. Rien ne saurait la détruire, ni l’épuration et les procès d’après-guerre, ni la fin de l’époque coloniale avec son lot de trafics de drogues, ni la répression policière qui est de toute façon transnationale. Pour se développer et faire face à tous les aléas, elle a la faculté de s’adapter aux changements politiques en utilisant des cibles de convictions politiques différentes qu’elle manipule ou compromet. En cas de danger, elle se fond dans la société et se met en sommeil pour ressurgir le moment opportun avec la même vitalité. Elle a ainsi pu survivre au Bolchévisme et s’en nourrir pour prospérer. Au cours des prochaines années, alors que le devoir de mémoire se perd, elle pourra ainsi essayer de conditionner l’opinion publique pour propager ses thèses idéologiques. Elle a donc tendance à conditionner son environnement, Triangle était ainsi bien conscient qu’il se devait de modeler, par tous les moyens, un environnement propice à ses trafics, que ce soient les expatriés, l’ambassade de France, ou les autorités cambodgiennes.
La dimension du Secret : elle fait partie du fantasme individuel et collectif. Une mafia est par définition secrète et pour mieux brouiller les pistes cherchera à se rattacher à des associations discrètes, comme celles de la Maçonnerie Universelle, ou à des associations d’anciens des services. La règle et l’ordre régis par la hiérarchie sont les moteurs du parcours initiatique du mafieux. L’entrée dans la famille, en passant par la cérémonie que menait par exemple Triangle Cambodge, permet au mafieux d’être protégé et de devenir quasi-intouchable. Les compromissions, les chantages et les manipulations sont des outils au service de chaque membre qui sont mis en oeuvre lorsque le besoin s’en fait sentir. Ils ne sont employés pour sauver un Frère que si ce dernier garde le silence sur les moyens utilisés à son profit, c’est un pacte qui le lie aux autres mafieux. C’est toute une toile répartie dans différents pays africains et au Cambodge qui applique ce principe. Pierot n’ira jamais révéler l’organigramme de l’organisation, du moins la partie qu’il connait. Jamais madame Joly n’ira dénoncer ceux qui l’avaient menacée et qui, par la suite, lui ont fait l’honneur, tels des chevaliers, de lui accorder sa chance en l’intégrant dans leur dispositif. Le silence est le ciment du pacte mafieux, sa violation est sanctionnée par la mort et le sol cambodgien est jonché de gens tués dans des circonstances non élucidées au cours de ces dix dernières années…
Le serment rédigé par Triangle Cambodge avait de quoi faire réfléchir les imprudents : « Je veux entrer dans Triangle pour protéger ma famille et la France contre toutes les agressions intérieures et extérieures. Je jure de ne pas divulguer ce secret d’appartenance et d’obéir aux ordres qui me seront donnés. »
La démonstration de l’existence d’une mafia française pourrait s’entendre à travers les exemples vécus d’autre pays de nos anciennes colonies. Mais le simple exemple de la cellule Cambodge ne laisse aucun doute sur la réalité du phénomène et de sa dangerosité. Comme toutes les mafias, elle cherchera à s’associer avec d’autres mafias, en 2002, Jean-Pierre Franchi avait des contacts réguliers avec la mafia chinoise implantée au Cambodge, en 2008, il s’est plusieurs fois rendu en Chine.

LA MAFIA FRANÇAISE EST-ELLE INTOUCHABLE
La mafia restera toute puissante tant qu’elle arrivera à manipuler des hommes de bonne foi qui veulent servir la France. Ces manipulations seront d’autant plus aisées que le monde est en train de se diviser entre musulmans et non musulmans, comme au temps des communistes et des non communistes. A croire que l’humanité a besoin de confrontations et de guerres pour avancer. Que le risque de séparation et de confrontation soit partagé ou discuté en fonction de l’évolution géopolitique des différents pays, c’est ce que veut faire croire de toute façon la mafia française. Pour la «hiérarchie éclairée» de la mafia, nous sommes dans une période de pré-éclatement tant en France que dans le monde. Pour la mafia, tous les musulmans sont des bombes en puissance et menacent notre bien être, notre liberté, nos démocraties. Le monde libre, après s’être débarrassé de l’URSS qui a fait trembler les pays de l’Ouest durant un demi-siècle, doit se préparer au pire avec les pays d’Orient.
Si la mafia a pu se développer à partir de nos colonies, profiter de la guerre 39/45 puis prendre son plein essor durant la guerre froide, elle a encore des opportunités à saisir. Bien intégrée à la société, elle n’aura de cesse de diffuser des messages d’intolérance, manipulera pour dresser les Français les uns contre les autres et détruira des vies pour l’avenir de sa cause. Le problème reste donc entier, mais à partir du moment où l’existence de cette mafia sera reconnue par tous, cette dernière n’en sera que plus fragilisée. Elle ne pourra plus se faire aussi discrète, secrète qu’elle le voudrait bien et devra réagir en se dévoilant, à moins qu’elle ne se terre en attendant de resurgir. Le rôle de l’Etat sera déterminant pour reprendre la place qu’il lui avait laissée et il lui faudra persévérer pour la déloger des pays hébergeurs. La partie n’est pas gagnée d’avance et il est prévisible que la mafia réagisse violement et use de tous ses outils pour résister.
Il n’est bien entendu pas question d’envisager de mettre de côté ou de surveiller la grande majorité de nos fonctionnaires et dirigeants industriels, mais d’espérer de leur part un plus grand discernement dans les relations qu’ils entretiennent durant leur vie professionnelle. Même si les agents de la mafia manipulent une infime minorité de fonctionnaires en France, il ne faut pas oublier que chaque personne est un agent potentiel qui peut être limité à assurer des missions ponctuelles ou à rendre des services. Ceux qui ne prêtent pas serment au cours d’une cérémonie d’initiation, ceux qui ne sont pas compromis doivent savoir qu’ils peuvent toujours penser librement et décider d’eux- mêmes de leurs agissements ; choisir le blanc pour le blanc et s’abstenir de rechercher le noir sous prétexte de défendre une cause. Et quand bien même l’on subit un chantage, la cible doit être persuadée qu’il lui est possible de démontrer qu’elle fait l’objet d’une cabale. Pour y arriver, il faudra penser de façon identique aux mafieux et faire la démonstration du montage, ce qui n’est pas irréalisable.
Pour ceux qui se sont réellement compromis dans des affaires de trafic en croyant que la fin justifie les moyens au service d’une juste cause ou pour le bien de la France, il n’y a rien d’irréversible. Il y a toujours un moyen d’arrêter et de s’en sortir, il est inutile d’accepter de continuer à servir un état parallèle et de vivre dans le déshonneur. Vivre dans l’honneur implique de ne pas être asservi à une autorité criminelle. La liberté se défend et se gagne au besoin, tout un chacun y a droit. Les patriotes, ceux qui aiment la France, n’ont pas à se retourner vers les héritiers des attentistes ou les néo-nazis pour servir le pays. Ce serait une erreur de penser que des Français de l’ombre seraient mieux placés pour gérer les affaires du pays que des élus de la République.
Il est aussi à espérer qu’à l’avenir l’escroquerie sera comprise par des victimes qui n’hésiteront pas à témoigner de la manipulation dont elles ont fait l’objet sans s’en apercevoir, peut être durant des années. Les délits et les crimes couverts soi-disant par la raison d’Etat ne sont en fait que des moyens d’action de malfaiteurs de haut vol qui travaillent plus par intérêt personnel que par idéalisme, ou alors par idéalisme malsain qui ne peut rien apporter au bien être de chacun. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, il n’est pas encore tard pour renoncer aux pratiques de la guerre froide et se débarrasser des mafieux qui polluent les pays d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. Un signe fort de rupture est celui donné par le président Sarkozy. Que l’on soit pour ou contre sa politique ou sa personne, il n’en reste pas moins qu’il a la volonté affichée de mettre fin à la « Françafrique » et par conséquent d’éliminer la mafia qui en vit et contribue à la faire vivre. C’est cette politique africaine qui a permis à la famille mafieuse de se renforcer tout au long de la Ve République. Sa première mesure encourageante a été de mettre fin à la « cellule Afrique » de l’Elysée. Cette cellule, à ne pas confondre avec la cellule Cambodge ou celles d’autres pays, qui ne peut être qu’un «hasard» de vocabulaire, a été créé en 1960 pour veiller à la sauvegarde des intérêts de la France en Afrique. Dirigée à ses débuts par Jacques Foccart, elle coordonnait un vaste réseau d’hommes politiques, de diplomates et de fidèles à la cause. Nicolas Sarkozy a décidé que la France n’avait plus besoin de cette cellule et de ses « conseillers Afrique » mais simplement d’un conseiller diplomatique chargé de l’Afrique pour garder le contact avec les pays africains. C’est déjà un grand acte de courage que de mettre fin à cette cellule après cinquante ans de fonctionnement. Les déclarations suivantes, malgré quelques maladresses de communication, confirme la volonté du président de mettre fin aux pratiques passées.
Lors de sa tournée africaine de 2009, Nicolas Sarkozy persiste et signe en essayant de convaincre que la « Françafrique » est bien finie et qu’il souhaite établir de nouveaux liens avec l’Afrique. La France « prédatrice » – que les mafieux ont accompagnée avec zèle – doit être perçue autrement. Que beaucoup se posent des questions lorsque Nicolas Sarkozy déclare qu’il va solder la « Françafrique », c’est normal. Depuis la décolonisation, la politique française en Afrique n’a jamais servie que la France elle-même au détriment du sous-continent. Le changement de ton étonne donc et le doute est permis pour la nouvelle élite africaine, elle surprend peut-être autant que le jour où le mur de Berlin est tombé. Les déclarations du président français sont néanmoins concordantes : « Je souhaite renégocier les accords de défense liant la France à certaines anciennes colonies françaises d’Afrique », « Fin 2009, les accords de défense qui nous lient à huit pays africains auront été négociés dans une perspective radicalement nouvelle ». Selon lui, il revient désormais aux pays africains d’assurer leur sécurité. « La France conçoit son rôle d’abord comme un appui à la création de forces africaines capables d’assurer collectivement la sécurité de leur continent, dans le cadre de l’initiative de défense de l’Union africaine. » « 2010 sera une année importante pour la relation entre l’Afrique et la France : 14 anciennes colonies françaises célébreront le 50e anniversaire de leur indépendance… Ce sera donc une année dédiée à la fidélité dans l’amitié et à la solidarité. Je veux que 2010 signale aussi l’achèvement d’une rénovation profonde de nos relations avec le continent. »
2010 sera l’année de tous les dangers pour la mafia qui risque de subir le plus dur coup de son histoire, moralement du moins car ce n’est pas en une année qu’elle disparaîtra et cessera ses activités. Quelle sera par contre sa réaction face à ce président qui ne tient pas compte de sa position en Afrique et des services qu’elle a rendu à la France ? Le président Sarkozy bouleverse un ordre établi, une hiérarchie qui n’a pas l’intention de se laisser tailler en pièces. Si les pays africains s’émancipent et que les lois changent pour devenir efficaces, que vont devenir les mafieux qui font appliquer leur loi ? A chaque nouvelle déclaration de Sarkozy, la mafia voit son pré carré menacé et ses soldats risquent de déserter s’ils sentent le combat perdu. Et si la mafia n’a plus personne à commander, elle n’aura plus personne à manipuler. La France risque de se perdre alors dans les errements du président et le monde musulman risque de submerger la France. Lorsqu’on a acquis les méthodes de fonctionnement de la mafia française, cette mafia que personne jusqu’à présent ne reconnait, il serait juste de craindre qu’elle cherche en ce moment même à manipuler des cibles contre Nicolas Sarkozy pour le faire taire. Les critiques portées contre la nouvelle politique française ne tiennent pas compte de tous ces éléments, du contexte mafieux qui s’ébranle fébrilement. Sous-estimer le pouvoir de nuisance de la mafia reviendrait à sous-estimer un ennemi en temps de guerre, et par là-même risquer de provoquer la défaite.
La mafia a déjà de quoi être irritée car, sans que les Français s’en doutent, l’Etat semble avoir restreint autant qu’il le pouvait le blanchiment d’argent entre la France et le Cambodge. Preuve en sont les difficultés financières de la télévision Apsara, dont la gestion est confiée à Solaris Cambodge (dont le journaliste Daniel Lainé était le consultant). En juin 2009, les dettes de la chaîne de télévision représentaient 150 000 dollars (le salaire mensuel minimum est d’environ 50 dollars) et depuis 18 mois déjà, l’entreprise qui a toujours été en déficit, ne reçoit plus le soutien financier de sa maison mère en France. Depuis l’époque de Triangle, le déficit de cette ONG a toujours été constant et les «voyages», au minimum tous les trois mois, permettaient de ramener de l’argent frais, en liquide et dans des valises. En 2009, il y a sans aucun doute eu «coupure» du robinet déversant l’argent. Mais comme les ONG sont solidaires entre elles, Solaris Cambodge existait toujours fin 2009, avec sa dizaine de Cambodgiens qui jouent aux cartes au rez-de-chaussée de son petit immeuble de Phnom Penh, attendant de recevoir des «missions». Son directeur administratif, qui s’était retrouvé en garde à vue, a retrouvé sa place. La partie n’est donc pas gagnée et s’annonce difficile, la mafia a des racines profondes et tient à son territoire.
Nous sommes néanmoins à un tournant de la vie politique française où les victimes «bien légitimes» de ce changement de cap pourraient être les mafieux français. A moins que les mafieux ne prennent le dessus, ce qui voudrait dire que la France n’appartient plus aux honnêtes gens et que la mafia a réellement un potentiel de survie à l’épreuve de toutes les crises. Ce qui voudrait dire aussi que Nicolas Sarkozy a bien été seul à mener sa politique et qu’il n’a pas reçu de soutien le moment voulu.
Une autre évolution pouvant affecter la mafia est celle qui s’opère dans ses pays hébergeurs. Dans tous les pays de notre ancien empire colonial, une élite nationale est en train d’émerger avec des idées nouvelles et une soif de s’émanciper. Les pays ont maintenant le choix de leurs partenaires, l’exclusivité du temps de la guerre froide n’existe plus. Au Cambodge, qui est un pays au contexte particulier, le Premier ministre Hun Sen, en place depuis 1985, a réussi à stabiliser son pays en proie à des violences récurrentes jusqu’à il y a encore une quinzaine d’années. La France de l’après-guerre, jusqu’au début des années 60, a elle-même été plusieurs fois confrontée au risque de guerre civile et les attentats entre Français n’étaient malheureusement pas rares. Exceptés des accrochages frontaliers avec l’armée thaïlandaise, le Cambodge a retrouvé la paix après le traumatisme des années khmers rouges et leurs 2 millions de tués, c’est un résultat remarquable. En 2010, le pays est doté de lois qui peuvent maintenant toucher les mafieux quelle que soit leur nationalité et ses juges, grâce à l’aide de la France, sont désormais mieux formés. Si dans les années 90 le pays était une terre de conquête pour les malfaiteurs, il n’en est donc plus de même et depuis 2009, les procès pour corruption concernant des fonctionnaires sont monnaie courante. De leur côté, nos mafieux composent avec les autorités de quartier et se font discrets, ils ne restent pas inactifs pour autant mais leur superbe en est atténuée. Plus le pays se développera, plus la mafia française en sera affaiblie et peut-être au bout du compte recherchera-t-elle un autre pays hébergeur ou disparaîtra-t-elle purement et simplement, du moins faut-il l’espérer.
Les pays africains sont aussi en passe de devenir réellement indépendants et pourraient rejeter ceux qui avaient pour habitude de prendre sans donner. La difficulté pour les dirigeants en place est que la mafia a positionné ses cadres à des postes clés, principalement en tant que conseillers. La mafia, implantée depuis des décennies, est la mémoire des affaires politiques des pays hébergeurs, cela revient à détenir des dossiers sur les agissements des uns et des autres. En cas de rapport de force avec un politique, la mafia n’a qu’à brandir un dossier pour rétablir un sentiment de coopération mutuelle. En 2006, dans un livre paru en France, un soldat de Solaris Cambodge révèle le comportement inacceptable et inhumain de l’ambassade de France lorsque les Khmers rouges sont entrés dans la capitale en 1975. Les faits sont précis et donnent l’impression que l’auteur a vécu la scène alors qu’il n’a en réalité fait qu’exploiter des rapports confidentiels, Français et Cambodgiens, pour écrire son livre. Il donne ainsi un avertissement aux autorités des deux pays afin qu’on le laisse tranquille. Face à ces pressions, une position ferme des autorités visées pourrait toutefois déstabiliser la mafia.
Un espoir de plus de voir la mafia s’affaiblir pourrait aussi venir des Franc-maçons français et pourquoi pas de l’ensemble de la Franc-maçonnerie. Depuis quelques siècles, les Francs-maçons ont toujours essayé d’apporter leur pierre à la « construction de l’édifice » pour ce qu’ils considèrent comme être le bien de la société et de l’humanité. Nombre de leurs prises de position au sujet des problèmes de société se sont révélées, selon les points de vue, justes et mesurées. Si l’on se pose aujourd’hui la question de l’influence de la Franc-maçonnerie dans la société française, il est indéniable qu’elle constitue une force de propositions de même qu’un groupe de pression efficace oeuvrant, selon les valeurs qu’elle défend, à l’intérêt collectif. Mais plus que les courants de pensées qu’elle pourrait partager, il lui faut se défendre contre les attaques extérieures. Le danger de discrédit vient des usurpateurs et de ces quelques très minoritaires Frères-mafieux qui l’ont infiltrée et officient à l’étranger. La FM a en son sein des « agents dormants » qui sont prêts à se sacrifier pour lui porter préjudice et n’attendent que les ordres pour agir. Lorsque la mafia se sentira déstabilisée, il lui faudra faire diversion en attirant l’attention sur le « complot judéo-maçonnique » qui sera resservi avec peut-être autant de succès qu’en 39/45. La FM ne doit pas se laisser surprendre et a tout intérêt à s’impliquer dans sa propre sécurité en recherchant à exclure ces agents dormants. Actuellement, la FM française a pour souci d’interdire l’éclosion de loges affairistes, de filtrer les candidatures de profanes, d’exclure les Frères qui se rendent coupable d’atteinte à sa moralité, de travailler efficacement « de midi jusqu’à minuit »53. Il n’y a là rien à redire, elle n’a toutefois pas conscience qu’elle est la cible d’une organisation machiavélique qui serait heureuse de malmener sa vision de la tolérance et de l’amour.
Exclus des obédiences, les mafieux auront cependant toujours la possibilité de créer d’autres petites obédiences pour se regrouper car ils ont besoin de cette honorabilité. La FM pourrait alors travailler de concert avec l’Etat pour interdire ces regroupements sauvages qui porteront tout aussi tort à l’ensemble des Maçons que si les mafieux proliféraient dans ses rangs. Les solutions existent donc pour que la mafia ne soit pas intouchable mais un combat doit s’engager pour l’affaiblir à défaut de la détruire, du moins à court terme. Ses ramifications sont telles qu’il serait effectivement illusoire de penser qu’elle pourrait disparaître en quelques décennies, ce sont effectivement près de soixante ans de fonctionnement qu’il s’agit d’effacer.
C’est pourquoi la mafia ne peut que poursuivre son escroquerie en se reposant sur la peur de l’autre, et la menace du terrorisme aux couleurs de l’Islam tombe à point. Reste à savoir si dans l’avenir la mafia aura le potentiel de manipulation pour diviser les hommes de bonne foi, toutes religions confondues. L’issue est incertaine car personne à l’heure actuelle ne peut réellement évaluer la puissance de notre mafia. En cas de sursaut de sa part, les manipulations et violences devraient même s’intensifier, mais ce sera peut-être aussi le signe de son déclin et l’annonce de son dernier « baroud d’honneur ». Cette confrontation ne peut aboutir qu’à condition que le président Sarkozy puisse garder le cap de sa politique africaine et que l’on reconnaisse officiellement l’existence de la mafia française. Le risque est sinon de se diriger petit à petit vers l’apparition d’un régime mafieux à la française. Quoi qu’en disent les opposants à la politique extérieure française, nous ne sommes pas encore arrivés aussi bas, mais le risque est bien réel.

LES AFFAIRES
Les affaires qui secouent la France sont bien souvent Franco-françaises, malgré toutes les tentatives de désinformation. Le bon sens permet de faire le lien entre elles pour trouver à chaque fois l’empreinte de la mafia. Cette dernière suit le même schéma de fonctionnement quel que soit le pays hébergeur. Un règlement intérieur dicte à ses chefs d’équipe et ses soldats la conduite à tenir face aux évènements rencontrés. Il n’est donc pas surprenant de retrouver des similitudes dans des meurtres ou des chantages alors qu’ils sont perpétrés dans des pays différents. Il n’est pas étonnant non plus de retrouver les mêmes individus d’une affaire à l’autre.
• l’affaire du meurtre du journaliste kieffer en 2004,
en côte d’Ivoire.
Le président Gbagbo ne cesse de répéter qu’il s’agit d’une affaire Franco-française, c’est le point de vue de Robert Dulas dit « Bob » qui a dû se réfugier en France pour ne pas être arrêté par les autorités du pays. Il est soupçonné d’avoir été à l’origine ou d’avoir participé au meurtre, le corps du journaliste n’a jamais été retrouvé. La commercialisation du cacao serait à l’origine de l’affaire mais rien n’est certain, un incident presque passé inaperçu en décembre 2007 revêt par contre toute son importance, c’est l’arrestation du journaliste Jean Paul Ney. Ce dernier s’était rendu en Côte-d’Ivoire pour réaliser un documentaire sur Ibrahim Coulibaly, « IB », l’un des principaux opposants à Laurent Gbagbo, et avait aussi pour ambition de filmer un coup d’Etat dont il aurait été averti. En août 2007, il projetait déjà son voyage et en avait parlé à des convives lors d’un repas dans le IVe arrondissement de Paris.
« Manipulations sous haute tension », un documentaire de l’agence Capa réalisé par Jean-Paul Billault, Emmanuel Razavi et Jean-Pierre Cannet, diffusé sur Planète le 22 avril 2009 aborde le piège dans lequel est tombé Jean-Paul Ney. Un comité de soutien s’est constitué et « reporters sans frontière » s’est préoccupé de son cas. Cette affaire fait penser à ce qu’à vécu Daniel Lainé au Cambodge, mais avec plus de chance. Un comité de soutien s’était aussi constitué, à la différence près qu’aucun documentaire n’avait été réalisé. Où est la manipulation qui a touché Jean-Paul Ney et à quel niveau ? Ney est associé au président du CIRET-AVT, Yves Bonnet, ancien préfet et directeur de la DST, un ami selon ses dires. Yves Bonnet est aussi associé dans une ONG centrafricaine, « Le Comité national d’investissement », où se côtoient d’illustres personnages impliqués dans le financement de partis politiques français mais où l’on retrouve surtout un protagoniste qui a tout mis en oeuvre pour déstabiliser un témoin de l’affaire Borrel. Cette ONG est en relation avec une autre ONG, « Fondation sourire d’enfants », immatriculée en Suisse, à Genève, qui elle-même a des membres en relation avec une association russe. On retrouve encore une fois les ramifications caractéristiques de la «pieuvre».
Les autorités françaises n’ont jamais cherché du côté des ONG africaines pour contribuer à élucider le meurtre du journaliste. L’arrestation de Jean-Paul Ney est-elle un hasard ? Drôles de coïncidences…un journaliste qui disparait, un autre qui se fait mettre en prison, ce dans le même pays. Le point commun n’est peut-être pas évident à trouver entre ces deux journalistes mais la cellule Cambodge étaient particulièrement active pour manipuler les journalistes, allant jusqu’à menacer Daniel Lainé de prison. Une des étapes pour mener à bien l’enquête sur la disparition du journaliste Kieffer serait de commencer par constater l’évidence en reconnaissant l’existence de la cellule Côte d’Ivoire de la mafia et ensuite le rôle qu’elle a joué dans la disparition du journaliste. Le président Gbagbo a certainement raison dans ses déclarations et il est fort à parier qu’il en connait sur cette affaire plus qu’il ne veut bien le dire.

• l’affaire d’ouvéa en 1988.
Ouvéa est une petite île paradisiaque au nord de Nouméa, la préfecture de Nouvelle-Calédonie. En 1988, l’île est secouée par des affrontements armés entre communautés. La nuit, les militaires venus en renfort sur la grande île passent leur temps à traquer les indépendantistes qui abattent des cocotiers pour couper les routes et n’hésitent pas parfois à creuser une tranchée dans le goudron avec l’objectif de provoquer des accidents. Des coups de feu sont régulièrement tirés contre les gendarmeries, l’aéroport de Touho est tenu par une trentaine de militaires dont certains sont installés sur le toit avec des tireurs d’élite et des armes collectives. L’ambiance est à l’affrontement permanent, dans les tribus, les couleurs du drapeau français ou kanak sont hissées pour signaler le camp choisi.
«Hasard» du calendrier, le soulèvement kanak d’Ouvéa est déclenché juste avant l’élection présidentielle, le 22 avril 1988, par l’attaque de la gendarmerie de Fayaoue Ouvea où quatre gendarmes sont tués. Les Kanaks prennent en otage les gendarmes restants et récupèrent leurs armes, des fusils d’assaut et une mitrailleuse. Ils se réfugient dans une grotte pendant que des renforts de la gendarmerie et des militaires de régiments d’infanterie sont déposés sur l’île par avions et hélicoptères. C’est toute une armée qui se met en ordre de marche, la dotation en munitions de l’arme collective de chaque section engagée est renforcée. Chaque homme est équipé d’une dotation guerre avec la quantité de grenades correspondante. En tout état de cause, l’armée prend au sérieux le potentiel de combat des Kanaks qui connaissent le terrain et sont déterminés à utiliser les armes des gendarmes, un hélicoptère à même été touché en plein vol par des impacts d’arme automatique. Quelques livres sont parus sur l’assaut de la grotte d’Ouvéa, aucun ne cite le déroulement des opérations qui a précédé l’assaut. Pourtant, ce sont ces opérations qui pourraient être à l’origine des ordres donnés de monter à l’assaut alors que les Kanaks étaient disposés à négocier.
L’île d’Ouvéa est parsemée d’une multitude de grottes, un vrai gruyère. La première préoccupation du général Vidal, chargé de mener l’opération, est de localiser les Kanaks et leurs 23 otages, la seule façon d’y arriver étant d’organiser le ratissage de l’île. La compagnie de marche, formée à partir de plusieurs sections de différents régiments provenant de Nouvelle Calédonie, se déploie en ligne et commence à fouiller, baïonnette au canon et mètre par mètre la partie nord de l’île. A chaque entrée de grotte décelée, une équipe descend effectuer la fouille. Le premier miliaire à se glisser dans un goulot est obligé, vu l’étroitesse du passage, de sortir ses équipements et sa baïonnette du canon ne gardant avec lui que son fusil d’assaut, deux chargeurs dans ses poches de treillis et un chargeur sur l’arme. La grotte a une superficie d’au moins 100 m² «habitables» et au fond il trouvera des livres révolutionnaires ainsi que des passeports aux noms de plusieurs Kanaks. La saisie laisse penser que la prise d’otages et l’attaque de la gendarmerie sont le fruit d’un long travail d’endoctrinement. La même impression se dégagera lorsque des parachutistes fouilleront l’école et trouveront des slogans anticolonialistes et des dessins révolutionnaires dans une classe de maternelle. La compagnie s’est postée en garde au niveau du village de Gossanah lorsque deux parachutistes alertent leur sous-officier, ils tiennent en joue l’instituteur qui s’était égaré par mégarde.
La population de l’île n’ayant plus l’autorisation de circuler librement, chaque civil rencontré ne peut qu’être suspecté de faire partie des preneurs d’otages. Les baïonnettes au bout des canons tendent la peau de la gorge de l’instituteur qui a du mal à respirer de peur de se retrouver transpercé. Dans ce contexte de stress, les parachutistes demandent à leur chef de groupe : « On le tue ? » leurs doigts avaient déjà rattrapé le jeu de détente de leur fusil, un millimètre de plus et deux balles lui aurait simultanément fait exploser la tête. La réponse du sous-officier a fort heureusement été celle d’un vrai professionnel et il a fait raccompagner l’instituteur en lieu sûr. Le soir venu, la section de parachutistes s’installe sur une petite piste où elle va subir pendant une partie de la nuit, sous la pluie, les tirs au FAMAS54 de deux Kanaks qui cherchent à rejoindre leur grotte. Ils y parviendront d’ailleurs certainement en testant au passage la défense d’une autre section. C’est le soir des résultats du premier tour des élections présidentielles, Mitterrand est en tête et il a toutes les chances de gagner au deuxième tour. La section de parachutistes reçoit le lendemain la mission de fouiller le village de Gossanah, de vrais professionnels qui investissent le village et sur qui le commandement peut compter. Des gendarmes ont placé des scellés sur les poignées des portes d’entrée de chaque maison après avoir regroupé les derniers villageois dans le sud de l’île. La réaction est immédiate, à grands coups de Rangers, les portes sont défoncées et s’effondrent.
Afin d’éviter de se laisser surprendre durant la fouille, une équipe supplémentaire équipée d’une arme collective couvre le dispositif. Dans les cases, les parachutistes retournent chaque meuble, cassent tout ce qui peut être cassé afin d’être certains que rien ne leur échappe. Les armoires de rangement des enfants, comme des parents, sont systématiquement réduites en morceaux. Les matelas sont éventrés à coups de poignards US. Rien n’est laissé en l’état, sauf la télévision dans la maison du maire du village, c’est le seul appareil qui n’est pas détruit. Le bureau du maire est personnellement fouillé par le sous-officier du détachement, au moment où le bureau se renverse et se disloque au sol, des insignes publicitaires du FLNKS55 s’en échappent. Le tapis de sol sur lequel se trouvait le bureau laisse découvrir une cache dont la petite trappe sautera rapidement sous les coups portés par les crosses des fusils de deux parachutistes. Le sous-officier en sort un volumineux carton rempli de documents internes au FLNKS, des carnets de chèques de métropole au nom de plusieurs personnes, des cahiers avec des listes de noms, le suivi des cotisations et dons au mouvement indépendantiste, des plans de l’île où des croix figurent, laissant penser qu’elles donnent la position de caches, enfin des courriers provenant de métropole. Le sous-officier prend furtivement connaissance de quelques documents puis referme le carton, effrayé. La fouille terminée, il ne reste plus rien du village sauf les murs et les toits. Des tas de vêtements trainent partout, mélangés à la vaisselle et à tout ce qui a pu être cassé. Une
liasse de billets de banque, que des parachutistes de 1e et 2e classe ont l’autorisation de se partager, est même trouvée sous un matelas.
Le détachement étant retourné à ses postes de combat, le sous-officier, bien embarrassé par sa découverte, prend la décision de faire porter le carton directement auprès du général Vidal avec l’ordre formel de le lui donner en personne. Lorsqu’on connaît la rigueur de ces engagés volontaires parachutistes, l’ordre est bien sûr exécuté. L’arrivée sur l’île de Bernard Pons, alors ministre des départements et territoires d’Outre-mer, suit de peu cette découverte et tous les militaires engagés dans l’opération de ratissage effectuent un repli de plusieurs kilomètres, la route qui conduit au sud est alors jalonnée de longues colonnes de militaires épuisés. La section de parachutistes est quant à elle dirigée vers une école où stationne déjà le GIGN56, les railleries des gendarmes à l’encontre des paras, qu’ils qualifient de « bidasses », déclenchent une rixe qui ne s’interrompt qu’avec l’intervention des deux officiers des détachements respectifs. En attendant, les documents trouvés dans le carton ont certainement été mis en lieu sûr et classés « Secret Défense »57. Toute l’explication des évènements et les raisons pour lesquelles des gendarmes ont été tués s’y trouvent. La justice aurait pu s’intéresser à ces documents non seulement pour comprendre l’affaire d’Ouvéa mais plus encore pour comprendre les évènements qui ont ébranlés la Nouvelle Calédonie depuis plusieurs années et en trouver les vrais responsables.
Le 5 mai 1988, 130 militaires prennent part à l’assaut de la grotte et la prise d’otage se termine dans un bain de sang. L’opération se solde par dix-neuf morts kanaks et deux militaires, 25 morts au total avec les gendarmes assassinés lors de l’attaque de la Gendarmerie. Sur dix-neuf cadavres décomptés le 5 mai 1988 autour de la grotte d’Ouvéa, douze sont retrouvés une balle dans la tête, exactement au même niveau pour chacun. Ce ne sont pas des tirs provenant de l’échange de coups de feu durant l’assaut mais des tirs de sang froid, méthodiques et précis, sur des cadavres ou des blessés pour les achever. Ils ne proviennent certainement pas de militaires ayant participé à l’assaut car, y compris pour les meilleurs éléments de l’armée française, lorsqu’un assaut se termine, et particulièrement dans les conditions d’Ouvéa, les hommes se retrouvent dans un état second. Ils goutent alors au plaisir d’être vivants, en bon état et comptent leurs morts. Ce sont avant tout des professionnels faisant leur travail et parfaitement capables de se contrôler, ces balles dans la tête ne sont pas de leur fait.
Parmi les morts kanaks, Venceslas Lavelloi était un ancien sergent de l’armée française devenu un indépendantiste convaincu. Surnommé Rambo, il passait pour l’un des meneurs de la prise d’otage et l’un des plus exaltés. « Mon père n’était pas la brute qui a été décrite », assure sa fille Julienne. Il est mort dans des conditions pour le moins suspectes, à la fin de l’assaut. D’abord emmené comme prisonnier, il a été retrouvé dans la grotte, tué d’une balle en plein ventre. « Il a été victime d’une exécution sommaire », affirme-t-elle. L’autre chef, Alphonse Dianou, a succombé de manière aussi trouble. En août 2008, lors d’une émission de France Culture, voici ce que Michel Rocard déclare à propos de l’amnistie conclue entre Kanaks et Caldoches : « Ce que je savais moi – et que j’étais seul à savoir, je ne pouvais pas le dire aux autres délégations parce qu’il ne fallait pas que le secret sorte – c’est qu’il y avait aussi des officiers français… enfin, au moins un et peut-être un sous-officier, on ne sait pas très bien… à la fin de l’épisode de la grotte d’Ouvéa, il y a eu des blessés kanaks et deux de ces blessés ont été achevés à coups de bottes par des militaires français, dont un officier. »
Michel Rocard et la fille de Lavelloi ont certainement raison tous les deux, ce qui n’explique toutefois pas les balles logées dans les têtes. La sensibilité des documents retrouvés dans la maison du maire de Gossana par les parachutistes justifient cependant et amplement que l’on ait voulu faire disparaitre ces Kanaks qui auraient pu parler et que l’on «achève les morts» comme les survivants de l’assaut. Cette basse besogne n’a pu se dérouler qu’après le combat et ne peut qu’être l’oeuvre d’»idéalistes» mal contrôlés qui, blessés dans leur orgueil de n’avoir pas eu «l’honneur» de monter à l’assaut, se sont empressés de se distinguer en exécutant des ordres avec le souci du détail. Placer une balle dans la tête d’un mort et recommencer sur un autre… il faut avoir été militaire dans les troupes d’élites pour comprendre cet état d’esprit. Mais ce qu’il faut aussi comprendre, c’est qu’un militaire n’aurait jamais pris de lui-même la décision de se porter sans ordre devant chaque corps pour y loger une balle dans la nuque, avec une précision identique pour chaque individu. Il n’aurait pas non plus tiré dans le ventre d’un prisonnier sans avoir reçu la « mission » de le faire. La notion de mission est celle qui anime le militaire et va lui donner toute la légitimité de son acte. Sans ordre et sans mission, le militaire n’aura pas « l’honneur de servir », de se dévouer pour une cause. Le profil psychologique de ce ou ces militaires est facile à trouver parmi ceux qui se trouvaient à proximité de la grotte après l’assaut. A coup sûr, ces petites mains ont quitté l’armée bien avant 2010 et sont employées par une cellule mafieuse ou ont subi un accident mortel.
Quoi qu’il en soit, lorsqu’on connaît aussi la culture et les coutumes kanakes, il est difficile de croire que les preneurs d’otages aient vraiment eu l’intention d’attaquer la gendarmerie pour y tuer des gendarmes. La situation leur a plutôt échappé et ils se sont retrouvés dans une spirale de violence sans pour autant vouloir le résultat que l’on connait. Beaucoup s’accordent à penser qu’ils ont été incités à faire une action d’éclat pour faire parler de la cause indépendantiste en période d’élection. Mais qui les y a incités ? Les documents trouvés par les parachutistes pourraient une fois de plus en donner la réponse. Certains des courriers contenus dans le carton étaient signés de décideurs politiques qui donnaient des instructions précises quant à l’organisation, plusieurs mois avant l’attaque de la gendarmerie, d’un « voyage d’études » dans un pays étranger et sur la conduite à tenir pour rallier les médias métropolitains à leur cause. Comme le noir est le blanc et inversement, de quelle cause s’agissait-il ? Certainement pas celle du peuple kanak mais fatalement celle qui allait utiliser la cause kanak pour semer le trouble dans l’élection présidentielle au profit d’une autre cause. Un jeu de manipulation où l’intérêt politique sacrifie ses fils d’Outre-mer. L’assaut et l’assassinat des Kanaks survivants a eu lieu trois jours avant l’élection présidentielle où Mitterrand était donné gagnant. Trois jours pour faire disparaître les preuves d’un acte d’éclat de Kanaks qui étaient bien loin de penser que, même morts, ils représentaient un tel danger qu’on a préféré leur loger une balle dans la tête ! Bernard Pons déclarait en conférence de presse : « Il y allait de l’honneur de la France et de la vie des otages. » Jean-Marie Le Pen pour sa part : « J’approuve la méthode du gouvernement, il faut faire obtenir force à la loi. Il a fait face et a fait respecter la loi et l’Etat. »
C’est certain, tout est une question d’honneur et de respect de la loi. Ceux qui ont assuré les basses besognes ont un sens aigu de l’honneur et pour ce qui est de la loi, le nouveau gouvernement de Michel Rocard entame des discussions et clos le dossier le 26 juin 1988, soit moins de deux mois après l’assaut, par la signature des accords de Matignon. Accords qui incluent une loi d’amnistie qui s’applique à tous les faits liés à l’assaut, donc l’après assaut, ainsi qu’à la préparation de cette journée du 22 avril 1988. Que ce soit pour la gauche ou pour la droite, l’énormité de la manipulation des Kanaks n’était pas bonne à divulguer aux Français. Les victimes en sont bel et bien les Kanaks, sans pour autant oublier les gendarmes et militaires qui y ont laissé leur vie. Les morts ont ce point commun d’avoir été ensemble manipulés pour une cause qui n’était pas la leur.
Plus de vingt ans après ce tragique épisode, que les acteurs de la vie politique de Nouvelle-Calédonie ne se méprennent pas sur les actuelles intentions de la mafia et qu’ils ne minimisent pas son pouvoir de nuisance. Les accords de Nouméa qui ont été signés le 5 mai 1998 et prévoient un transfert de souveraineté ne sont certainement pas vus du meilleur oeil par ces «idéalistes», qui faut-il le signaler une nouvelle fois n’ont rien à voir avec l’Etat français. Pour les mafieux, cela ne sert en rien la Cause d’une France qui a déjà tant perdu de son influence. La Nouvelle-Calédonie est si riche qu’il parait inconcevable que rien ne sera tenté pour saborder ce processus d’indépendance, quitte à ce que l’île devienne un vaste champ de bataille. La méthodologie mafieuse aurait plutôt intérêt à manipuler les uns et les autres pour réduire les bonnes volontés politiques afin de substituer au dialogue la violence. La même qui a abouti à l’affaire d’Ouvéa et aux évènements qui ont endeuillé l’île durant plusieurs années. A n’en pas douter, la mafia a déjà préparé ses opérations de manipulation en projetant d’approcher les décideurs politiques locaux et de métropole. L’histoire peut se répéter et l’expérience passée sera mise à profit par les mafieux pour atteindre leur objectif. Personne ne comprendra pourquoi la spirale de haine est réapparue, pourquoi tous les efforts passés n’ont mené à rien. La mafia tentera alors de reprendre l’initiative et pilotera à sa convenance les évènements, au besoin en développant une politique de « terre brûlée » si elle devait être impuissante face à l’aboutissement du processus en cours. Ce sombre scénario ne tient néanmoins pas compte de la lucidité des différents acteurs politiques et de la sagesse des traditions kanaks qui favorisent la mise en oeuvre du processus dans le calme et le temps, sans menace et violence. Les bonnes volontés sont assez nombreuses en Nouvelle-Calédonie et en France pour ne pas se laisser dévier de l’intérêt collectif et du bien être de chacun. Quoi qu’il en soit, pour les deux partenaires, il faudra aussi tenir compte de cette force cachée et manipulatrice qu’est la mafia ; pour que vivent heureux et en paix ceux qui aiment la Nouvelle-Calédonie.
• l’affaire du meurtre du juge borrel en 1995 à djibouti.
C’est l’affaire où l’implication de la mafia française est la plus flagrante. Encore faut-il accepter l’idée qu’une mafia française existe bien pour comprendre l’affaire de l’assassinat du juge Borrel. Les faits sont à comparer avec ceux relatés au sein de la cellule Cambodge.
Le 19 octobre 1995, au bas d’un dénivelé rocheux, des gendarmes français découvrent le corps à moitié calciné du juge Bernard Borrel. L’endroit où est retrouvé le corps est situé en bordure du golfe du Goubet. Le constat effectué par le policier de l’ambassade de France conclut à un suicide par le feu. Ce dernier n’a pourtant pas relevé un détail d’importance, celui d’un hématome rond, quasi parfait, sur la tête de Bernard Borrel. C’était « comme s’il avait reçu un coup de maillet dans le front », explique la capitaine qui travaillait à la morgue à Alexandre Barrier, appelé du contingent. Il se souvient aussi que sa hiérarchie lui a fait signer un papier de confidentialité qui lui interdisait de divulguer de qu’il avait vu. Durant dix ans, cette information restera ignorée et ce n’est qu’en 2007 qu’elle sera portée à la connaissance de la justice française. En réalité, tout a été fait depuis le début pour que l’affaire soit enterrée au plus vite en faisant croire à un suicide. Ce n’est que grâce à l’acharnement de madame Borrel que la justice reviendra sur cette thèse officielle et conclura à un assassinat.
Le 3 février 2004, la juge Sophie Clément questionne le professeur de médecine légale Patrice Mangin sur les coups portés au juge, plus particulièrement au sujet de ce coup au front et à l’avant bras. Sa réponse est claire : « Le traumatisme à la tête ne pourrait pas provenir d’une chute du corps sur les rochers. Il résulte d’un coup porté avec un instrument contondant. » A la question de la juge pour savoir si M. Borrel aurait pu s’asperger d’essence debout ou à genoux et ensuite courir vers l’endroit où il a été retrouvé, le professeur est formel : « Non, ce n’est pas possible. » Après ces réponses, le procureur de la République de Paris déclarera que « il n’a jamais caché dans son analyse du dossier qu’il considérait que Borrel avait été assassiné ». Les nouveaux éléments de l’enquête joints au dossier, constatations médico-légales et pyrotechniques, contredisent formellement la thèse du suicide qui constituait jusque là la « thèse officielle ». Les soupçons se tournent alors vers l’entourage de l’actuel président de la République de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh. Régis Ollivier, chef de l’antenne DGSE à Djibouti en 1995, déclare à la juge française « qu’il s’agit d’une affaire politique dont la réponse ne peut être que politique. D’Etat à Etat ». Un autre officier de la DGSE cite une source de son service qui lui « a donné des détails sur la légende construite autour de la mort de Bernard Borrel pour dissimuler l’assassinat et également pour que sa mort serve d’exemple ». La notion « d’exemple » chère à notre mafia ! Un investissement prévu pour rapporter x fois la mise perdue. La notion d’exemple qui fait partie des règles du code d’honneur à respecter.
A Djibouti, depuis bien longtemps déjà, certains Français tirent profit de commerces en tous genres – prostitution, principalement d’Ethiopiennes, drogue, etc. – Il y a des règles à respecter et l’entraide est de mise entre eux. Un autre militaire des services de la direction protection sécurité défense (DPSD) reconnaît que « les commanditaires du suicide étaient certainement des gens haut placés au gouvernement de Djibouti. Ismaël Omar Guelleh était mêlé à toutes les grandes affaires, attentat du café de Paris en 1990, trafics d’armes, d’argent… Certainement que monsieur Borrel en savait trop sur ces affaires ». Eric Halphen, ex-juge d’instruction, bon connaisseur des réseaux politico-financiers, y décèle la patte des services secrets : « Lorsqu’on veut salir quelqu’un, le décrédibiliser, dit-il, on lui construit une légende en jouant sur différents ressorts. Les Anglais appellent cela le MICE, le pluriel de souris, M comme Money, I comme Ideology, C comme Compromission, E comme Ego. » Exactement la marque, non des services secrets, mais de la mafia française.
La particularité de Djibouti, comme du Cambodge, est que si l’on cherche quelque chose, on est assuré de trouver. Djibouti est un très petit pays où l’activité commerciale se limite à une rue de 200 mètres, la place Ménélik, et un ou deux supermarchés pour occidentaux. C’est du moins le descriptif qui pouvait en être fait dans les années 1990/1995. Il est évident que le juge Borrel n’a pas eu trop de difficultés à apprendre le fonctionnement et les affaires illégales du pays. A partir du moment où il a cherché des informations sur une affaire, toutes les autres se sont dévoilées à lui. Les trafiquants ont de plus un sentiment d’impunité par rapport à tous les trafics traditionnels qui s’y déroulent. Un des plus gros est celui du khat, drogue locale à base de feuilles qui se mâchent pour se donner une impression d’invulnérabilité. Les chauffeurs de taxi en prennent régulièrement et avec certains d’entre eux une course devient vite un parcours à sensations. Le marché du khat est colossal à Djibouti et fait vivre des milliers de distributeurs et de petits revendeurs. La drogue est un des problèmes majeurs de l’armée française qui doit lutter contre sa consommation chez les jeunes militaires. Le pays est si pauvre en distraction, et qui plus est soumis, dès 1991, a des restrictions de déplacement à cause de la guerre avec le FRUD58, que les jeunes se tournent vers la drogue locale vendue librement. A la drogue locale, la drogue dure se substitue ensuite.
Il est donc flagrant que le juge Borrel a connu les détails, non pas d’une affaire, mais de plusieurs. Mais plus que la drogue, d’autres trafics ont dû apparaître au juge. Arrivé en avril 1994 auprès du ministre djiboutien de la Justice pour effectuer des missions de coopération, le juge Borrel aurait mené des investigations sur l’attentat du café de Paris en 1990. Le soir du 27 septembre59 1990, plusieurs grenades sont lancées dans le café de Paris fréquenté par des occidentaux, les agresseurs en lancent ensuite dans la rue d’Ethiopie. Les explosions dans le café fauchent plusieurs personnes dont le petit garçon d’un adjudant-chef du 5e RIAOM60. Il venait juste d’accueillir à l’aéroport sa famille qui l’avait rejoint. Les récits de cette attaque décrivent la panique qui s’ensuit après la première explosion, les éclats de vitres et de grenades qui scindent l’espace du bar, des militaires en tenue couverts de sang et d’autres qui cherchent en toute hâte à s’enfuir. Les secours ont mis plusieurs longues minutes avant d’intervenir, les premiers soins étant dispensés directement par les blessés légers. Au cours de la soirée, plusieurs blessés rejoignent le 5e RIAOM par leurs propres moyens en taxi, à leurs frais. Ils se sont présentés au service de garde en lambeaux, couverts de sang et se tenant les uns les autres. La dizaine de blessés répertoriés officiellement dans l’attentat est largement dépassée par le nombre de blessés légers qui ne sont pas restés sur les lieux de l’attentat.
Les sept casernes de l’armée française s’attendront à d’autres attentats dans la nuit. La garde est renforcée mais rien ne se passe. Le lendemain matin, les discussions vont déjà bon train : « Ici à Djibouti c’est fréquent. Dès que la France ne veut pas payer des rallonges à ce qu’elle paye déjà à l’Etat djiboutien, il y a un attentat. L’attentat d’hier soir provient du neveu du président Hassan Gouled Aptidon, qui est le patron de la Sûreté nationale et du service de documentation et de sécurité. » D’autres militaires n’hésitent pas à commenter : « L’attentat était bien programmé et les grenades qui n’ont pas explosé ne sont pas le fait du hasard. Elles ne devaient pas exploser pour donner uniquement le change et faire croire que tout le monde était visé. Ce qui est faux, c’était truqué. » Même dans l’armée française, personne n’ose dire ouvertement le nom du commanditaire, Ismaël Omar Guelleh. Les mois qui suivent sont ceux de la montée en puissance de la guerre du Golfe. Le souvenir de cet attentat est encore présent et des mesures draconiennes de sûreté sont prises par l’Etat-major, bus scolaires accompagnés par des jeeps armées, tireurs d’élites sur les toits de l’école catholique. C’est le début d’une longue période d’insécurité qui sera confirmée par l’arrivée dans le paysage politique et militaire du Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (FRUD), la guerre civile débute en 1991 entre les Afars et le pouvoir djiboutien. En 1992, mal entraînée et mal armée, l’armée djiboutienne tombait dans des embuscades meurtrières et les soldats n’arrivaient pas à reprendre le terrain perdu. Tous les soirs, des camions chargés de blessés rentraient en ville en croisant les chars français qui prenaient position sur le poste 20 face à la frontière somalienne. En fait, l’armée française n’apportait aucun soutien à l’armée du pays, les activités du 5e RIAOM, de la 13e DBLE61 et du BCS62 semblaient ne pas être perturbées par cette guerre qui taillait en morceaux l’armée du président Aptidon. Il est même arrivé qu’une compagnie du RIAOM effectue en dehors de Djibouti une séance de tir alors que le bruit des armes lourdes semblait indiquer que les combats entre les deux factions se déroulaient à proximité immédiate. Si proche, que les Djiboutiens, excédés par l’attitude des militaires français, ont menacé de retourner leurs armes contre eux s’ils ne dégageaient pas la zone pour rejoindre la capitale au plus vite. Le FRUD aurait certainement pu atteindre le centre ville en écrasant facilement son adversaire. Ismaël Omar Guelleh n’hésitait pas quant à lui à déclarer que la rébellion était un complot fomenté par les socialistes français, alors au pouvoir en France. Il est en revanche incontestable que la France avait une certaine complaisance envers les rebelles, à Djibouti, il se disait même que des agents de la DGSE ou des mercenaires étaient derrière les attaques meurtrières du FRUD.
Militairement, le conflit avec le FRUD ne dure pas longtemps. A la surprise générale, l’armée djiboutienne s’est ressaisie, la seule explication étant qu’elle a trouvé entre 1992 et 1993 de quoi s’équiper pour reprendre le dessus sur les assaillants. Or, nous savons que la France était plutôt favorable au FRUD pendant le conflit, le gouvernement de Pierre Bérégovoy n’a donc pu être à l’origine de cet appui, ni le gouvernement suivant mais la mafia française, oui. En 1994, un traité est signé entre une partie du FRUD et le gouvernement djiboutien, le régime du président Aptidon est sauvé de justesse mais certainement pas grâce à ses capacités à faire la guerre. Coïncidence ou pas, l’époque de la reprise en main de l’armée du président Aptidon est aussi celle où l’ex-préfet Marchiani dirige sa société d’import SOFREMI-SERVAIR. Dans l’édition du 21 décembre 1995, l’hebdomadaire français « l’Evènement du Jeudi » révèle que des mines anti-personnel auraient été livrées à l’Erythrée, confronté à une guérilla « communiste » et, fait du hasard, « cette livraison s’est réalisée deux mois après l’assassinat du juge Borrel ». En 2003, dans l’affaire de l’Angolagate, l’ex-ministre de la Défense François Léotard n’hésitait pas dénoncer une diplomatie parallèle menée, selon lui, par Charles Pasqua entre 1993 et 1995. En 1993, François Léotard avait visité les troupes françaises du Cambodge mais à qui obéissaient les militaires français de Phnom Penh ? Il faut bien avouer que ces années et celles qui en découlent ont été riches en évènements qui ont terni l’image de la France.
En 1995, Bernard Borrel comptait se rendre à Paris quatre jours après la date de sa mort. Il a eu aussi peu de chance que les Kanaks qui ont trouvé la mort trois jours seulement avant l’élection présidentielle. Quelques jours plus tôt, il avait confié à son épouse qu’il était angoissé mais ne pouvait lui dire pourquoi sans la mettre en danger. Avait-il appris des choses qu’il ne devait pas apprendre ? Ils étaient nombreux en tout cas à avoir des raisons de craindre le «juge fouineur» dans un pays où la corruption touche même les militaires français. Dans les premières années qui suivent la découverte du corps, certains diront qu’il avait prémédité son suicide, n’avait-il par exemple pas fait le plein de son jerrican de voiture avant de quitter la capitale ? Les consignes de sécurité exigent pourtant de quitter la ville avec le maximum de carburant, les légionnaires du poste de contrôle de la route du grand barra peuvent ainsi contrôler la dotation en carburant des véhicules civils. Le juge Borrel n’a donc fait que respecter les consignes de sécurité.
Des témoins Djiboutiens diront que deux voitures ont passé les postes de contrôle djiboutien et français de la Légion, au PK 20. Lors de ces contrôles, le numéro de la voiture ainsi que les noms des passagers sont relevés, or, les mains courantes ont disparues. La voiture du juge est retrouvée face à l’Ile du Diable, ce n’est pas un hasard, il s’agit d’un message de la mafia, le juge a été tué pour l’exemple. Pour «l’exemple» veut dire que son corps devait être retrouvé et sa mort connue, il aurait sinon été facile de le jeter à l’eau afin qu’il soit dévoré par les requins. Au contraire, il a volontairement été descendu et arrosé de deux carburants différents à un endroit précis, à 80 mètres le long d’une forte dénivellation. Un endroit d’où le feu est visible à l’opposé du golfe du Goubet, soit du centre commando d’Arta plage où des militaires français sont présents ou à proximité des deux compagnies de combat d’Arta. De nuit, un feu est parfaitement visible et sans jumelles, l’utilisation des signaux lumineux est de plus une technique de communication apprise dans l’armée et souvent employée en toute discrétion pour préparer des débarquements nocturnes. A partir de ce moment, il n’y a même pas de compte-rendu radio à effectuer pour confirmer que la cible est bien morte, la mission est considérée comme accomplie. Il parait aussi peu probable que le juge ait été tué près de la voiture qui a été retrouvée car à Djibouti, il y a quelqu’un partout, de nuit comme de jour, le désert n’est jamais vide. Lorsqu’ils font des séances de tirs, les militaires ont bien souvent la surprise de trouver un nomade avec sa caravane de chameaux qui sort d’on ne sait où. Le juge n’a donc pu être abattu que dans un endroit discret, encaissé par un mouvement de terrain, où des complices veillaient à ne pas être dérangés.
C’est donc bien d’un contrat qu’il s’agit. Comme pour le Cambodge, il y a toute une culture du meurtre propre au pays et à Djibouti, les meurtres d’occidentaux ont leur marque particulière. A plusieurs reprises des militaires ont ainsi été tués et leurs corps retrouvés en morceaux dans des sacs poubelles. La mise en scène du «suicide» du juge Borrel porte donc la marque de la mafia et fait penser aux meurtres du Vercors, dans l’affaire de l’Ordre du Temple Solaire63. La marque sur le front du juge pourrait être effectivement celle d’un maillet et revêt une symbolique qui reste à déterminer. Il s’agit plus probablement d’une manipulation montée à l’encontre des Francs-maçons pour faire croire que le coup porté pourrait être de leur fait, ces derniers utilisant en effet des maillets pour rythmer le travail en Loge. Cette hypothèse est tout simplement ridicule, si de vrais Francs-maçons avaient voulu laisser leur marque, ils auraient aussi utilisé un ciseau64, outil associé au maillet, et sa marque serait bien visible. Le maillet seul ne représente rien en Franc-maçonnerie, l’utilisation de cet outil en arme a donc été servie par un non initié, un profane65 qui a probablement voulu faire diversion vers la Franc-maçonnerie.
Se pose tout de même la question de savoir pourquoi et par qui le juge était accompagné lorsqu’il est sorti de Djibouti-ville, il existe d’ailleurs d’étranges similitudes avec les meurtres des deux Corses au Cambodge. Dans la logique des méthodes de la mafia, le juge s’est certainement fait piéger comme l’ont été beaucoup de cibles au Cambodge et à Djibouti. Un dossier a vraisemblablement été constitué sur lui qui devait le faire tenir tranquille et l’inclure dans le dispositif pour en faire une nouvelle recrue. Face aux pressions, le juge s’est peut-être posé des questions devant la conduite à tenir, fallait-il plier, résister, l’intérêt de sa famille dépendait aussi de ce choix. Les « bons soldats » sont récompensés par la mafia, il suffit pour cela d’accepter l’ordre imposé et de respecter la hiérarchie. Si la mafia a décidé de l’éliminer, c’est qu’il représentait un danger pour l’organisation tout entière et qu’il a refusé un compromis. Deux cas de figure ont pu se présenter : il a poursuivi ses investigations sur les trafics et, conscient du piège qu’on lui tendait, refusé tout compromis ou, face aux menaces qui pesaient sur sa famille, il s’est retrouvé dans l’impossibilité de refuser une rencontre avec les responsables des trafics sur lesquels il enquêtait. Pour protéger sa famille, il s’est donc volontairement mis en danger et s’est en quelque sorte sacrifié. Beaucoup de ceux qui connaissent le fin mot de l’affaire ont joué sur cette ambiguïté pour valider la thèse du suicide, arguant que tenir tête à la mafia revient à se suicider.
De fait, la version du suicide était apparemment déjà arrêtée lorsque les gendarmes français ont découvert le corps au petit matin du 19 octobre 1995. Là encore, lorsqu’on connaît Djibouti, il n’est pas possible que des gendarmes français découvrent par hasard une voiture perdue, et un corps un peu plus loin, sans avoir été avertis. Le scénario est grotesque et il apparaît évident que des ordres, français, leur ont été donnés pour patrouiller dans cette zone sous un prétexte quelconque.
C’est au niveau des «ressources humaines» que se situe le point faible de la mafia et que les relations avec la cellule Cambodge commencent à se faire jour. En 2005, lors d’une enquête diligentée par le procureur de Clermont-Ferrand, les gendarmes recueillent un témoignage concernant Miniana, ce policier qui a conclu au suicide du juge en moins de dix minutes, mais ce témoignage n’a alors rien à voir avec l’affaire de Djibouti. Miniana est ce policier de l’ambassade de France au Cambodge qui a été cité dans un procès-verbal comme « étant tenu par les mafieux français de Phnom Penh ou subissant un chantage de leur part ». Cette information aurait été confirmée par la rédaction d’une fiche sur sa personne et portée à la connaissance de l’attaché militaire de l’ambassade par les services français. Il y a là le jeu de l’armée avec les services officiels et d’un autre côté celui de la mafia, deux entités différentes qui n’ont rien à voir entre elles, si ce n’est d’être éventuellement complémentaires. On retrouve dans les témoignages d’autres informations où des personnes sont déjà citées au sujet des activités de la cellule Cambodge. Par exemple, le disque dur de la société Triangle, où les fiches de chantage étaient enregistrées, aurait été déplacé par le militaire à qui la DPSD66 avait demandé d’infiltrer le réseau et une amie à lui, madame Joly. Ce disque dur aurait été déposé de nuit auprès de la MAM (Mission d’assistance militaire, forte d’une vingtaine de conseillers militaires français et installée le long d’une rue qui est louée par la France à l’Etat cambodgien) mais, au lieu de le transmettre à l’attaché militaire de l’ambassade, les militaires de la MAM se seraient trompés de destinataire et l’auraient remis… au commissaire Miniana. Il y avait dans ce disque dur tous les chantages et au moins l’historique de la cellule Cambodge, si ce n’est celui d’autres cellules… sans compter la fiche de Miniana ! C’est l’histoire qui a été relatée sur procès verbal aux enquêteurs de la Gendarmerie.
Le commissaire Miniana a pris sa retraite en 2008 et a été employé par l’ex-directeur national de la Police judiciaire, Jacques Franquet, qui est à présent le directeur de la sécurité d’un grand groupe français. Le 21 février 1995, Jacques Franquet, nommé par Charles Pasqua, avait démissionné après le scandale suscité par l’affaire Schuller-Maréchal. Il avait placé sur écoute irrégulière le beau-père du juge Eric Halphen, alors sur la piste des fausses factures du RPR67. Comme quoi, être fidèle à ses anciens patrons permet de ne jamais se retrouver sans emploi. Miniana n’est pas le seul acteur à retenir toute l’attention dans l’affaire Borrel, Alain Romani est aussi un personnage clef de l’affaire, soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat du Juge. Fils de l’intendant de l’ancien président Aptidon, Romani est aussi l’ancien patron de « L’Historil », ce bar de Djibouti qui a subi l’attentat du 18 mars 1987 et fait 14 morts dont 5 Français, ainsi que 40 blessés. Le jour de la découverte du corps du juge Borrel, le 19 octobre 1995, Mohamed Aloumekhani, à l’époque lieutenant de la Garde présidentielle djiboutienne, affirme avoir vu Alain Romani débarquer dans les jardins de la Présidence en compagnie de quatre autres personnes à bord de deux véhicules. Il affirme par ailleurs que l’un des membres du groupe s’est approché d’Ismaïl Omar Guelleh et lui a dit en langue somalie : « Le juge fouineur est mort et il n’y a plus de trace. »
Suite au témoignage relatant ces faits, Romani, qui est accusé par les parties civiles d’avoir participé à la «réunion de crise» autour d’Ismaïl Omar Guelleh dans les jardins de la présidence, fait remettre à la juge Sophie Clément des documents certifiés attestant sa présence ce jour-là à… Saint-Denis de la Réunion. L’alibi semble solide, toutefois, quand on connait le personnage, l’authenticité des papiers peut légitimement être mise en doute. Etait-il donc bien à la Réunion ce soir là ? Quoi qu’il en soit, cela ne veut pas dire non plus qu’il a participé à l’assassinat. Alain Romani se dit honorable, au dessus de tout soupçon et s’indigne de la mauvaise presse qui lui est faite, on peut le comprendre sur ce point d’autant qu’il semble tout aussi apprécié par la communauté corse de la Réunion. En 2005, Alain Romani fait malgré tout de nouveau parler de lui dans un autre pays et pas le moindre. Au mois de novembre, sur le site Khmer-Network, s’ouvre un forum de discussion consacré à Solaris Cambodge. C’est un grand déballage, on y parle de ses escroqueries, du blanchiment d’argent… les échanges se font précis et apportent des éléments nouveaux permettant de mieux cerner le rôle joué par la mafia.
Internaute « Bong » écrit par exemple, le 9 décembre 2005 : « Pour ma part, je n’ai jamais rencontré ces deux énergumènes (Pierot et Franchi) qui disaient travailler pour la DGSE, notamment sur des affaires de pédophilie. Pour l’ambassadeur, il a fait son temps mais qu’il ait eu des casseroles, notamment pour des histoires d’exportation illicite d’oeuvres d’art, est en revanche vrai. Du reste, il est au placard en France et une information judiciaire a été ouverte pour ces faits. Je voudrais rajouter, concernant Franchi et son acolyte, que très vite après leur arrivée au Cambodge, vers 1997, ils se sont associés avec le commandant Tho, haut gradé cambodgien de la police des étrangers, très fortement suspecté par le HCR d’être impliqué dans de multiples enlèvements contre rançons d’enfants ou d’adultes de familles Sino-khmers. »
Internaute « Collebert » écrit, le 14 décembre 2005 : « Personnellement, j’ai été victime de ma confiance dans un individu qui exploite le réseau d’une école, celle de l’ESSEC, auquel il a eu accès après avoir suivi une formation. Nous étions censés développer l’activité d’une entreprise de 30 personnes, une boulangerie de 15 personnes et la société d’édition « Principal ». Les deux activités étant liées à la holding pompeusement nommé Triangle en référence à la Franc-maçonnerie. En réalité cela couvrait différents trafics dont le blanchiment d’argent. »
Les déclarations se succèdent et le nombre de visiteurs de ce forum grimpe très rapidement en flèche pour atteindre plusieurs milliers lorsque la nouvelle du meurtre d’un ressortissant français de Phnom Penh est annoncée, meurtre qui permet en outre de faire la liaison avec Djibouti. « Egorgé au Cambodge (…) Le Corse le plus célèbre de la Réunion a été égorgé pendant son sommeil, au cours de la nuit de lundi à mardi, dans sa chambre d’hôtel, établissement dont il était le propriétaire depuis qu’il avait vendu la Terrasse au début de l’année. « Allan » et son épouse « Vivi » avaient fait de leur restaurant le rendez-vous le plus ludique des soirées dionysiennes (…) Le Noël prochain devait être l’occasion pour beaucoup de découvrir Phnom Penh. Il était en train d’organiser un réveillon exceptionnel. Plusieurs de ses amis ont du reste déjà acheté leurs billets. Après 12 ans de réussite à La Terrasse, Allan et Vivi avaient, d’un commun accord, décidé de tenter une nouvelle aventure. Les restaurateurs ont la bougeotte et Allan aimait l’Asie. Et lorsqu’un ami lui a proposé un Resort au Cambodge, il a immédiatement mordu à l’hameçon (…) L’appât était beau : Le Palm Resort, un cadre unique aux portes de Phnom Penh, proposant 13 chambres réparties en bungalows, isolés par des arbres, un restaurant, sous une avancée au décor de pergola avec vue sur la verdure, et la piscine et ses deux bars tournant autour d’un îlot reconstitué. Pour cette affaire, il s’est associé avec deux Réunionnais, un autre Corse, Alain Romani, et un ex-boulanger de Saint-Gilles, Bernard Astic. Sur place se trouvait le quatrième partenaire, lui aussi d’origine corse. L’affaire s’était concrétisée en février dernier. Un instant peut-être Allan avait pu imaginer pouvoir garder La Terrasse. Mais bien vite la réalité s’est imposée à ses yeux. Les allers-retours Cambodge-Réunion étaient impossibles. Le 31 avril, il signait l’acte de vente de son restaurant fétiche et le lendemain, il était dans un avion pour la métropole. Il ne devait plus jamais revoir le 39 rue Félix-Guyon. Le corps d’Allan Romagnoli sera rapatrié demain en métropole pour y être inhumé. Mais hier soir déjà, à Saint-Denis, nombreux de ses amis s’étaient retrouvés pour commencer la veillée funèbre. » Le texte est signé d’un journaliste de la Réunion, Christian Chardon.
Alain Romani, de Djibouti au Cambodge, en passant par la Réunion, nous retrouvons toujours ce personnage clef de l’affaire Borrel. Djibouti, Réunion, Cambodge, presque la représentation d’un Triangle… Le 2 décembre 2005, le « Cambodge Soir », journal en langue française de Phnom Penh, se fait le relais de l’ambassade de France : « L’ambassade de France a tenu à préciser que, contrairement à ce qui a été affirmé dans un quotidien, aucun suspect n’a été entendu par ses services. Une enquête est en cours sous la responsabilité souveraine des autorités cambodgiennes, explique par communiqué la diplomatie française. L’ambassade de France, qui est tenue informée par les autorités locales, s’abstient, comme il est de règle, de tout commentaire ou de toute interférence sur l’enquête en cours. Naturellement, aucun suspect ne lui a été remis, contrairement à ce qui a pu être allégué. » L’ambassade de France ne pouvait ignorer les activités mafieuses de Solaris Cambodge et le rôle joué par le lieutenant Tho, car c’est bien lui qui s’est occupé de l’enquête pour le compte de Triangle Solaris. On peut dès lors aisément imaginer toute l’opération de désinformation et de manipulation qui en a découlé.
Le 12 décembre, l’épouse de la victime, Vivige, intervient sur le forum : « Je suis la femme d’Allan, qui a été assassiné. Je peux vous dire que mon mari était une personne très honnête, la bonté et la joie faisait partie de sa nature, il aimait le Cambodge, il aimait s’occuper de son hôtel, pourquoi l’a-t-on tué ? C’est certainement pas pour des magouilles, ni autre chose d’inavouable. Il gênait qui ? » Par la suite Vivige ne fera plus de commentaire. Mais elle a posée une question primordiale : « Il gênait qui ? » L’enquête conclura que c’est son jardinier qui, pour lui voler la recette de la journée, l’a égorgé durant son sommeil. Comme pour l’assassinat du juge Borrel, ce meurtre n’est pas davantage l’oeuvre d’un Cambodgien que d’un Djiboutien. Il s’agit d’un contrat et le motif du vol n’est qu’un prétexte servant à camoufler la vraie raison du meurtre. Le jardinier avait été «prêté» à Allan par un des ses associés qui n’est autre que André Calabro, le patron du restaurant Le Deauville et de plusieurs lieux de plaisirs, celui qui avait dû précipitamment quitter Djibouti car « il faisait trop chaud ». André Calabro était aussi lié à Pierot et Franchi et tout ceux qui travaillent pour eux, de gré ou de force. Le 20 décembre, nouveau coup de théâtre ! Charles Ariotti s’invite sur le forum. Ariotti était ce directeur d’Alcatel Viêtnam qui avait pris un petit centre touristique au Cambodge à sa retraite. Il était à Phnom Penh lorsque Paul Virgitti et Gilbert Jouve ont été tués et sait que Triangle le surveille. Le texte qu’il écrit sur le forum laisse entendre qu’Allan mort, tout a été fait pour souiller sa mémoire, une diversion de plus ; une rumeur a ainsi couru qu’il était pédophile… on a voulu faire croire à la vengeance d’un compatriote humilié… ou d’une jeune française qui était sa maîtresse, etc. Ariotti appréciait visiblement Allan, contrairement à Triangle.
En France, le début de l’année 2005 est prometteur, la juge Sophie Clément s’oppose à ce que le dossier d’instruction soit transmis à la justice de Djibouti et la commission consultative du secret défense a émis un avis favorable à la déclassification partielle de documents de la DST sur la mort du juge. De quoi inquiéter la mafia ! En févier 2005, l’affaire d’Allan au Cambodge se concrétise, hasard du calendrier ou Allan a-t-il été incité à partir au Cambodge pour le détourner de la justice française ? Peut-être pour lui éviter de répondre aux questions qu’on aurait pu lui poser, en particulier sur la présence ou non d’Alain Romani à la Réunion le soir de l’assassinat du juge. La mafia considère à juste titre qu’il est plus facile de planifier à l’étranger une « opération humide » plutôt qu’en France. L’île de la Réunion étant département français, Allan ne devait pas y rester. Le 5 janvier 2006, les protagonistes de Triangle réagissent et tentent de mettre fin au forum en assignant le gérant du site de discussion Khmer-network.com en référé devant le tribunal de Grande Instance de Paris. Ce Franco-cambodgien a eu le courage de maintenir la discussion ouverte et les échanges à venir auraient sans doute révélés d’autres informations à exploiter par la justice. Le gérant est assigné à comparaître le 18 janvier à la demande de monsieur Pichlinski, celui que cite l’internaute « Collebert » et qui fournissait à Triangle les caméras miniatures, et de Pierot.
Les raisons invoquées pour demander la fermeture du site se résument à la diffusion d’accusations mensongères portées contre l’ONG cambodgienne qui risque de remettre en cause sa participation à un salon très important organisé par HEC, le 18 janvier 2006. Les «perturbateurs» qui accusent injustement l’ONG dans le forum sont clairement nommés dans le document remis au juge et une action en justice, au minimum pour diffamation, aurait dû suivre en toute logique. Mais rien ne s’est passé car les membres de Triangle se sont faits tout petit, il aurait en effet suffi d’une explication devant un juge pour que les affaires soient prises en compte officiellement, ce que ces derniers voulaient absolument éviter.
Avec le meurtre d’Allan, le trafic de drogue pourrait aussi être invoqué par la présence d’Alain Romani, d’André Calabro et les mouvements suspects de conteneurs maritimes entre le Cambodge et Djibouti. Il suffit de se rendre compte de l’expansion des laboratoires de « traitement Mouti », en zone franche sur le port de Djibouti, qui ont pris leur plein essor en même temps que le Cambodge s’ouvrait au monde, dès les années qui ont suivi le départ de l’ONU en 1993. Là encore, le juge Borrel a pu collecter toutes les preuves d’un trafic international où Djibouti n’est que le point de transit ou d’entrée pour tous types de matériels. Plusieurs articles de presse citent un lot important de grenades, d’armes et autres explosifs qui seraient arrivés en provenance de Tripoli. Ces grenades auraient servi, en partie, dans les attentats contre le bar l’Historil et très certainement contre le café de Paris en 1990. Hasard ou pas, cette information pourrait être renvoyée aux activités de la société française GEOS, spécialisée dans le conseil sûreté à l’international. En 2003/2005, cette société française avait plusieurs de ses «spécialistes» à Djibouti pour le compte de la Libye, alors que ce pays était en plein embargo international. Que faisaient-ils à Djibouti et pourquoi avoir travaillé pour le compte de Kadhafi ? La société GEOS avait, jusqu’à l’élection de Sarkozy, des dirigeants plutôt orientés «extrême-droite», avec des passés de néo-nazi pour certains de ses employés. C’est le cas entre autres d’Yvain Pottiez, intérimaire dans les sociétés de sécurité Normandy, Acting Out International (en 1992), Ambassy (en 1994) et ancien activiste violent, leader du groupuscule Verwolf constitué le 5 décembre 1998. Il dirigera les équipes terrain de GEOS pendant plusieurs années avant d’être interpelé aux abords de l’Elysée pour des raisons qui restent toujours obscures. Peu après l’élection présidentielle, les dirigeants de la société se sont empressés de clore leurs activités. Actuellement, la nouvelle direction est composée d’anciens policiers n’ayant plus le même profil d’extrême- droite. Un signe de plus que quelque chose se passe en France avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir.
Le plus étonnant dans cette société est que des extrémistes ou anciens extrémistes travaillaient avec des anciens militaires ne présentant aucun penchant d’extrême-droite. Encore plus étonnant est que dans les années 2002/2004 plusieurs témoins dans l’affaire de l’assassinat du juge Borrel ont travaillé ensemble dans cette société : Louis Vermay et Loïc Lucas, du 2e Bureau à Djibouti en 1995, Bruno Mercier, utilisé par la DPSD en 2000 au Cambodge. Au moins deux d’entre eux se sont retrouvés chez GEOS par un concours de circonstances bien étrange. Louis Vermay, alors colonel des troupes de Marine, effectue un stage de préparation au retour à la vie civile lorsqu’une animatrice lui fait part de l’intérêt porté sur sa candidature par une société nommée GEOS, il est aussitôt pris comme directeur des opérations. Bruno Mercier, qui vient de donner sa démission de sous-officier de carrière, termine un stage de reconversion lorsqu’un officier lui tend une adresse de société (GEOS)… qui pourrait être intéressée par sa candidature. Mercier n’est pas encore radié des contrôles militaires qu’il est déjà pris pour auditer en sûreté les hippodromes parisiens. Cinq ans après, ils se trouveront ce point commun que constitue l’affaire Borrel, très certainement un hasard, comme tous les hasards dans ces affaires de manipulation. Après leur sortie de la société, ils auraient été placés sur écoute à partir d’un pays étranger, ainsi que d’autres témoins cités dans l’affaire Borrel.
Les écoutes présumées, les manipulations, les jeux des uns et des autres pour présenter le blanc pour le noir et inversement, l’affaire Borrel semble tout avoir connu. Des innocents ont aussi payé pour servir la désinformation, c’est notamment le cas de Christian Georges. Cet ancien officier parachutiste est en vacances à Djibouti depuis le 2 octobre 2005 lorsqu’il est interpelé sur la plage de Doraleh, dans la matinée du 13 octobre, par le lieutenant Ali Aden Oumaneh, commandant la SRD68 de la Gendarmerie. Ce lieutenant Ali (Tho au Cambodge car la mafia est structurée suivant le même modèle dans chaque pays) surprend l’Européen entièrement nu, allongé à côté d’un enfant djiboutien également nu, ce dernier tenant entre ses mains un appareil photo. Ces déclarations, relayées par le procureur général de Djibouti, sont surprenantes quand on sait que la plage de Doraleh ne correspond pas spécialement aux plages du sud de la France. A Djibouti, il y a bien des fous qui se promènent nus jusque dans les rues mais la tendance vestimentaire pour aller se baigner est celle des pays musulmans, sans extravagance même s’il n’y a pas beaucoup de monde sur la plage. C’est pourquoi il existe des plages privées, réservées à l’armée française, où le monokini n’est toutefois pas autorisé, simplement toléré. L’information ainsi donnée est donc destinée à des occidentaux, qui plus est à des personnes qui ne connaissent pas Djibouti. Le témoignage des adolescents que le Français aurait rencontrés attestent qu’ils ont reçu de l’argent contre «services». Les enquêteurs de la Gendarmerie reconstituent donc son emploi du temps, il a tout d’abord rencontré deux jeunes garçons à côté de son hôtel, très certainement par hasard. Il les aurait ensuite accompagnés au bord de la mer, il serait plus juste de dire que les jeunes ne l’ont pas quitté comme c’est souvent le cas dans ce pays. Ensuite, il semble que le Français ne se rappelle plus de rien vu son état d’ébriété avancé. Mis en liberté provisoire mais sans son passeport, abandonné par l’ambassade de France, il préfère s’enfuir vers le Yémen sur un boutre (cf. l’affaire Daniel Lainé au Cambodge). Le consul de France serait alors intervenu pour l’aider à rentrer en France puis aurait changé d’avis. Malgré la bonne foi du Yémen qui aurait tout fait pour retarder son extradition vers Djibouti, il se retrouve de nouveau entre des policiers djiboutiens. Fin 2008, il est condamné à 17 mois de prison. Christian Georges a finalement été libéré le 14 avril 2009, après 20 mois de détention dans la prison de Gabode, il était accompagné par le Père Sandro qui a vécu la même mésaventure que lui. Des méthodes de désinformation et de manipulation qui ne sont pas sans rappeler celles utilisées par la cellule Cambodge.
Toute cette affaire et celle du Père Sandro n’a servi qu’à faire diversion et à semer le trouble dans la recherche de la vérité au sujet de l’assassinat du juge. Fausses et vraies informations ont dû se chevaucher, le tout orchestré par des professionnels français de la mafia. Il serait aussi utile de savoir pourquoi Christian Georges a décidé de prendre des vacances à Djibouti ? Ce pays n’est intéressant que pour ses grandes étendues ou sa plongée sous-marine mais en aucun cas pour sa capitale Djibouti-ville. Il n’y a rien pour un touriste, peut-être de jolies Ethiopiennes qui peuvent faire tourner la tête à plus d’un Français mais pas de commerce sexuel infantile. A quel niveau se situe donc la manipulation ? Selon les membres de sa famille, il aurait reçu des informations sur l’assassinat du juge Borrel et les aurait envoyées par SMS aussitôt interceptés par les services de la présidence. Dans ce genre de pays stratégique et dans un tel contexte géopolitique de guerre contre le terrorisme, tout le monde écoute tout le monde. Le schéma type de la manipulation débute donc peut-être en France où il a été incité à prendre ses «vacances» à Djibouti. Puis, les personnes qu’il a vues sur place et avec qui il s’est entretenu à Djibouti ville, ainsi que les SMS envoyés en France, ont fini par attirer l’attention des autorités djiboutiennes. Il suffit qu’ensuite un «conseiller» de ces mêmes autorités se manifeste pour que l’affaire prenne les dimensions qui ont suivi. La mafia peut non seulement réussir à manipuler une cible pour lui faire jouer un rôle de diversion, mais aussi un état comme celui de Djibouti et pourquoi pas l’Etat français. Tout lui est possible.
Force est aussi de constater que tous les moyens ne sont pas donnés à la juge Sophie Clément pour faciliter son travail. Dans l’assassinat du juge Borrel, aucun conseiller officiel ne l’assiste alors que pour comprendre l’affaire il faut aussi connaître le pays et sa culture, la vraie Franc-maçonnerie, les sectes, les méthodes de travail de l’armée française et celles de la mafia française. Concernant les méthodes de travail de l’armée, la juge a demandé la levée du Secret Défense pour connaître les mouvements de troupe français sur le terrain. Personne ne lui a dit que lorsqu’un véhicule militaire sort d’une caserne de Djibouti, son heure de sortie et d’entrée, ainsi que les personnes transportées et la destination finale, sont répertoriés non seulement sur le cahier d’évènement de chaque unité d’appartenance, mais aussi par le poste de sécurité par lequel le véhicule à obligation de quitter la caserne. Les documents où ces informations figurent ne sont pas classifiés et sont conservés aux archives sans limitation de temps. Elles peuvent être confirmées en consultant le registre de mouvements des armes que les militaires perçoivent avant de quitter leur caserne, ainsi que le registre de perception et réintégration des munitions. Ces documents ne sont pas classifiés et donnent toutes les informations sur les troupes qui se trouvent sur le terrain. Il faut bien entendu connaître ce fonctionnement pour savoir qu’il n’y a pas besoin de demander la levée du Secret Défense pour obtenir ces informations facilement accessibles. Mêmes les gendarmes, lorsqu’ils sortent et rentrent de leur quartier, remplissent ce type de registre qui n’est pas classifié sinon, éventuellement, « confidentiel défense ». Et dans l’affaire Borrel tout est rétention d’information, au plus haut niveau comme à la base. Il n’y donc pas besoin de faire lever le Secret Défense pour obtenir les réponses à ce genre de questions, sur le fonctionnement élémentaire des mouvements de troupes à Djibouti. Encore faut-il que tout le monde joue le jeu de la recherche de la vérité. A contrario, les informations fournies et trouvées par des personnes de bonne foi peuvent malheureusement s’avérer fausses. Désinformation et manipulations ne sont, hélas, jamais loin. Ce qui veut dire que la mafia a pollué ce dossier de fausses informations manipulées à outrance afin qu’il soit difficile pour la justice de distinguer la vraie vérité ou la fausse manipulation qui doivent cacher la seconde couche de fausse vérité ou de vraie manipulation, elle-même protégée par la troisième couche…

EPILOGUE
Devant cette dérive mafieuse qui déploie ses tentacules à partir des ex-colonies françaises vers la France, la question qui se pose est comment a-t-elle pu se développer ainsi ? Trois critères ont inévitablement été réunis : la facilité, l’impunité, la motivation.
La facilité : En 1945, la France repart de rien, c’est un pays ruiné et divisé qui doit se relever. De plus, le communisme menace et engendre une peur bien plus grande que celle que suscitait l’occupant nazi, qui, il faut le rappeler une fois de plus n’a menacé et atteint qu’une partie de la population française soit les juifs, les Francs-maçons, les vrais patriotes, et toutes les minorités n’étant pas dignes de vivre dans une Europe purifiée de ses imperfections. Le reste de la population et même les communistes jusqu’au 22 juin 1941, lorsque l’Allemagne nazie envahit l’URSS, supportait très bien la perspective du nouvel ordre imposé par l’Allemagne et le gouvernement de Vichy. A la faveur de la sortie de la guerre, la mafia légitime a su tirer parti de la situation et elle a en quelque sorte contribuée à maintenir le pays hors du chaos. C’est une façon de voir l’histoire. Elle a ensuite su tirer parti de la décolonisation et s’est imposée auprès des élites politiques africaines. La création de la Ve République a affermi sa position dans le pays et la montée en puissance du Service d’Action Civique a constitué une couverture associative idéale. Elle a passé des décennies à se renforcer, se nourrissant de la névrose institutionnelle liée au péril rouge. Le chemin tracé par elle et pour elle ne pouvait que lui permettre de se maintenir au fil des années, et de se développer car personne ne lui a opposé de résistance. Les années 1990, celles du plein essor de la mondialisation puis de l’apparition de la nouvelle menace islamiste, ont été les multiplicateurs tentaculaires de l’organisation secrète, jusqu’à échapper au contrôle de l’Etat après la chute du mur de Berlin et surtout après les attentats de New-York en 2001. On pourrait comparer la prise de vitesse (de pouvoir) de la mafia à celle d’une voiture qui prend un chemin départemental (1945) pour atteindre une vitesse suffisante afin d’emprunter une route nationale (1960) et enfin s’élancer à toute vitesse sur une autoroute (2001) puis prendre à partir de là toutes les directions voulues (tout types de trafics) sans pour autant avoir été stoppée dans sa dangereuse course. La voiture mafieuse roule maintenant plus vite qu’une voiture de Gendarmerie ou de Police.
L’impunité : Les gouvernements successifs de la IVe République ont vu dans la mafia légitime le partenaire sur qui compter pour participer au redressement de la France. La fin justifiait les moyens et les moyens faisaient cruellement défaut tant en Métropole qu’en Indochine ou en Algérie. Les effets immédiats de la Deuxième Guerre mondiale se sont fait sentir jusqu’en 1962. En 1958, la Ve République encore fragile ne pouvait se passer de la mafia et le SAC a été le moyen de maintenir le général de Gaulle à la tête du pays pour le plus grand bienfait des Français. Il est difficile par la suite de mettre fin à une organisation qui a prouvé son utilité et qui était légitimée par les plus hautes instances de l’Etat. Au fil des ans la mafia a aussi gagné son impunité en accumulant les dossiers brûlants de la vie politique française et prévoyant de s’en servir comme boucliers en cas de crise. L’impunité est totale envers la mafia, bien plus par exemple qu’envers les membres des services de renseignement français, l’affaire du Rainbow Warrior constituant à ce titre l’illustration concrète, et connue, où des agents de la DGSE ont été déférés devant la justice. Et les mafieux qui ont commercialisé des cassettes pédophiles avec meurtres ? Et ceux qui ont tués le juge Borrel à Djibouti ? La mafia évolue visiblement en toute impunité mais jusqu’à quand ?
La motivation : Si l’idéologie communiste tire sa force d’une motivation (ou endoctrinement) sans faille des camarades qui composent le parti, celle de la mafia est triple. Il existe d’une part de vrais anti-communistes de bonne foi, de vrais patriotes, comme il existe par ailleurs de réels malfaiteurs avides de pouvoir et d’argent, et enfin des cibles manipulées qui sont des victimes. La motivation diffère donc en fonction du type de mafieux mais qu’elle soit le fruit d’une forte conviction personnelle ou imposée, elle permet de prendre tous les risques pour transgresser les lois et la moralité. La motivation affichée par les mafieux exclut le doute et le repentir, n’est que positive et va de l’avant pour le bien de la famille et de la cause. Les militaires savent bien qu’un ennemi motivé peut surmonter tous les obstacles, et qu’il sera difficile à vaincre même à motivation égale. Les mafieux savent très bien que jusqu’à présent le pouvoir français n’a jamais été motivé à les combattre.
Pour toutes ces raisons, le pouvoir français depuis la Deuxième Guerre mondiale pourrait être accusé d’être coupable d’avoir nourri des trafiquants, des meurtriers, d’avoir entretenu des néo-nazis, des néo-colonialistes. Peut-être est-ce le cas, mais un avocat n’hésiterait pas à invoquer les circonstances atténuantes pour défendre tous les présumés coupables des faits reprochés. Que serait-il advenu de la France si le général de Gaulle n’avait pas accueilli dans ses rangs les attentistes et tendu sa main à tous les Français qui avaient applaudi Pétain ? La France en aurait certainement perdu sa souveraineté, les Français se seraient déchirés dans une guerre civile ou encore serait-elle devenue un satellite de l’URSS si les anciens de Vichy n’avaient pas repris en main l’administration du pays en occupant les postes clefs. Peut-être les Français auraient-ils aussi été plus heureux sous dictature communiste ? La présence du SAC aux côtés du général de Gaulle pourrait amener à la même réflexion, à la question du respect des lois et de la moralité à une période où la guerre civile constituait toujours une réelle menace pour la France. Les réseaux Foccart ont-ils apporté une certaine stabilité à la France et à l’Afrique en pleine guerre froide ? Et éviter des guerres ou au contraire en provoquer ? Toutes ces questions sont intéressantes à aborder mais l’avocat avancerait que rien par le passé n’a été remis en question et jugé. Le délai de prescription est atteint et
la grande majorité des acteurs passés ne sont plus de ce monde. Peut-être que la fin justifiait les moyens et que de toute façon personne ne pourrait juger de la nécessité des moyens mis en oeuvre car, pour bien appréhender le contexte d’alors, il faudrait revivre l’époque dans son intégralité, ce qui n’est pas possible. Le passé est figé et, s’il ne doit pas être oublié, c’est plutôt de l’avenir qu’il faut se préoccuper.
Chercher des coupables ou des boucs-émissaires sur les raisons de l’existence d’une mafia Franco-française dans la deuxième décennie du XXIe siècle serait faire le jeu des mafieux. Une diversion de plus qui leur permettrait de mettre en oeuvre des scénarios de manipulation qui les protégeraient. Une opportunité attendue pour renforcer ses rangs et poursuivre sa politique africaine et néo-colonialiste, ce qui irait à l’encontre des orientations de la politique française actuelle. Ce qui pouvait être légitime hier ne l’est certainement pas pour l’avenir, et la situation de la France n’est pas celle de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Le monde change, comme la mafia a changé au cours des années. Elle ne représente plus désormais qu’un intérêt limité pour les malfaiteurs qui la composent et rien ne saurait dorénavant justifier son existence ou qu’on la tolère. Il faut au contraire tout mettre en oeuvre pour la combattre et la démanteler afin que chacun, à l’avenir, puisse vivre librement dans le respect des lois.

Note
1 Viêt-Cong était le nom donné par les américains aux miliciens communistes du Sud-Viêt-Nam pendant la guerre du Viêt-Nam.

2 Caldoche est le terme qui désigne la population blanche essentiellement d’origine européenne (mais pouvant avoir connu un fort métissage) installée en Nouvelle-Calédonie depuis une ou deux génération au minimum, voire jusqu’à la colonisation commencée au milieu du XIXe siècle.

3 En 1988, les véhicules qui équipaient les troupes venues en renfort en Nouvelle-Calédonie étaient ceux laissés par les américains en 1945 qui avaient combattu les Japonais à partir de l’île française.

4 Kanak ou canaque est le nom utilisé pour désigner les populations autochtones de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique Sud. Le terme est aujourd’hui empreint d’une forte charge identitaire et il est devenu l’un des symboles des revendications culturelles et politiques des néo-calédoniens autochtones.

5 L’opération Victor est celle qui a été déclenchée pour retrouver et libérer les Gendarmes pris en otages après l’attaque par des indépendantistes Kanak de la Gendarmerie de Fayaoue, où trois Gendarmes seront tués.

6 Le char T55 est un engin blindé conçu par l’Union soviétique qui équipait l’armée Ethiopienne.

7 Les Afars forment un peuple d’Afrique de l’Est d’environ 1 660 000 personnes vivant pour 1 075 000 d’entre eux en Ethiopie, 445 000 en Erythrée et 310 000 à Djibouti. Leur nombre est estimé à 3 millions et demi de personnes. Ils sont majoritairement de confession islamique sunnite et parlent une langue couchitique, la langue afar.

8 La plus grande ville du Vietnam s’appelait Saigon jusqu’en 1975 date de la victoire des communistes nord-vietnamiens où la ville prit le nom de Hô-Chi-Minh-Ville.

9 La bataille de Dien Bien Phu commença le 20 novembre 1953 par l’opération « Castor ». Elle vit le sacrifice des troupes françaises engagées, en particulier des troupes parachutistes, de la Légion étrangère, des Troupes d’Afrique, du Bataillon vietnamien, etc. Les Français, à bout de munitions, se rendront le 7 mai 1954. Bilan côté français : 2 293 morts, 11 800 prisonniers, 5 195 blessés, moins de 1 français sur 10 sortira des camps de prisonniers du Viêt-Minh.

10 La Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) est rattachée directement au Premier ministre. Sa mission fondamentale est d’assurer la collecte et l’analyse du renseignement (politique, économique, technologique et militaire), le contre-espionnage offensif et défensif hors de France. Son organisation est protégée par le Secret Défense.

11 Le nazisme est une idéologie politique, qui a émergée en 1920 en Allemagne. Le parti nazi divisait l’espèce humaine en races, où la race aryenne devait dominer. Jusqu’en 1942, les SS devaient être adhérents au parti nazi. Suite aux lourdes pertes sur le front de l’Est et à partir de cette époque, ce n’était plus une obligation. Qualifier l’armée allemande, d’armée nazie est donc une erreur.

12 En août 1943, Foccart monte son propre réseau de résistance pour le compte du Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de Londres. A la libération, il intègre la Direction générale des études et recherches (DGER, le futur SDECE – Service d’espionnage et de contre-espionnage), les services spéciaux que dirige un gaulliste historique, Jacques Soustelle. Son nom est évoqué par la SRPJ de Rouen en 1953 comme étant lié à deux énigmes criminelles, l’affaire François Van Aerden à Rânes et l’affaire Emile Buffon à Joué-du-Plain en 1944. Jacques Foccart a été l’un des principaux initiateurs de la politique africaine française après la décolonisation. Toujours influent, il meurt le 19 mars 1997.

13 Même si des entreprises et des particuliers français se sont enrichis grâce à la colonisation, les colonies africaines n’ont pas enrichi la France métropolitaine. Les investissements ont effectivement coutés plus chers que ce que les colonies ont rapporté.

14 Au Royaume Unis, le MI6 fut créé en 1909. Il a pour but de protéger le pays de toute attaque terroriste extérieure au pays et de conduire des activités d’espionnage à l’extérieur du Royaume-Uni, contrairement au MI5 chargé de la sécurité à l’intérieur des frontières.

15 « Un pont trop loin » est un film réalisé par Richard Attenborough et sorti en 1977. Il retrace la tragédie de la bataille d’Arnhem.

16 Les Francs tireurs et partisans (FTP) également appelés Francs tireurs et partisans français (FTPF) est le nom du mouvement de résistance armée créé en France à la fin de 1941 par la direction du pari communiste. Ce mouvement est né suite à la rupture du Pacte germano-soviétique et l’invasion de l’URSS par les troupes hitlériennes, le 22 juin 1941.

17 Le SAS (abréviation de Special Air Service) est une unité de forces spéciales britanniques, créée en 1941. Adolf Hitler écrivait à leur sujet: « Les troupes SAS prisonnières seront remises immédiatement à l’unité de la Gestapo la plus proche. Ces hommes sont très dangereux. La présence de troupes SAS dans n’importe quel secteur doit être immédiatement signalée. Elles seront exterminées sans pitié. »

18 La Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) était un partir politique socialiste français, créé en 1905. En 1969, la SFIO devient le Parti socialiste.

19 Le Mouvement Républicain Populaire (MRP) est un ancien parti politique français, classé comme démocrate-chrétien et centriste. Il se voulait le parti des résistants démocrates-chrétiens qui souhaitaient dépasser le clivage droite-gauche et celui de la « fidélité » au Général de Gaulle.

20 Au début de la guerre, Giraud avait désapprouvé la tactique préconisée par le Lieutenant-colonel De Gaulle qui consistait à employer des blindés pour percer les lignes ennemies. Pendant la guerre, Giraud interdit l’accès des officiers et soldats juifs aux unités combattantes, au détriment de l’armée d’Afrique. Son but était de les empêcher d’utiliser par la suite leurs décorations et autres titres militaires pour récupérer leur citoyenneté française.

21 La résistance juive aux Anglais culminera en 1946 avec l’attentat contre l’Etat Major Britannique logé dans l’hôtel King David. L’attentat fût très sanglant.

22 Le 1er juillet 1940, il rejoint le Général de Gaulle à Londres. Il est chargé de la direction des 2e et 3e bureaux. Il sera pendant trois ans, l’organisateur et le chef des services secrets de la France libre.

23 Dès la sortie de la guerre et durant toute la guerre froide, le Pati Communiste Français reste inconditionnellement inféodé à l’URSS. Le culte de Staline est célébré sans restriction dans l’ensemble de la presse communiste française.

24 La Central Intelligence Agency ou CIA « Agence centrale de renseignement » est fondée en 1947. L’agence américaine est chargée de l’acquisition du renseignement par l’espionnage et de la plupart des opérations clandestines effectuées hors du pays.

25 Le « Viet Minh » était une organisation politique et paramilitaire vietnamienne, créée en 1941par le Parti communiste indochinois et qui visait l’indépendance du Viêt Nam qui était une colonie française.

26 Les Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS) sont créées en 1944 et réorganisées en1948. Elles forment un corps formé aux techniques antiémeutes.

27 Créée en 1922, l’Union des Républiques Socialistes Soviétique s’est éteinte le 31 décembre 1991.

28 La CIA a commencé à travailler avec Oussama Ben Laden dès 1979 dans la cadre de la lutte contre l’armée soviétique occupant l’Afghanistan. Cette relation s’est poursuivie, notamment après 1994.

29 Le Cambodge compte près de 800 ONG occidentales dont la plupart n’apportent rien au pays.

30 Siem Reap est une ville située à proximité des Temples d’Angor et à environ 314 km au nord-ouest de la capitale Phnom Penh. Les touristes y sont nombreux et c’est autant de cibles pour la mafia.

31 Le réseau «K » est doté d’un responsable par pays européen.

32 Les « Guest House » sont de petites pensions de famille au confort minimum où le prix des chambres est faible.

33 Soit pour dix ans d’activité, environ 2000 cibles compromises au Cambodge.

34 Appelé avant la démocratisation du pays « Garde Présidentielle » composée de mercenaires français.

35 Un coup d’Etat de Hun Sen évince Norodom Ranariddh du pouvoir.

36 Similitudes avec l’affaire de l’assassinat du Juge Borrel à Djibouti.

37 Direction de la Surveillance du Territoire. Le décret du 22 décembre 1982 fixait ses attributions. C’est ainsi que cette Direction avait compétence pour rechercher et prévenir, sur le territoire national, les activités inspirées, engagées ou soutenues par des puissances étrangères et de nature à menacer la sécurité du pays.

38 Time Warner Inc. (anciennement AOL Time Warner) est un conglomérat actif dans le secteur des médias, né en 2000 par la fusion d’AOL – fournisseur d’accès Internet – et de Time Warner – publication, production de films, et d’émissions de télévision. En janvier 2000, au moment de la fusion entre AOL et Time Warner, la capitalisation était de 280 milliards de dollars.

39 L’organigramme cité dans le document présenté en annexe précise un informateur de Triangle dans l’Ambassade de France.

40 Présentée dans son intégralité en annexe.

41 Centre d’action de déminage au Cambodge. L’organisme découvre environ 100 000 mines par an. En 2006, on estimait que les 460 km dangereux restants pouvaient être déminés dans les dix prochaines années.

42 Sozialistische Einheitpartei Deutschland : Parti Socialiste Unifié d’Allemagne.

43 Haut lieux de la prostitution à Phnom Penh où les enfants sont proposés.

44 Présentée dans son intégralité en annexe.

45 Ville qui s’est développée durant la guerre du Vietnam par les américains qui s’en servaient comme base de repos et de détention pour leurs soldats condamnés à des peines de prison par les tribunaux militaires.

46 Arjo Wiggins Security, Groupe français, est le n°1 mondial des papiers pour billets de banque et papiers de sécurité.

47 La Direction du Renseignement Miliaire (DRM) fut créée en 1992, par Pierre Joxe, alors ministre de la Défense, pour rassembler les différents services de renseignement des armées. Elle est chargée du recueil de l’information, de son analyse et de la diffusion du renseignement vers les armées, les forces en opérations et les organismes centraux de la défense.

48 Les trois points disposés en triangle équilatéral, dont un sommet est dirigé vers le haut, sont souvent employés pour abréger les mots « Franc-maçonnerie » ou « Francs-Maçons », ce qui a valu aux Maçons d’être appelés « frères Trois points. »

49 La Franc-maçonnerie est issue des confréries de bâtisseurs. L’équerre et le compas sont les outils qui la symbolisent.

50 Le dernier détachement français de l’APRONUC a édité en novembre 1993 une revue souvenir qui a été distribué aux 700 militaires ayant participé à la mission. Il est précisé que 60% des armes retirées aux différentes factions ont été détruites car elles étaient en trop mauvais état.

51 Le 13 janvier 2002, à quelques semaines de l’élection présidentielle, une note de la DST, mystérieusement rendue publique (après un article du journal « L’Est Républicain»), indique que la libération des otages français au Liban (1985-1988) avait fait l’objet d’un paiement de rançon, ainsi que d’un système de «rétro-commissions» qui aurait profité à Jean-Charles Marchiani et Charles Pasqua.

52 Les huit critères : Jean-François Gayraud « Le Monde des mafias » édition Odile Jacob.

53 Pour les Franc-maçons : A midi c’est à dire au milieu de sa vie, moment ou ayant acquis une certaine expérience et pouvant plus sûrement dominer ses passions on peut espérer être le plus utile aux autres. Mais une fois le travail commencé il doit se poursuivre jusqu’à minuit c’est-à-dire jusqu’à la fin de sa vie.

54 Fusil d’Assaut de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne.

55 Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste.

56 Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale.

57 Le Secret Défense est défini par l’article 423-9 du code pénal. Un texte classifié « SD » sera accessible au public que 60 ans après sa classification. Le « Secret Défense » est réservé aux informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire gravement à la défense nationale.

58 Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie.

59 Le mois de septembre correspond à la fin du Plan Annuel des Mutations (PAM) et à Djibouti la date est celle où les familles rejoignent leur mari qui vient d’être muté ou celle du retour des familles qui rentrent de vacances de France.

60 5e Régiment Interarmes d’Outre-mer.

61 13e Demi-brigade de Légion étrangère.

62 10e Bataillon de Commandement et de Soutien.

63 En annexe un message se référant à Triangle Holding du Cambodge, cite l’Ordre du Temple Solaire comme en étant une supposée branche.

64 Le Maillet est le Ciseau sont les outils de l’apprenti Maçon : Cette paire d’outils impose à la pierre la volonté de l’ouvrier. D’une main, il frappe le ciseau avec le maillet pour tailler et créer une forme a la ressemblance de celle qu’il imagine.

65 C’est un non initié aux « mystères et privilèges » de la Franc-maçonnerie. Qui n’est pas un franc-maçon.

66 Direction Protection Sécurité Défense. Cette Direction est rattachée au Ministère de la Défense et dépend directement du Ministre. Ses missions sont : Prévenir et rechercher les atteintes à la défense Participer à la répression du commerce illicite des armes Etablir les liaisons avec les autres services de l’Etat : DGSE, Police, DRM, Douanes, etc. Son organisation est protégée par le Secret Défense

67 Le Rassemblement pour la République (RPR) est créé en 1976 sous l’impulsion de Jacques Chirac. Le parti se revendique du Gaullisme. Il s’est auto-dissout dans l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) en 2002.

68 Section de Recherches et de Documentation appartenant au Groupement Judiciaire

PIÈCES À CONVICTION
• PIÈCE À CONVICTION 1
A la mémoire des victimes des attentats de Djibouti
Djibouti, le 18 mars 2007 par Jean Dalmau, blessé dans l’attentat de Djibouti, 18 mars 1987
Les souvenirs de cet attentat me hantent toujours malgré le temps qui passe. Comment oublier ces 15 morts et ces dizaines de blessés ? Comment oublier ces amis disparus, ces gens dont la destinée a voulu qu’ils soient au mauvais endroit, au mauvais moment ? Comment oublier le désespoir des familles ? Comment ne pas culpabiliser en se disant pourquoi eux et pas moi ? Comment ne pas se souvenir de la désolation, de la souffrance, de la poussière, du silence, du sang ? Comment oublier quand quotidiennement vous souffrez trop dans votre corps et qu’avec les années qui passent, de nouveaux maux apparaissent ?
Comment oublier quand, soudain, lors de la lecture d’un article sur l’assassinat du juge Borrel à Djibouti, vous découvrez que l’assassin possible est celui qui a commis l’attentat du 18 mars contre le café « l’Historil » et qu’il ne regrette pas son engagement pour la cause palestinienne.
Comment ne pas oublier quand, pour vous, le coupable de tous ces morts et de ces blessés graves est en liberté alors qu’il avait été condamné à la prison à vie ! Un sentiment de colère vous habite car vous ne pouvez pas faire votre deuil de cet horrible moment de votre vie, faute d’avoir pu assister à un procès, même tronqué, que l’on ne vous a pas entendu, que vous n’avez jamais pu regarder les yeux dans les yeux le coupable et lui demander pourquoi il a fait cela ?
Colère également de voir que cet attentat n’a jamais été évoqué dans les discours officiels, dans les journaux, alors que c’était la France qui était visée et que des militaires français et des coopérants sont morts et d’autres sont handicapés à vie.
Les souffrances psychologiques et corporelles, les troubles anxieux, l’état de stress, le fait de revivre l’évènement, les troubles phobiques et dépressifs continuent malgré le temps qui passe et je souhaite qu’avec cet article on n’oublie pas, grâce à S O S Attentats, toutes les victimes décédées ou handicapées, leurs familles, qui ont payé un lourd tribu au terrorisme, ce jour du 18 mars 1987 à Djibouti. Pour moi, c’est comme si c’était hier.
• PIÈCE À CONVICTION 2
• PIÈCE À CONVICTION 3
Courrier de Pierot du 26 juin 2000 destiné à sa hiérarchie Actuellement Triangle Holding à Phnom Penh, c’est :
PIEROT( Autorité )
Personnel cambodgien
–Rith ( lieutenant de police ) Salaire 200 usd moisChef de section, enquête, interventions sur terrain (excellent élément)
–Ton (administratif, traducteur) Salaire 200 usd mois Resp. Administratif
(excellent élément )
–Ron (sergent de police) Salaire 120 usd mois
Enquêteur et interventions sur terrain (bon élément)
–Faciline (agent spécial) à la vacation
–Personnel féminin, travail en immersion, enquêtes et renseignements, auprès cibles expatriées. Cet agent a un physique de mannequin qui fait craquer tous les mecs. Elle travaille sur les opérations spéciales. (excellent élément)
+ Hommes de rangs utilisés selon les opérations pour filatures, etc …
Personnel français
–Frédéric Amat Enquêteur et investigation sur terrain. A la vacation. (très bon élément)
–Patrick Mercier Enquêteur (Il n’est pas terrible car c’est un faignant)
C’est une très bon équipe, mais selon moi, pas exploitée à fond. Par exemple, je t’assure que Faciline peut te ramener tout ce que tu veux auprès des cibles que l’on peut lui désigner …
Ainsi, par exemple, Faciline a dans ses filets le numéro 2 de Time Warner ( CNN, etc … ) qui ferait n’importe quoi pour elle. Elle m’a fait un rapport sur lui et j’ai pas mal d’info …
Je pense que le Directeur général DGSE ne serait pas capable d’avoir un agent infiltré comme ca auprès de lui. Nous on a ! Mais au bénéfice de qui ?
Facilinne a du premier choix et c’est un excellent agent qui a levé des affaires, intelligente et capable …Mais pourquoi on n’exploite pas son potentiel !
Pierot
• PIÈCE À CONVICTION 4
—– Messaged’origine—–
De: Principal<[email protected]>À : Echo
Date : mardi 11 juillet 2000 05:01
Salut,
Informations contradictoires pour le jap. Le patron de la brigade m’a dit hier que non, que des flics japonais étaient venus le chercher pour extradition et qu’il est au trou au Japon.
Le commandement, très content de notre coopération, veut lancer de vastes projets anti drogues. Et il veut que je participe personnellement à des opérations avec lui. De plus il veut s’attaquer à la mafia chinoise …Je dois le revoir pour causer de tous cela. Qu’en penses-tu ?
Rencontre avec le commissaire Mignana. Ok avec lui … Il connait mon épouse ( enfin ex épouse, mais on se voit toujours ) qui est procureur à Marseille, car il était chef des stup à Marseille avant. Nous avons parlé de Chevalier, définivement canaille et démonétisé …Je sais que tu avais eu avec lui le début d’une relation amicale, comme moi d’ailleurs, mais il s’avère que c’est un baltringue très nocif, mythomane et dangereux.
Autre chose nous concernant, il faut préciser à tes interlocuteurs que, avant, nos interlocuteurs étaient civils, puisque DST. Et que si nous changeons d’interlocuteurs, c’est pour que cela soit mieux, plus efficace et avec des moyens. Je ne vois pas vraiment d’idéalisme là-dedans … Penses-tu que cela va se concrétiser par qqchose qui fonctionne ?
A+ Pierot
From: renucci claude
To: Alpha
Sent: Thursday, November 06, 2003 9:41 AM
Subject: Re: Re:
Code d’identification contact jpdp : couleur orange
Il faut lui dire cela pour certifier que vous êtes notre mandataire. Il est possible que Pierot dise qu’il ne voit pas Daniel Lainé, mais ne vous laissez pas impressionner et dire que nous avons été très gentils avec lui mais que cela peut changer. Le contact ne doit pas durer plus de 10 mn.
Merci de rendre compte.
Soyez prudent pour canal, ne grillez pas Pierot car cela risque d’être contre-productif pour la suite. Si canal + doute des infos de Daniel Lainé, dites lui que nous avons/ vous avez un gros dossier (on les alimentera après éventuellement), que Daniel Lainé manipule canal et c’est explosif. N’en dites pas plus et ne vous faites pas manipuler par canal.
Merci de rendre compte.
Claude Renucci
[email protected]
• PIÈCE À CONVICTION 5
Monsieur Duchateau
le18.02.2002
Monsieur l’Ambassadeur du Japon
Japanese Ambassy
Norodom Blvd
Phnom Penh – Cambodge
Monsieur l’Ambassadeur,
je vous expose une affaire impliquant un ressortissant Japonais dont l’état civil est le suivant :
Kobata Kazuyuki , né le 07/05/1970 à Osaka – Passeport N° TF 2193409- Employé portuaire.
M Kobata a été arrêté pour acte pédophile en 2000 au Cambodge. Il est peut-être actuellement en prison au Japon.
Je déclare à ce jour que M Kobata a fait l’objet d’une manipulation de la part de français résidants au Cambodge. Ces français l’ont, par des moyens détournés et avec la complicité de cambodgiens, incité à commettre le délit. M Kobata a ensuite été dénoncé par ces mêmes français à la police cambodgienne. Je détiens le rapport d’investigation et d’arrestation de M Kobata rédigé par ces français.
Un autre Japonais, a lui été protégé pour ses actes pédophiles à la même époque. A l’heure actuelle, il est certain que ces français ont des rapports privilégiés avec des pédophiles japonais en visite au Cambodge dans un but commercial.
J’ai été associé à ces français et lorsque j’ai compris leurs activités malhonnêtes, j’ai quitté cette association. Malgré les menaces que je subis, je vous révèle cette affaire. Kobata n’aurait pas commis ce délit s’il n’avait pas été manipulé.
Les noms et adresses de ces français : Pierot et Franchi , Société de droit cambodgien
« Triangle Holding « 99b Sihanouk boulevard Phnom Penh.
Je reste à votre disposition pour vous apporter mon témoignage officiel.
Veuillez agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de ma très haute considération.
• PIÈCE À CONVICTION 6
—– Original Message —–
From: «renucci claude» <[email protected]>
To: Alpha
Sent: Sunday, November 09, 2003 9:46 PM
Subject: Re: suite
Nous avons reçu votre message.
Canal : Ok. Il est possible que nous donnions d’autres informations mais nous réfléchissons sur la conduite à tenir avec Canal + car il existe un risque de dérapage.PDP : Il est possible que nous vous demandions un nouveau contact avec lui dans les prochaines semaines.
Il ne doit pas quitter Paris mais il nous a demandé de partir une semaine à Marseille pour raison personnelle. Nous avons dit ok mais il doit être de retour lundi 17/11. Ne remuez pas trop le passé car nous connaissons bien ce dossier. Donc ne suscitez pas de problème indu.
—– Original Message —–
From: «renucci claude» <[email protected]>
To: Alpha
Sent: Tuesday, November 11, 2003 11:03 AM
Subject: urgent
Bonjour,
Nous enregistrons cette info. Nous sommes confrontés à une difficulté. Le retour que nous avons par une autre source fiable dans Canal indique que votre contact n’a pas gardé le silence sur les renseignements remis. Nous pouvons citer un autre nom, Bernard ZEKRI, Directeur de I Info, marié à une allemande issue de la RDA, membre de l’ancien SED. C’est lui qui manage le réseau auquel appartient Daniel Lainé, et d’autres d’ailleurs, tous d’anciens militants de l’extrême gauche dure et qui ont été cornaqués à l’époque par des services des pays du bloc de l’Est, donc pas seulement l’ancien KGB. Ce réseau existe toujours, gangrène tv et presse en France et il est très actif en terme d’intoxication. Il est lié aux mafias, même si les russes avec Poutine veulent y mettre de l’ordre. Tous cela pour vous informer que dl
avec Zekri sont vraisemblablement au courant de la fourniture de ces renseignements les concernant via votre contact et ils vont tout faire pour écraser l’affaire, sans doute en ridiculisant l’histoire ou en faisant peur, Moriera compris. Ceci étant, cela a donné un coup de pied et nous verrons ce qui va se passer en interne. Daniel Lainé est rentré hier et nous le surveillons. Nous vous demandons d’informer immédiatement votre contact en lui recommandant la prudence et citant le nom de Zekri.
Prière de nous rendre compte.
Merci
—– Original Message —–
From: renucci claude
To: Alpha
Sent: Tuesday, November 11, 2003 4:39 PM
Subject: Re: urgent
Merci pour ce retour.
Canal : Nous faisons une évaluation de la situation et nous vous tenons informé. Qu’il réagisse comme cela est très normal mais l’important est qu’il remonte les infos, ce qu’il fait. Ceux qui doivent savoir que l’on sait le savent maintenant. Mais il est clair que Despratz qui est un «pur» va devoir être très frustré car rien d’un point de vue journalistique sortira de cette histoire et rien ne serait jamais sorti. Cela vous le saviez même si c’est canal qui est venu vous chercher. Il est possible qu’ils retournent la situation en expliquant que vous êtes manipulé ou que vous voulez les manipuler ou que vous intoxiquez. Peu importe ! En fait votre contact avec Canal n’était pas prévu et nous n’avons fait que profiter pour donner un coup de pied. De ce point de vue, c’est réussi !
Pierot : possible demande de contact lundi 17/11
• PIÈCE À CONVICTION 7
Messages échangés entre la France et le Cambodge
Sujet : Re: gg
Date : 02/01/01
Bonjour,
Je vous remercie beaucoup pour votre réponse. Qui vous a parlé de moi au Cambodge ?
Je tiens à vous informer que l’affaire «Triangle Holding» est effectivement très dangereuse car se sont des mafieux à la tête de tout, et surtout très dangereuse pour votre Pays, sachant que les «trafics» démarrent de là-bas. C’est une affaire très délicate, et pour laquelle je reste très prudente, mais j’accepte bien volontiers votre aide, qui me sera très précieuse pour avancer.
Dites-moi le numéro du compte à Paris où vous alliez faire des virements, svp ?
Dites-moi le nom du CHEF corse, dont vous m’aviez parlé, svp ?
Merci de me donner tous les renseignements de la vie quotidienne des personnes de « Triangle Holding », et merci d’essayer également de m’obtenir le maximum de précisions sur leurs actions habituelles : c’est très important pour les arrêter dans leur mission.
Beaucoup de choses sont en cours actuellement contre cette affaire, croyez-moi, ça va bouger…
J’attends de vos nouvelles très régulièrement, et je vous fais vraiment confiance.
Mr Bruno va bien et attend comme moi vos réponses. Dans l’attente de votre réponse,
Je vous présente mes meilleurs voeux pour la nouvelle année 2001.
A très vite
Géraldine
Sujet :
Date : 06/01/01 04:30:44 Paris, Madrid
To: [email protected]
A Madame G,
J’ai bien reçu votre dernière lettre et je vous remercie.
Pour la banque italienne, c’est difficile car je n’ai plus les papiers et la Mémoire pour ca, mais le grand monsieur que vous connaissez doit le savoir. Il y a aussi les papiers de tout ca au bureau de Triangle à la boulangerie. Peut-être faut-il demander à la police de Phnom Penh de prendre ces papiers. Si vous voulez et parce que c’est grave, je peux moi demander en secret que la police vienne pour ca.
Il y a aussi mon ami journaliste qui pourrait être utile. Car un jour il travaillait le soir au bureau pour finir son travail et monsieur Jean pierre lui avait donne les clés pour tout fermer après. Et mon ami car il voulait les clés pour lui, en a fait des doubles.Ca c’est possible pour être très utile car il a la clé pour ouvrir le bureau où se trouvent tous les dossiers confidentiels cachés par monsieur Jean pierre. Peut-être il faut donner les clés à la police pour chercher les secrets ?
Pour le monsieur qui est corse, je peux aller à l’alliance française pour chercher le journal qui parlait sur lui. Apres je vous dirai le nom et la date du journal. Ca c’est sur que c’est le grand responsable de triangle car un jour de l’année dernière en janvier, je travaillais a la villa de Triangle près de l’hôpital français Calmette, et j’étais au bureau. Et monsieur Jean pierre est venu avec monsieur Philippe avec le monsieur grand pour parler en secret. Moi j’avais peur parce qu’ils n’avaient pas regardé dans la pièce où j’étais car ils pensaient qu’ils étaient tout seul. Alors je n’ai pas bougé et ils ont parlé de leur chef en secret, et le monsieur maigre a dit ce que le chef voulait et avait dit pour le travail au Cambodge. Monsieur Jean pierre rigolait beaucoup mais lui il rigole toujours, et il parlait de leur chef parce qu’il le connait de la Corse. Ils étaient un peu embêtés car il y avait un article sur lui dans un journal français. D’autant plus que leur chef est très très secret dans Triangle et personne ne doit savoir tout ca dans Triangle. Apres ils sont partis et moi j’ai été a l’alliance française pour trouver l’article par curiosité. C’est comme ca que je sais.
Message du 08 janvier 2001 adressé auprès d’une personnalité politique Cambodgienne par un français qui menait des investigations sur les activités de Triangle
Monsieur,
Connaissant votre influence au sein du pays, je dois vous signaler un réseau mafieux opérant à Phnom-Penh et représentant un réel danger pour le Cambodge.
Ce réseau a été mis en place par des français PIEROT et FRANCHI qui sont les gérants de la société « Triangle Holding ». Cette société regroupe plusieurs activités : le journal « Principal », la « Boulangerie Française » (99 B, Preah Sihanouk Boulevard) et des activités de « Renseignements » au sein de l’agence « Kéops (société d’investigations) ».
Ces français attirent des investisseurs alors que la société est déficitaire depuis le début de sa création. Les escroqueries permettent d’équilibrer les comptes mais ne suffisent à combler les pertes. Donc, de l’argent provient d’autres sources, que je ne peux actuellement révéler, et ce, par sécurité.
PIEROT prétexte travailler avec le lieutenant « Tho » de la police des Etrangers pour défendre les intérêts du Cambodge (en particulier en matière de lutte contre la pédophilie, et cherche à accroître un réseau de renseignements). En réalité, Jean-Philippe PIEROT et Jean-Pierre FRANCHI se renseignent sur tout le monde et exploitent les renseignements pour leur compte personnel, en procédant ainsi :
√ en vendant les renseignements aux gens ou organismes intéressés
√ en s’attirant la sympathie d’organismes privés
√ en recherchant l’appui de personnalités du pays dont Mme le ministre de la condition féminine et le Vice-gouverneur, tout en leur substituant des renseignements sur la vie politique
√ en recherchant des subventions
√ en protégeant des pédophiles .
Jean-Philippe PIEROT entretient des rapports avec des organismes privés en France et dans le monde entier. Le danger est qu’il se fait passer pour un agent des services secrets français ce qui est totalement faux. Il entretient autour de lui une atmosphère laissant croire qu’il est investi d’une « mission » provenant de l’Etat Français. C’est pourquoi, grâce à une intelligente manipulation, identique à celle exercée dans une « Secte », il arrive à endoctriner des adeptes. Il nomme des « agents secrets» et leur donne ensuite à surveiller quelqu’un au Cambodge. Ses agents Cambodgiens, Français, Australiens, Vietnamiens …sont pour certain, tellement endoctrinés qu’ils sont capables de tuer sur ordre. C’est le cas de Mr Antoine COSTANTINI, qui a été nommé dans les bureaux de Jean-Philippe PIEROT : « agent au service de la France « en septembre 2000 dernier. Cet homme avait rencontré le Ministre du Commerce à cette époque. Il est extrêmement dangereux.
Les agents « permanents français» de Jean-Philippe PIEROT sont, pour ne citer qu’eux : Xavier MATHEVET, François PELLISSIER, Frédéric AMAT… qui ont espionnés, à plusieurs reprises de hautes personnalités Cambodgiennes. Les « agents cambodgiens « sont nombreux : le lieutenant « PIRIT » de la police, le traducteur « TON » (qui connaît bien tout le réseau), trois officiers supérieurs de police, et une dizaine « d’hommes de main « et bien d’autres encore.
Très discret, ce réseau a des informateurs un peu partout dans la société cambodgienne, dont un informateur auprès du cabinet du « Prince RANARIDH ».
Des renseignements diffusés par Jean-Philippe PIEROT font d’ailleurs état « des pratiques du Prince et de certains membres de son cabinet «.
Jean-Philippe PIEROT et Jean-Pierre FRANCHI ont en plus, de nombreux créanciers avec lesquels ils sont en conflits. C’est le cas de deux français qui s’étaient associés et qui ont refusés, de participer à ces pratiques illégales. Ils sont repartis en France en octobre 2000, accompagnés de menaces.
Je pourrais, si cela devait être utile pour le pays, vous donner d’autres indications sur ce réseau, qui reste un réseau très grave, puisque les pratiques que je définies ci-dessus ne sont que de petites révélations, par rapport à l’énorme « trafic » illicite que ces personnes cachent.
Message du 15 juin 2001 envoyé par un français témoin des activités de triangle à un autre français
Bonsoir BR,
Je viens de lire ton message crypté : l’article de France Dimanche…bien entendu qu’il y a un rapport mais pas forcément direct…l’une des filières de Triangle Holding est l’Ordre du Temple Solaire…avec vente d’armes pour le blanchiment d’argent. L’OTS a des connections avec la mafia russe : ce qui expliquerait d’ailleurs le nom de « PLI » et le message reçu des « amis du Cambodge » …puis du Russe qui se mêlait à eux dans triangle…mais c’est plus compliqué que cela n’y laisse paraître, et difficile de comprendre lorsque l’on n’a pas les éléments en main…
La seule chose à prendre en considération est l’acquiescement de B, lorsque je lui ai demandé si je lui parlais de l’OTS, s’il était Ok qu’il y ait une relation avec TH ! (mais je crois tu n’as pas vraiment tout suivi de la conversation, car je dois encore te prouver ce qu’à dit B…mais c’est bien toi ça…)…je sais que B souhaite comprendre le fond de l’histoire (tout comme moi), et cela dépasse les investissements que TH pourrait obtenir par les investisseurs classiques.
Bye
• PIÈCE À CONVICTION 8
Courriels divers
De : [email protected]
Date : mercredi 15 janvier 2003 12 :34
A : Echo
Objet : Re :
Marie est toujours décidée à parler mais devant la cours européenne en rentrant. Elle regrette que PCU se soit dégonflé en rentrant en Franche et qu’il soit revenu en niant tout en masse.
Rio a eu une hémorragie interne, suite à la dengue. Je sais que ca se soigne normalement bien. Donc ? Marie et les gens de PSE le connaissaient vraiment bien.
Je suis convaincue de ces atrocités et le peu que je peux faire, c’est de faire cesser l’apport d’argent de Mission Cambodge. Marie connait quelqu’un sur Paris qui aurait des choses à dire pour convaincre.
A+
From : [email protected]
To : [email protected]
Subject: Re : Olivier
Date: Tue, 14 Nov 2000 09:31:56 GMT
Salut,
J’ai reçu cet email de Laurent le directeur financier de Triangle Holding, te concernant…Après réflexion, je pense qu’il a complètement raison dans ces propos. On est tous la pour essayer de faire du bon boulot. Je connais bien Laurent, il a ses défauts mais c’est un mec droit. Il a des raisons de n’être satisfait de la tournure des évènements. Nous concernant au Cambodge, il a toujours tenu ses engagements et quand il s’engage, ce ne sont pas des mots, c’est en cash avec le risque de ne plus le revoir ! Et puis ses contacts, ce n’est pas le colonel trucmuch, c’est quand même le chef suprême des armées, rue du Faubourg Saint Honoré, tu vois ce que je veux dire !
A+ JPP
From : [email protected]
Reply-To: [email protected]
To: [email protected]
Subject: Olivier
Date: Sun, 12 Nov 2000 22:13:28 +0100
Salut,
J’ai eu un appel d’Olivier. Je dois dire que je suis furax et que son comportement me déçoit. Néanmoins, ma femme me demande de lui donner une chance et me rappelle que le Cambodge en a rendu plus d’un out.
Je ne sais pas si je peux faire confiance en son jugement et les documents qu’il me donnera. A propos de documents, il m’a dit qu’il a déjà tout donné à une autre personne. Si jamais il continue à tirer sur l’ambulance, et qu’il décide de poster plainte comme il dit, nous lui renverrons la balle au sujet de la divulgation de ces documents et moi je ne paye pas les frais d’avocat…
Donc, à ce sujet, je vais rencontrer OB et voir ce que je peux faire pour lui. D’abord, vérifier qu’il a changé d’idée en ce qui concerne les cabinets de conseils car là, il risque de se prendre une claque terrible. Il est loin du standard de base pour ce type d’activité et de ce type d’organisation.
Donc, je suis demain à Massy, ; si tu peux le joindre.
A+ Laurent
• PIÈCE À CONVICTION 9
Présentation commerciale de Triangle Holding pour attirer des investisseurs et des subventions. (Les activités servent à camoufler les trafics).
Le club des artistes Khmers est composé d’enfants.
Le Cambodge en quelques mots
Nés dans la tourmente de la guerre, les enfants du Cambodge soufflent aujourd’hui leurs vingt bougies dans la paix retrouvée, après trente années de conflits et un des plus terribles génocides de l’histoire
La démocratie fait ses premiers pas dans un régime de monarchie constitutionnelle mis en place la suite des élections de 1993, décidées lors des accords de paix de Paris signés en 1991. Les Nations Unies avaient alors débarqué en nombre afin d’assurer la bonne marche de ces élections. Le roi, Norodom Sihanouk, joue un rôle de médiateur très respecté. Il est un gage certain de stabilité et toujours très proche de son peuple. Plus de trois cents organisations non gouvernementales sont présentes dans le pays pour participer ˆ la reconstruction.
Sur une superficie de 181 035 km2, vivent prés de 11 millions de Cambodgiens. Plus de 40% sont des jeunes et le taux de fécondité ne cesse de croitre (5,2%), avec une croissance démographique de 3,1 %.
Phnom Penh abrite actuellement un demi-million de personnes (après avoir accueilli beaucoup de réfugiés de la guerre, la ville a ensuite été totalement vidé de sa population par les Khmers Rouges, avant d’être de nouveau occupée après 1979).
Le gouvernement actuel n’a ni le temps ni les moyens de préparer l’arrivée de cette génération issue de la formidable explosion démographique de l’après-génocide, alors que tant d’infrastructures (les axes routiers, l’électricité, l’eau, l’assainissement, les hôpitaux) sont à reconstruire. Le pays manque aussi de cadres, de techniciens, de médecins, le régime génocidaire de 1975 à 1979 ayant décimé les élites professionnelles et intellectuelles (un médecin pour dix mille habitants). Les salaires de la fonction publique sont très insuffisants pour rémunérer le travail qualifié.
«Le Cambodge, qui était qualifié dans les années soixante de «»Perle de l’Asie»» aspire à redevenir une nation prospère. Son entrée dans l’ASEAN (Marché commun de l’Asie), les perspectives très importantes de développement économique, l’arrivée des grands investisseurs internationaux font de ce pays l’un des plus prometteurs de la région.»
Des chiffres pour comprendre le Cambodge
1953-1954: Indépendance du Cambodge après prés de cent ans de présence française. Intronisation du roi Norodom Sihanouk. Au Vietnam, défaite française de Dien Bien Phu.
1968-1969: Premiers raids américains contre les sanctuaires Viêt-Cong au Cambodge.
1970: Le 18 mars, coup d’Etat à Phnom Penh mené par le général Lon Nol, favorable à l’intervention américaine au Vietnam. Le roi Sihanouk se réfugie à Pékin et s’allie avec la guérilla communiste des Khmers Rouges.
1975: Chute de Saigon et retrait des forces US du Vietnam. Victoire des Khmers Rouges au Cambodge et chute de Phnom Penh, le 17 avril. Début de la campagne de purification.
1979: Démission de Sihanouk, le premier chef des Khmers Rouges. Pol Pot devient Premier ministre.
1979-1980: Le Vietnam envahit le Cambodge et installe un pouvoir ˆ sa solde. Les Khmers Rouges se réfugient dans le maquis et reprennent la guérilla.
1989 : Retrait officiel des Vietnamiens du Cambodge.
1991-1993: Les accords de paix de Paris sont signés qui amènent les forces des Nations Unies (Apronuc ou Untac) à débarquer au Cambodge pour organiser des élections qui auront lieu en
1998: Nouvelles élections qui marquent la victoire de Hun Sen, l’actuel Premier ministre. Mort de Pol Pot et fin des Khmers Rouges qui réintègrent la vie civile.
Une équipe de managers pour un projet
Créée en mars 1999, Triangle Holding, Start Up de l’économie réelle et non virtuelle, est née de cette idée simple que l’on peut aider un pays émergeant autrement que par le biais des ONG en s’appuyant sur le développement d’activités économiques saines et à haute valeur ajoutée. C’est une autre façon d’affirmer la présence française au Cambodge et en Asie.
Jean-Pierre Franchi: Directeur Général du Groupe, 36 ans. Chargé des relations publiques et des négociations avec les divers partenaires du groupe. Il coordonne également les actions de promotions entreprises. Il sait acquérir la confiance des partenaires, atout non négligeable en Asie.
Jean-Philippe Demont-Piérot: Directeur Général adjoint du Groupe, 42 ans, journaliste professionnel. Chargé du développement et des projets.
Laurent Pichlinsky : Directeur Financier du Groupe, 38 ans, diplômé de l’ESSEC, il représente le groupe en France.
Frédéric Amat: Directeur des Publications du Groupe, 32 ans, journaliste professionnel, titulaire d’un DEA en Sciences Politiques, il travaille dans la presse et l’édition depuis dix ans dont six passés en Asie du Sud-est.
François Pélissier: Directeur Administratif, 30 ans, diplômé d’une école de commerce, il a travaille à l’assainissement financier d’un journal francophone au Cambodge. Ceinture noire de karaté, il gère comme il se bat: avec rigueur et sérieux.
Mylène Riccardi: Journaliste professionnelle, 23 ans, titulaire d’un diplôme de journalisme de l’IUT de Tours, elle a travaillée en Thaïlande avant d’intégrer Triangle Communication.
Alexander Naunov: Directeur de Publicité de la Régie des publications, 25 ans, diplômé d’une école de commerce en Australie. Ce manager d’origine russe connait tous les responsables d’agences de publicité de la ville et dispose de très nombreux contacts dans les entreprises présentes au Cambodge.
Eric Blanc: Maître-Pâtissier, 35 ans, il est le responsable de la French Bakery. Le goût français en plus!
Un Groupe, des activités et des projets
Principal, The City Magazine, Société Editrice de Triangle Communication
Sorti en juillet 1999. Principal a soufflé sa première bougie en juillet 2000. Le mensuel est devenu aujourd’hui le compagnon privilégié des expatriés. La qualité de ses articles mais surtout ses rubriques pratiques en font un rendez-vous attendu et réclamé. Il est devenu le plus beau magazine du Cambodge. Il s’attache à faciliter la vie des expatriés tout en donnant le goût de l’aventure aux touristes. Il est également le rendez-vous mondain du tout Phnom Penh. Tiré à 5000 exemplaires, il est distribué dans les principaux bars, restaurants et hôtels de la ville ainsi que vendu dans les stations services et les librairies. Principal est également distribué à Siem Reap, la ville des temples d’Angkor. Il contient depuis peu un guide TV de 16 pages, Cable Plus, le tout premier guide de la télévision câblée, que reçoivent tous les expatriés au Cambodge.
Ses annonceurs sont les plus importantes entreprises du Cambodge, directement ou par le biais des agences de publicités. Ce support sera celui des annonceurs internationaux qui commencent à être présents dans ce pays.
Cable Plus
Sorti en octobre 2000. Inséré dans Principal, Cable Plus est donc le tout premier guide TV du royaume. C’est en quelque sorte le Télé 7 jours du Cambodge. Sur la soixantaine de chaînes disponibles à Phnom Penh, une dizaine seulement sont vraiment regardées par les expatriés. Cable Plus donne le programme de ces chaînes ainsi que celui de la chaîne japonaise NHK. Il contient également une rubrique mots croisés ainsi que les commentaires des films diffusés par les plus grosses chaînes américaines telles HBO ou cinemax. Très attendu des lecteurs, Cable Plus est un vecteur commercial porteur. Pour assurer une plus grande diffusion, il est également proposé à tous les hôtels de la ville qui disposent de la télévision câblée (la majorité) de s’abonner uniquement à Cable Plus pour un prix des plus compétitifs. Il n’ya pas de concurrent.
Chivet & Ka•la (La vie et le Sport), Société Editrice Triangle Sport
«Sorti en mars 2000. Mensuel en langue khmère, tiré à 8000 exemplaires et devant connaître une importante augmentation de son tirage, il a pour but de relater les évènements sportifs du royaume et dispose d’une partie consacrée aux stars. Le public khmer est très amateur de sport et il n’existait pas jusqu’à présent de support qui traite de ce thème. Les stars locales et internationales sont adultes de ce même public khmer. Ce magazine permet de toucher une large frange de la population locale ainsi que des annonceurs publicitaires «»mass market»» qui n’annonceraient jamais dans des journaux en langue anglaise. Chinet & Ka va lancer le tout premier roman-photo jamais réalisé au Cambodge. L’histoire d’une jeune fille très pauvre employée à des tâches ménagères et maltraitée par ses patrons qui va devenir une star grâce à ses dons de chanteuse. Mais le parcours qui mène à la gloire est semée d’embuches…»
Le Club des Artistes Khmers
«Le tout premier Club qui fédère tous les artistes khmers, quelque soit leur secteur: chanteurs, acteurs, musiciens. Son but est de fédérer une profession jusque la livrée à elle-même. Le Club organise des évènements sponsorisés par de grosses compagnies étrangères et sert d’impresario pour les jeunes artistes. Il compte plus de deux cents membres et voit ses contrats augmenter régulièrement. De plus en plus d’employeurs passent aujourd’hui par ce Club pour recruter les artistes qu’ils désirent. Le Club offre une garantie de sérieux et de professionnalisme. Il est rattache au titre «»Vie et Sports»».»
Asian Eco, Société Editrice Triangle Asian Publications
Sorti en novembre 2000. Mensuel international d’information économique destiné aux entreprises, aux managers, aussi bien en Asie qu’en Occident, 2 éditions (une en anglais et une en français). Il expose les problèmes liés aux nouveaux investissements, la vie des entreprises et des managers au Cambodge mais aussi des autres pays de l’Asean, les nouveaux potentiels, l’analyse des données… Diffusion uniquement par abonnement.
French Bakery, Société d’exploitation Triangle Foods
Acquisition en mai 1999. La seule boulangerie française de Phnom Penh. Salon de thé proposant gâteaux, pains et viennoiseries, la French Bakery est le rendez-vous des nostalgiques des croissants et autres pains aux raisins. De plus en plus, les Cambodgiens entrent dans la clientèle de la French Bakery, la recherche de produits de qualité réalisés grâce à une équipe khmère dirigée par un pâtissier français. Le salon de thé accueille toute la journée de nombreux clients qui savourent les produits français dans un cadre agréable. La French Bakery livre également les supermarchés de Phnom Penh ainsi que de nombreux bars-brasseries.
Des projets pour 2001
Le renforcement du pôle communication du groupe Triangle oriente les nouveaux projets dans les secteurs de la télévision et de la radio, mais inclus également la préparation d’un nouveau titre édité en langue khmère. C’est une stratégie d’occupation de secteurs d’activités pour que Triangle Holding deviennent le premier groupe de communication du Cambodge.
Mieux qu’une ONG…
Quand on a l’habitude d’offrir quelques dons à des ONG oeuvrant en Asie et au Cambodge, on aime être sûr que cet argent soit dépensé utilement… aider Triangle, c’est avoir la certitude de participer à une véritable entreprise de l’économie réelle, dans des secteurs stratégiques pour le développement du pays et la présence de la France. Triangle Holding, c’est, depuis 2 ans, des investissements qui permettent à plus de trente salariés cambodgiens (qui font vivre plus d’une centaine de personnes) d’être formés aux métiers de la communication et de la presse, de la boulangerie-pâtisserie, de travailler dans des conditions semblables aux normes européennes en matière d’horaires et de congés payés, et d’être rémunérés au mieux (le plus bas salaire de Triangle Holding correspond au double du salaire minimum revendiqué par les syndicats cambodgiens).
JPDP
• PIÈCE À CONVICTION 10
Dossier sur une cible surveillée par Triangle dans le but de la faire chanter.
Dossier Guignot
Personne mise en cause : Guignot de Bois Menu, Pierre, Marie
Né le 15 juin 1957 à Paris et de nationalité française
Passeport n° 97 ES 89162
Adresse actuelle : Obye Karting, Sihanoukville, Cambodge
Suspecté de pédophilie
Sur la demande des autorités de police cambodgienne, notre agence a poursuivi des investigations concernant cet individu et dont il ressort les faits suivants :
Guignot s’est installé au Cambodge depuis 1997. Il a ouvert en 1998 dans la cité balnéaire de Sihanoukville une activité de karting avec une sorte de pensionnat pouvant accueillir des visiteurs. Cet établissement, qui ne fait pas de publicité, – Guignot refuse toutes sortes de publicité directe ou indirecte concernant son karting- est située dans une zone isolée du centre urbain .
Guignot, homosexuel pédophile, s’approche de ses jeunes victimes toutes mineures, et âgées de moins de 12 ans, de la façon suivante :
Il se rend à Phnom-Penh une ou deux fois par mois et prend en charge chaque fois 2 à 3 jeunes garçons auprès d’une ONG ( Street Children Assistance and Development Program, n°77, Street 225 Phnom-Penh ) spécialisée dans l’accueil des enfants des rues. Il ramène ses victimes à Sihanoukville et les garde dans son auberge quelques jours. Pendant ce laps de temps, il se livre à des activités pédophiles seul ou avec des visiteurs occidentaux venus tout spécialement chez lui et contre rémunération.
Après « usage », les jeunes garçons sont renvoyés à Phnom-Penh seuls et par bus. Dans le but d’acheter leur silence, il leur donne à chacun une somme de 10 usd.
Les investigations semblent montrer que Guignot est très prudent, fonctionne en un réseau de nature internationale mais de dimensions limitées, puisqu’il accueille des français, mais aussi des ressortissants allemands. Le tournage de vidéos à caractère pédophile n’est pas avéré, mais ce point demeure à vérifier.
Il semble qu’il bénéficie de complicités ou de bienveillance de la part de l’ONG SCAP qui recueille de jeunes orphelins ou des enfants des rues
Chronologie des investigations :
Début novembre 1999 à Janvier 2000
Dernier contact avec Guignot en avril 2000
Nombre de victimes recencées : 12
Pièces jointes :
Rapports de surveillance de l’agent cambodgien Rith
Rapport de l’ agent français P .
Photos de Guignot et Harn
Photos des jeunes victimes
Rapport de surveillance de l’agent cambodgien Rith
Le 26/10/1999
–Mr Guignot est parti ce jour de Sihanoukville à Phnom-Penh. A son arrivée, il s’est installé à l’hotel Moracat, rue 214
–Après son installation, il s’est rendu à l’ONG SCADP qui s’occupe des enfants des rues.
–Il est inscrit en qualité de parrain dans cette ONG, ce qui lui permet de prendre en charge des garçons.
–Il est reparti le lendemain à Sihanoukville avec un jeune garçon orphelin. ( photo n°1)
Le 02/11/1999
–Mr Guignot est revenu de Sihanoukville et s’est installé à l’hôtel SINGAPOUR
–Il a pris en charge 2 enfants avec lesquels il a passé la nuit à l’hôtel
–Le lendemain, ils sont partis à Sihanoukville ensemble
–Les deux enfants ont été identifiés comme étant les dénommés Ek Samnang et Break Rath ( photo n°2 )
Le 10/11/1999
–Audition des 2 garçons rentrés de Sihanoukville :
–Ils ont dits que le français leur a imposé des relations sexuelles de fellation et de sodomie
–Le français leur a remis à chacun 10 usd pour acheter leur silence
Le 24/11/1999
–Mr Guignot est venu de Sihanoukville pour s’installer à l’hotel Moracat
–Le soir, il a pris en charge 2 enfants de l’ONG SCAP qui ont passé la nuit avec lui
–Le lendemain, ils ont pris le bus pour Sihanoukville
–( photos n° 3 à n° 7 )
Le 03/12/1999
–Un ami de Mr Guignot qui s’appelle Mr Harn, citoyen allemand, est venu de Sihanoukville. Il s’est installé à l’hôtel Singapour dans la chambre 207
–Il a pris en charge 2 enfants de l’ONG SCAP qui ont passé la nuit avec lui
–Ils sont partis le lendemain à Sihanoukville
–Les 2 enfants sont identifiés comme étant Keo Sophat et Sei Ha
Le 19/12/1999
–Audition des 2 enfants revenus de Sihanoukville
–Mr Harn leur a imposé des relations sexuelles
Rapport de l’agent français DE Triangle Holding
Courant novembre 1999, j’ai pris contact avec Mr Guignot dans le but, me présentant en qualité de journaliste, de proposer un reportage promotionnel de son Karting dans le magazine « PRINCIPAL «
Il m’a été impossible de le joindre par téléphone. Son téléphone portable fonctionnait, mais il se déconnectait.
Ayant son adresse e.mail, je lui ai envoyé un message dans ce sens précisé ci-dessus. Il a répondu à ce message en me remerciant pour ma proposition mais en m’indiquant qu’il ne pourrait m’accueillir car il rentrait en France pour quelques mois.
Courant avril 2000, je me suis rendu à Sihanoukville et suis allé dans son karting en me présentant en qualité de touriste. J’ai vu Mr Guignot plusieurs fois de suite. Son centre de karting était vide. Les personnes que j’y ai rencontré sont les membres de son personnel ( 2 hommes d’une trentaine d’années et une femme âgée ), ainsi que 4 jeunes garçons dont l’age variait entre 10 et 12 ans. Comme je m’étonnais du peu de clients présents à chacune de mes visites, celui-ci m’a expliqué qu’il recevait de temps en temps des visiteurs et des petits groupes pour quelques jours, mais qu’il n’avait pas de clientèle occasionnelle.
Mon enquête a montré qu’il recherchait une grande discrétion dans ses activités et qu’il était très prudent.
• PIÈCE À CONVICTION 11
Le 27 août 2001
Monsieur le Président de la Fondation
Time Warner
75, Rockefeller Plaza
4 Th floor
New York NY 10019
Monsieur le Président,
Je suis militaire français et au cours de mes déplacements à l’étranger, j’ai été malencontreusement en contact avec une organisation mafieuse européenne . J’ai été témoin de leurs pratiques et j’ai pris connaissance d’une liste de personnalités à attirer et à exploiter. Dans cette liste figure un dirigeant de TIME WARNER . Je connais la méthode qui a été employée pour que cette organisation exploite cet homme. Malgré des menaces, des intimidations et l’interdiction de mes supérieurs militaires de révéler cette affaire, je m’efforce de prévenir les victimes de cette organisation secrète.
Concernant le responsable de votre fondation, il est malheureusement trop tard pour le mettre en garde mais il est possible de retourner la situation. Il a été trompé mais il reste de bonne foi ne sachant pas qu’il est manipulé. Je cours un réel danger à vous envoyer cette lettre mais je souhaite en tout premier lieu que cette organisation ne s’infiltre pas au sein de votre fondation. Votre discrétion est ma meilleure des protections, je vous remercie de la respecter.Je reste à votre disposition pour vous apporter plus d’informations et attends votre décision concernant la suite que vous voulez donner à cette affaire.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations.
Courrier de Mme Joly faisant en rapport à son échange de messages
Monsieur ,
Connaissant votre influence au sein du pays , je dois vous signaler un réseau mafieux opérant à Phnom-Penh et représentant un réel danger pour le Cambodge.
Ce réseau a été mis en place par des français Jean-Philippe PIEROT et Jean-Pierre FRANCHI qui sont les gérants de la société « Triangle Holding ». Cette société regroupe plusieurs activités : le journal « Principal » , la « Boulangerie Française » (99 B , Preah Sihanouk Boulevard ) et des activités de « Renseignements » au sein de l’agence « Kéops (société d’investigations) » .
Ces français attirent des investisseurs alors que la société est déficitaire depuis le début de sa création. Les escroqueries permettent d’équilibrer les comptes mais ne suffisent à combler les pertes. Donc, de l’argent provient d’autres sources, que je ne peux actuellement révéler, et ce, par sécurité .
Jean-Philippe PIEROT prétexte travailler avec le lieutenant « Tho » de la police des Etrangers pour défendre les intérêts du Cambodge ( en particulier en matière de lutte contre la pédophilie, et cherche à accroître un réseau de renseignements). En réalité, Jean-Philippe PIEROT et Jean-Pierre FRANCHI se renseignent sur tout le monde et exploitent les renseignements pour leur compte personnel, en procédant ainsi :
√ en vendant les renseignements aux gens ou organismes intéressés
√ en s’attirant la sympathie d’organismes privés
√ en recherchant l’appui de personnalités du pays dont Mme le ministre de la condition féminine et le Vice-Gouverneur, tout en leur substituant des renseignements sur la vie politique √ en recherchant des subventions
√ en protégeant des pédophiles .
Jean-Philippe PIEROT entretient des rapports avec des organismes privés en France et dans le monde entier. Le danger est qu’il se fait passer pour un agent des services secrets français ce qui est totalement faux. Il entretient autour de lui une atmosphère laissant croire qu’il est investi d’une « mission » provenant de l’Etat Français. C’est pourquoi, grâce à une intelligente manipulation, identique à celle exercée dans une « Secte », il arrive à endoctriner des adeptes. Il nomme des « agents secrets» et leur donne ensuite à surveiller quelqu’un au Cambodge. Ses agents Cambodgiens, Français, Australiens, Vietnamiens …sont pour certain, tellement endoctrinés qu’ils sont capables de tuer sur ordre. C’est le cas de Mr Antoine COSTANTINI, qui a été nommé dans les bureaux de Jean-Philippe PIEROT : « agent au service de la France « en septembre 2000 dernier. Cet homme avait rencontré le Ministre du Commerce à cette époque. Il est extrêmement dangereux.
Les agents « permanents français» de Jean-Philippe PIEROT sont, pour ne citer qu’eux : Xavier MATHEVET, François PELLISSIER, Frédéric AMAT… qui ont espionnés, à plusieurs reprises de hautes personnalités Cambodgiennes. Les « agents cambodgiens « sont nombreux : le lieutenant « PIRIT » de la police, le traducteur « TON » ( qui connaît bien tout le réseau ), trois officiers supérieurs de police, et une dizaine « d’hommes de main « et bien d’autres encore.
Très discret, ce réseau a des informateurs un peu partout dans la société cambodgienne, dont un informateur auprès du cabinet du « Prince RANARIDH ».
Des renseignements diffusés par Jean-Philippe PIEROT font d’ailleurs état « des pratiques du Prince et de certains membres de son cabinet ››.
Jean-Philippe PIEROT et Jean-Pierre FRANCHI ont en plus, de nombreux créanciers avec lesquels ils sont en conflits. C’est le cas de deux français qui s’étaient associés et qui ont refusés, de participer à ces pratiques illégales. Ils sont repartis en France en octobre 2000, accompagnés de menaces.
Je pourrais, si cela devait être utile pour le pays, vous donner d’autres indications sur ce réseau, qui reste un réseau très grave, puisque les pratiques que je définies ci-dessus ne sont que de petites révélations, par rapport à l’énorme « trafic » illicite que ces personnes cachent.
Permettez-moi de garder sous silence mon identité pour des raisons de sécurité.
Je reste toutefois à votre disposition.
Madame Géraldine Joly

L’auteur
Bruno Mercier a fait une carrière dans les Troupes Aéroportées des Troupes de Marine en tant que Commando puis spécialiste de Défense Nucléaire Biologique et Chimique. Au cours de sa carrière, il a été amené à intervenir dans de nombreux pays. Il a été engagé dans des opérations armées ; le coup d’Etat en Centrafrique, l’opération Victor à Ouvéa, Godoria à Djibouti pour ne citer que celles-ci, et il a servi au sein de l’Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge.
Utilisé par les services de renseignement pour infiltrer un réseau de mafieux français en Asie du Sud-Est, il découvre le jeu de la manipulation et les trafics les plus criminels. Il se retrouve au milieu d’une mafia qui n’a aucune limite pour s’enrichir et qui utilise tous les stratagèmes pour renforcer son organisation. Les mafieux n’hésitent pas à se faire passer pour des agents des services de renseignement ou des Franc-maçons pour mieux impressionner et tromper leur victime.
Au fil des années, il fait les relations entre son expérience militaire et les activités de la mafia dans laquelle il était membre. En 2008, il témoigne auprès du juge Sophie Clément dans l’affaire de l’assassinat du juge Borrel à Djibouti.

FIN.

lien PDF : http://www.fichier-pdf.fr/2013/04/20/maquette-mafia-v3/maquette-mafia-v3.pdf#page=7&zoom=80,0,708


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