« Le renseignement est un boulot ingrat. On ne gagne jamais… Du moins, nos victoires restent le plus souvent secrètes. Par contre, nos échecs deviennent des scandales d’États ».

John Smith est un vétéran du renseignent américain. Bien entendu, John ne s’appelle pas John. Mais sa véritable identité importe peu. Son parcours parle pour lui. Il traine ses guêtres dans les zones de conflit depuis plus de 40 ans. La guerre froide, l’Amérique latine, le Liban, l’Afghanistan et puis, depuis le 11 septembre 2001, le Moyen Orient. La chasse aux terroristes, la chute de Saddam, les printemps arabes et enfin la Syrie et la menace Daech.

Depuis longtemps, John est une source. Bien sur, la règle numéro 1 du journaliste d’investigation est de ne jamais faire totalement confiance à sa source. De garder en tête que chaque fuite, chaque morceau d’information, chaque confidence sont partagés pour une raison. Un agenda disent les Américains.

Mais au lendemain des attentats de Bruxelles, quelques mois après ceux de Paris, B3zero voulait connaitre l’avis d’un pro de l’espionnage. Et l’avantage avec John, c’est qu’il ne mâche pas ses mots…

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Nous avons toujours payé les mauvais choix des politiques. Toujours !

JS: Je ne suis pas là pour critiquer mes collègues. C’est un boulot trop difficile. Les enjeux sont trop importants…

B3zero: Pourtant à Bruxelles, comme à Paris, il semble que les dysfonctionnements aient été nombreux ?

JS: A quel niveau ? Et pourquoi ? Parce que les gars sur le terrain ont mal fait leur boulot ou parce qu’au dessus d’eux les mauvaises décisions ont été prises ? Je ne dis pas que l’on ne se plante jamais mais en 40 ans de services, sur le terrain, nous avons toujours payé les mauvais choix des politiques. Toujours !

B3zero: C’est le cas à Bruxelles ? A Paris ?

JS: Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que la France a de super agents. En Afrique, au Moyen Orient, vous avez toujours fait un super boulot.

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Darknet, l’encrytpage… Ce sont des conneries !

B3zero: Alors pourquoi les échecs de Paris et Bruxelles ? La faute à la technologie utilisée par les terroristes ?

La question a le don d’énerver notre agent qui s’emporte:

JS: Il faut arrêter avec ça ! Ce sont des conneries !

Une pause…

JS: Les nouvelles technologies, l’encryptage, darknet, c’est le grand méchant loup trouvé par les politiques pour masquer leurs incompétences ! C’est ce qu’ils ont trouvé à balancer au public pour excuser leurs propres erreurs ! La vérité c’est que Paris et Bruxelles sont justement le contraire ! Des opérations low-tech ! Et c’est le coeur du problème.

B3zero: Comment cela ?

JS: Les gars qui ont fait les opérations ont volontairement rejeté la technologie pour ne pas se faire attraper. Les communications se sont faites à partir de téléphones jetables, de rencontres en face à face. Pas en envoyant des emails cryptés ! Même chose pour l’explosif. Ils ont utilisé du TATP (peroxyde d’acétone) parce que justement n’importe qui peut le fabriquer et que l’ensemble des ingrédients est en vente libre. Pas de contrôle donc pas de détection !

B3zero: C’est une stratégie typique à Daech ? 

JS: Non, on pourrait remonter au Vietnam pour retrouver ce genre de comportement. Surement plus tôt aussi. Vous êtes en train de vous retrouver face à la même situation que nous après le 11 septembre.

B3zero: C’est à dire ?

JS: Nos services avaient fait le tournant vers le tout technologie. Ce qui coûte cher, qui fait de la publicité et qui ne marche pas dans ce genre d’opérations. Du moins pas totalement. Nous avions le meilleur matériel au monde pour écouter une conversation téléphonique quand eux échangeaient des informations par des notes manuscrites, immédiatement détruites ! Et ceux qui utilisaient encore la technologie moderne comme un téléphone portable ont vite compris qu’ils risquaient de se faire descendre par un drone.

B3zero: Et donc ?

JS: Et donc on revient sur le boulot sur le terrain. Sa nécessité, son importance. Et comment les mecs ne peuvent rien faire si leur hiérarchie ne leur donne pas les moyens de réussir.

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C’est ce qui arrive lorsque les politiques prennent le contrôle…

B3zero: Cela a été le cas à Bruxelles ?

John hésite, cherche les bons mots…

JS: Je n’ai pas d’informations précises et même si c’était le cas, je ne les partagerai pas… Il faut quand même comprendre une chose, en novembre dernier les officiels belges mettaient en avant le succès de leurs choix politiques pour lutter contre la radicalisation. Ils ne nous parlaient pas de Bruxelles mais de Anvers… Et expliquaient que l’argent investi dans la prévention, l’intégration et la réhabilitation fonctionnait. Que les djihadistes qui revenaient de Syrie étaient sous contrôle ou presque…

B3zero: Quelques jours après, c’était Paris…

JS: Voila ! Mais tu sais quoi ? Tu aurais demandé son avis à un agent sur le terrain et il n’y en aurait pas eu un à te sortir ces conneries ! Pas un ! Encore une fois, c’est ce qui arrive lorsque les politiques prennent le contrôle.

Les 3 et 4 novembre derniers, dans une série de rencontres entre un représentant du Département d’État et Frank Arnauts, ambassadeur Belge, représentant le Ministère des Affaires Étrangères, la Belgique a partagé avec les États-Unis son optimisme sur la reprise du contrôle progressif des problèmes liés au radicalisme et au départ de Belges vers la Syrie.

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La France, c’est un merdier !

B3zero: C’est aussi le cas en France ? 

John sourit, hésite. Son parcours professionnel est passé par la France. Pendant plusieurs années.

JS: La France, tu le sais, c’est un merdier. Ce n’est pas nouveau. TOUT est compliqué. Politiquement, la radicalisation est une patate chaude. Vous êtes comme en Belgique et ailleurs en Europe, vous continuez à payer le prix d’avoir laissé les saoudiens financer l’enseignement de l’islam. Le salafisme Wahhabite est au coeur du problème et ce n’est pas nouveau. Mais ce n’est qu’un élément. Ensuite, il y a des aspects qui sont typiques à vos services.

B3zero: Comme ?

JS: Vos agents sont victimes de choix politiques ineptes. Comme ailleurs. Mais en plus, vous continuez à souffrir d’une rivalité entre services. Tu vas me dire que ce n’est pas le cas qu’en France, c’est vrai. Mais chez vous, il y’a une culture du doute. De la suspicion. Parfois vous ignorez une note, une piste parce qu’elle a été transmise par le mauvais service, la mauvaise personne, le mauvais canal.

B3zero: Ce fut le cas pour Paris ?

JS: Je ne sais pas… Ce que je sais, c’est qu’il y a eu plusieurs rapports envoyés par différents services étrangers . Ensuite, j’ignore comment ils ont été traités.

B3zero: Même pas une idée ?

JS: A mon tour d’être politique et ne pas répondre à ta question…

Le partage entre services de notes d’alertes est fréquent. Dans la majorité des cas, le contenu n’est pas suffisamment précis pour agir. L’exemple le plus connu reste le rapport préparé par la CIA pour la Maison Blanche. Daté du 6 août 2001, il affirmait que Ben Laden était déterminé a frapper sur le sol américain. Sans pour autant donner d’informations « actionnables » 

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Parmi les rapports reçus par Paris dans les jours qui ont précédé les attentats du 13 novembre figure un document des services irakiens, distribué à plusieurs pays de la coalition. 

Un document secret. Sans information précise,  qui, selon un membre du renseignement français interrogé par AP, est du genre que les services reçoivent « tous les jours ». 

Une description qui ne correspond pas à celle donnée par deux officiels irakiens interrogés par AP.

Pour eux, le rapport mettait en garde sur l’entrainement particulier suivi par un groupe de combattants de Daech. Un entrainement axé sur une opération en France.

Le rapport irakien précisait aussi que ces combattants devaient être accueillis par une cellule dormante, que 24 personnes étaient impliquées dans l’opération, 19 pour les attaques et cinq en charge de la planification et de la logistique.

Un nombre qui prend un sens nouveau après Bruxelles et les révélations qu’entre les attentats de Paris et ceux de la capitale belge,  une seule équipe a terrorisé l’Europe.

 


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4 Commentaires
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Nanette
Nanette
Avr 1, 2016 4:28 pm

Laurent elle sort d’où cette interview ? Parce que bon un certain B3zero qui questionne un certain John Smith de la CIA…
Enorme … Tous les jours on croise un agent dans la rue et hop on se fait un petit question réponse avec un café et une Marlboro….. :p

GringoLoco
GringoLoco
Mar 31, 2016 6:08 pm

Hmmm… Les politiques, , ils sont pourris, on le sait déjà mais c’est un peu facile de tout rejeter sur eux. Derrière les politiques il y a des gens qui votent, et il y a une multitude de subordonnés complices de la trahison des élites. Dommage que ce “brave” agent… Lire la suite »

Paganel
Paganel
Mar 31, 2016 3:32 pm

“Ils ne nous parlaient pas de Bruxelles mais de Anvers…”

Du moment que vous étiez de accord… 😀

Gary
Gary
Mar 31, 2016 6:20 am

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